Soudan, enfants

Lutter contre le recrutement et l’utilisation d’enfants au Soudan : 2013-2016

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Les enfants touchés par les conflits armés ont droit à un respect et à une protection particuliers.

Les enfants ne doivent pas être recrutés dans des forces armées ni dans des groupes armés.

Les enfants ne doivent pas être autorisés à participer aux hostilités.

Résumé du cas d’étude

Le conflit armé au Darfour, une région de l’ouest du Soudan, a commencé en 2003. Selon de nombreux témoignages, les parties au conflit, y compris le gouvernement soudanais et divers groupes armés non étatiques tels que le Mouvement Justice et l’Egalité (JEM), ont recruté des enfants pour combattre au sein de leurs forces militaires.

Le Soudan est partie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés depuis 2005. En vertu de l’article 3, par. 2 du Protocole facultatif, le gouvernement a fixé à 18 ans l’âge légal pour être incorporé dans les forces armées soudanaises. Le Protocole prévoit des obligations relatives à la démobilisation et la réintégration des enfants qui ont été illicitement recrutés.

En 2013, le gouvernement et le JEM ont signé un accord de cessez-le-feu et se sont engagés à protéger les enfants. En 2016, à la suite de cet accord, le gouvernement soudanais a signé un Plan d’action avec les Nations Unies (NU) visant à prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants au sein de ses forces de sécurité. Les premiers enfants ont été libérés dans les mois suivants.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. En février 2013, le gouvernement du Soudan et le JEM ont signé un accord de cessez-le-feu et se sont engagés à assurer une protection aux enfants, conformément aux obligations internationales du Soudan. Les parties ont accepté de coopérer pleinement avec la Mission conjointe des Nations Unies et de l’Union africaine au Darfour (UNAMID) et notamment de respecter son mandat visant à protéger les enfants, en particulier :
    • Prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants par des forces et des groupes armés et y mettre un terme 
    • Libérer tous les enfants recrutés par des forces ou des groupes armés 
    • Considérer tous les enfants qui ont été illicitement recrutés au sein de forces combattantes et qui ont été accusés de violations du droit international comme des victimes et non comme de potentiels auteurs de violations
  2. En mars 2016, lors d’une cérémonie officielle à haut niveau mettant l’accent sur l’engagement du gouvernement soudanais à protéger les enfants, ce dernier a signé un Plan d’action avec les NU, afin de prévenir le recrutement et l’utilisation d’enfants par les forces de sécurité de l’État.
  3. En septembre 2016, le gouvernement soudanais a libéré 21 enfants retenus par les forces de sécurité depuis leur capture pendant les affrontements avec le JEM en 2015. Le Conseil national du Soudan pour la protection de l’enfance a travaillé avec les NU pour organiser le transfert des enfants vers des centres de transit, où ils ont notamment reçu une assistance psychologique pour soutenir leur réintégration dans la société.

Ce cas pratique a été élaboré par Pierpaolo Castiglioni, Constantinidi Yiota et Fiammetta Ferioli, étudiants en droit (LL.M) à l’Université de Rome III sous la supervision de Giulio Bartolini (professeur) et de Tommaso Natoli (chercheur doctorant) de la clinique de DIH de l’Université de Rome III, avec le concours de Jemma Arman et Isabelle Gallino, étudiantes en droit (LL.M) à l’Académie de Genève.

