Irak : une réforme dans les centres de détention autorise les visites des familles de détenus à Camp Bucca

Faciliter les visites des familles de détenus en Irak : 2006-2007

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Les personnes privées de liberté doivent être autorisées à entretenir une correspondance avec leur famille, moyennant des conditions raisonnables.

Les internés civils et les personnes privées de liberté en relation avec un conflit armé non international doivent être autorisés, dans la mesure du possible, à recevoir des visites, et en premier lieu celles de leurs proches.

Résumé du cas d’étude

En 2003, les États-Unis d’Amérique ont participé à des opérations militaires contre l’Irak dans le cadre d’une coalition internationale. Les forces américaines sont restées en Irak après la fin des hostilités afin d’aider le nouveau gouvernement irakien à rétablir la sécurité et former les forces irakiennes pour qu’elles puissent par la suite prendre la responsabilité de la sécurité nationale. En 2007, près de 18 000 personnes considérées comme une menace pour la sécurité ont été placées dans des centres d’internement en Irak par l’armée américaine.

Les protections dont bénéficiaient les détenus en vertu du DIH comprenaient le droit à recevoir la visite de leur famille, un droit considéré comme essentiel pour aider les détenus à potentiellement réintégrer la société. À la fin de l’année 2006, l’armée américaine a révisé les procédures relatives aux visites dans la prison de Camp Bucca, au sud de l’Irak, pour augmenter le nombre quotidien de visites des familles. Ces mesures s’expliquent par la conviction qu’en adoptant une approche humanitaire de la détention, il était possible de limiter la radicalisation des détenus et améliorer les chances de réhabilitation et la sécurité à long-terme.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. En 2006, à l’initiative du commandant américain des opérations de détention en Irak, l’équipe en charge d’organiser les visites des familles à Camp Bucca a révisé les procédures en place pour pouvoir accueillir plus de visiteurs chaque jour, par exemple en modifiant les formulaires pour les visiteurs et en augmentant le nombre d’interprètes à disposition. Reconnaissant que le contact avec leurs proches était bénéfique aux détenus sur le plan humanitaire, les autorités ont autorisé les internés à voir leurs familles sans être séparés par une vitre.
  2. Entre octobre 2006 et avril 2007, le nombre de visites de familles aux détenus à Camp Bucca a augmenté de plus de 50%.

Ce cas pratique a été élaboré par Clara Delarue, Ana-Paula Ilg, Claudia Langianese et Eleanor Umeyor, étudiantes en droit (LL.M.) à l’université de Rome III, sous la supervision de Giulio Bartolini (professeur de DIH), Tommaso Natoli et Alice Riccardi (assistants de recherche) de la clinique de DIH à l’université de Rome III.

 

A. LES SOLDATS DE L’ARMÉE DE TERRE ET DE LA MARINE AFFECTÉS À CAMP BUCCA AUGMENTENT LE NOMBRE DE VISITES FAMILIALES AUX DÉTENUS

 [Source : Département de la marine des États-Unis, Camp Bucca Sailors, Soldiers Increase Family Visits With Detainees, États-Unis d’Amérique, 4 avril 2007, [traduction CICR] Lien indisponible]

 

[…]

 

Le nombre des visites rendues aux détenus par des membres de leur famille a augmenté de plus de 50 % au cours des six derniers mois, dans ce lieu d’internement sous contrôle des forces multinationales en Irak.

 

Cette hausse est essentiellement due aux révisions apportées au protocole en place par les 38 soldats de la marine, les 14 soldats de l’armée de terre et les 8 interprètes affectés au centre pour les visites dans le camp.

 

L’équipe en charge des visites a repensé les procédures d’accueil des visiteurs, remanié les formulaires et augmenté le nombre d’interprètes et de postes de traitement des données afin de prendre en charge en toute sécurité un plus grand nombre de visiteurs au