 

A. UN ACCORD DE CESSEZ-LE-FEU COMPRENANT DES DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DES ENFANTS

[Source : Gouvernement du Soudan et Mouvement Justice et Égalité du Soudan, Accord de cessez-le-feu, 10 février 2013, [traduction CICR] disponible sur : https://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/SD_130210_CeasefireGoSJEMSudan.pdf]

 

PRÉAMBULE

Le Gouvernement du Soudan (« GdS ») et le Mouvement Justice et Égalité (JEM) (ci-après désignés individuellement par la mention la « Partie » et  conjointement par la mention les « Parties »), qui se sont réunis à Doha, au Qatar, sous l’égide de Son Altesse Cheikh Hamad bin Khalifa Al-Thani, émir du Qatar, en présence de Son Excellence Cheikh Ahmad ben Abdallah Al Mahmoud, Vice-premier ministre du Qatar et ministre d’État  pour les Affaires du Conseil des ministres et de Son Excellence Mme Aïchatou Mindaoudou, Médiateur en chef conjoint Union Africaine-Nations Unies par intérim pour le Darfour, dans le cadre de leurs efforts visant à trouver une solution durable, juste et globale au conflit du Darfour ; […]

 

Condamnant tous les actes de violence contre les civils et les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire ; […]

 

LES PARTIES […]

4)  Acceptent de faire cesser immédiatement toute action suivante et de s’en abstenir : […]

j) Le recrutement et l’utilisation de garçons et de filles de moins de 18 ans par les forces armées et les groupes armés dans les combats, conformément aux obligations auxquelles le Soudan a souscrit au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la participation d’enfants dans les conflits armés et aux obligations au titre du Protocole additionnel II (1977) aux Conventions de Genève de 1949. […]

5)  S’engagent en outre à garantir : […]

c) L’entière coopération avec la MINUAD pour lui permettre d’exercer son mandat ; […]

h) De veiller à ce que tous les enfants, garçons et filles, recrutés par les forces armées ou les groupes armés, soient libérés sans condition et d’élaborer des Plans d’action dans cet objectif ;

i) De veiller à ce que tous les enfants, garçons et filles, qui sont accusés de violations du droit international après avoir été illicitement recrutés par les forces armées ou des groupes armés soient en premier lieu considérés comme des victimes de violations du droit international et non comme des auteurs présumés de violations. […]

 

B. LE SOUDAN SIGNE UN PLAN D’ACTION AVEC LES NATIONS UNIES

[Source : Bureau de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, Sudan Signs Action Plan to Protect Children from Violations in Armed Conflict, 27 mars 2016, [traduction CICR] disponible sur : https://childrenandarmedconflict.un.org/press-release/sudan-signs-action-plan-to-protect-children-from-violations-in-armed-conflict/]

 

Khartoum, Soudan – Le gouvernement soudanais a signé un Plan d'action avec les Nations Unies pour prévenir le recrutement et l'utilisation d'enfants par les forces de sécurité étatiques, ce qui constitue une avancée majeure pour la protection des enfants au Soudan. Les Nations Unies saluent l’engagement pris par le gouvernement afin de préserver les enfants contre de toute violation du droit dans les conflits armés.

 

« Nous allons travailler en faveur d’une meilleure promotion et d’une plus grande protection des droits de l’enfant dans les zones affectées par les conflits armés et le déplacement de population. Nous prenons également l’engagement de renforcer les mécanismes existants prévus par la loi sur l’enfant de 2010 et la loi sur les forces armées du Soudan », a déclaré Son Excellence Ibrahim Adm Ibrahim, ministre d’État en charge de la protection sociale.

 

 Ce dernier a signé le Plan d’action au nom du gouvernement soudanais, dans une cérémonie officielle à haut niveau présidée par le ministre des Affaires étrangères et en présence de plusieurs autres ministres du gouvernement, pour souligner sa détermination à mettre fin au recrutement et à l’utilisation des enfants.

 

« L'ONU au Soudan est prête à soutenir toutes les étapes de mise en œuvre de ce Plan d'action », ont déclaré les trois coprésidents de l'Équipe spéciale de surveillance et d'information des Nations Unies au Soudan, à savoir la Représentante spéciale conjointe de la mission Union africaine-Nations Unies au Darfour, Bintou Keita, la Coordonnatrice résidente et coordonnatrice humanitaire des Nations Unies au Soudan, Marta Ruedas et le Représentant de l’UNICEF au Soudan, Geert Cappelaere.

 

Le Plan d'action énonce une série de mesures visant à renforcer la protection globale des enfants affectés par des conflits armés, il prévoit notamment de prévenir le recrutement des enfants et d’y mettre un terme, en libérant les enfants enrôlés dans les forces de sécurité nationales.

 

Le gouvernement s’est également engagé à nommer un coordonnateur de haut niveau chargé d’assurer la coordination dans la mise en œuvre de ce Plan d’action et la coopération avec les Nations Unies pour s’assurer que celle-ci est bien effective.

 

Une nouvelle avancée majeure pour la campagne « Enfants, pas soldats »

 

Suite à la signature du Plan d’action, les sept pays dont les forces nationales de sécurité sont inscrites sur la liste du Secrétaire général des Nations Unies relative au recrutement et à l'utilisation d'enfants, se sont engagés à poursuivre l'objectif de la campagne « Enfants, pas soldats », une initiative globale visant à mettre fin au recrutement et à l'utilisation d'enfants par les forces de sécurité étatiques dans les conflits.

 

« Vingt ans après la création de mon mandat, les États du monde entier reconnaissent désormais que les enfants ne devraient pas être associés à des forces de sécurité nationales en période de conflit », a déclaré la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour les enfants dans les conflits armés, Mme Leila Zerrougui. « Le Plan d’action signé ce jour garantira à l’avenir une meilleure protection des enfants dans ce pays. Je compte sur sa mise en œuvre complète et réaffirme mon soutien total aux autorités soudanaises dans la réalisation de cet objectif. » 

 

Lorsque toutes les mesures du Plan d’action approuvées par le gouvernement soudanais auront été pleinement mises en œuvre et examinées par les Nations Unies, les forces de sécurité soudanaises cesseront de figurer dans les annexes du rapport annuel du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés.

 

C. LE SOUDAN LIBÈRE 21 ENFANTS

[Source : UNICEF, The United Nations welcomes the release of 21 child soldiers by the Government of Sudan, 22 septembre 2016, [traduction CICR] disponible sur : https://unamid.unmissions.org/united-nations-welcomes-release-21-child-soldiers-government-sudan]

 

 Les Nations unies se félicitent de la libération, hier, par le gouvernement soudanais, de vingt-et-un enfants associés à des groupes armés. Ces enfants, qui étaient détenus par les forces de sécurité gouvernementales, avaient été capturés en 2015, lors des combats au Darfour entre le gouvernement du Soudan et le Mouvement Justice et Égalité.

 

 « C’est avec beaucoup d’émotion que nous venons d’apprendre la libération de ces enfants. Cette initiative est le signe évident de la détermination du gouvernement à protéger les enfants qui sont touchés par le conflit qui se déroule dans le pays. Les Nations Unies voudraient saisir cette occasion pour réaffirmer leur soutien total au gouvernement soudanais pour promouvoir et préserver les droits des enfants au Soudan, y compris dans les zones de conflit armé », a déclaré Mme Marta Ruedas, la Coordinatrice résidente des Nations Unies [sic].

 

L’ONU voit la libération de ce groupe comme une avancée majeure dans la mise en œuvre du Plan d’action signé entre les Nations Unies et le gouvernement du Soudan le 27 mars 2016. Cet accord vise à contribuer à la protection complète des enfants touchés par le conflit armé au Soudan, plus particulièrement, la protection et la prévention contre le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les combats et également à promouvoir leur libération, leur réintégration et leur réadaptation.

 

« Il faut cesser de confisquer leur avenir aux enfants soudanais. Aucun enfant ne devrait participer aux hostilités. Leur place est à l’école et aux côtés de leur famille. Je salue la libération de ces enfants, qui est un acte très important et je réitère mon appel à toutes les parties à des conflits armés pour mettre un terme au recrutement d’enfants soldats » a déclaré le Représentant spécial conjoint, Martin Uhomoibhi, chef de la MINUAD.

 

Les enfants seront hébergés dans un centre de transit du gouvernement où on leur apportera un soutien psychosocial et d’autres formes d’assistance, afin de permettre une réintégration efficace au sein de leurs familles et leurs communautés. Les Nations Unies travaillent en étroite coopération avec le Conseil national du gouvernement pour la protection de l'enfance, afin de faciliter la mise en œuvre de ce processus.

 

« Aujourd’hui est un grand jour ! Cette libération est le fruit de notre engagement collectif à travers le Plan d’action pour la protection de tous les enfants dans les conflits. Leur retour auprès de leurs familles et leur réinsertion dans la société constitueront une étape essentielle pour garantir et préserver les droits de l’enfant et de l’enfance. Nous mettrons tout en œuvre pour apporter notre soutien au gouvernement et aux institutions qui travaillent en vue de réintégrer ces enfants, » a déclaré Abdullah Fadil, Représentant de l’Unicef au Soudan.

 

Garantir une réinsertion complète des enfants qui étaient associés à des forces armées ou des groupes armés au sein de leurs communautés est un objectif primordial pour l’ONU et ses partenaires au Soudan.

 

Discussion

 

I.  Qualification de la situation et droit applicable

1. Comment qualifieriez-vous la situation entre le Mouvement Justice et Égalité (JEM) et le gouvernement du Soudan ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? Sous quelles conditions le Protocole additionnel II serait -il applicable ? (CG I-IV, art. 3 ; PA II, art. 1)

 

II.  La protection des enfants dans les conflits armés

2Quelles sont les protections garanties aux enfants dans les conflits armés non internationaux ? Sont-elles différentes des règles applicables dans les conflits armés internationaux ? (PA II, art. 4, par. 3 et art. 6, par. 4, DIHC, Règles 135-137)

 

3.  Les enfants qui sont détenus, tels que ceux qui ont été libérés dans le document C, bénéficient-ils d’un statut particulier ? Si tel n’est pas le cas, bénéficient-ils malgré d’une protection spécifique ? Laquelle ? (PA II, art. 4, par. 3)

 

4. À partir de quel âge une personne peut-elle être recrutée dans les rangs des forces armées étatiques ou par un groupe armé non étatique ? (PA I, art. 77, par. 2 ; PA II, art. 4, par. 3, al. c) ; DIHC, Règles 13—137, Convention relative aux droits de l’enfant de 1989, art. 38, par. 2 ; Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication des enfants dans les conflits armés, art. 1-4).

 

III.  Éléments contribuant au respect du DIH

5. Quel avantage présente le fait d’inclure l’interdiction de recruter des enfants dans un accord de cessez-le-feu ? Selon vous, un accord de cessez-le-feu peut-il potentiellement garantir un plus grand respect du DIH ?

 

6. (Document B) Que pensez-vous du mécanisme établi par les Nations Unies consistant à ajouter ou retirer un pays de la liste figurant dans les annexes du rapport annuel du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés ? Cette pratique peut-elle encourager les États à se conformer à leurs obligations ? Si oui, pour quelle raison ? Si non, pourquoi ? Que pensez-vous de la campagne « Enfants, pas soldats » ? À qui s’adresse-t-elle ? Pensez-vous qu’il s’agit là d’un moyen efficace pour renforcer le respect du DIH ? Pourquoi ?

 

7. Quel est l’avantage de signer le Plan d’action lors d’une cérémonie publique officielle ? Est-ce là un moyen d’accroitre la visibilité du Plan d’action ? De créer plus d’attentes ? À votre avis, comment le Plan d’action mis en œuvre par le Soudan a-t-il été perçu par la communauté internationale ? Et par la population soudanaise ? Pourquoi ?

 

8. À votre avis, quels sont les avantages de l’implication des Nations Unies dans la lutte contre le recrutement des enfants ?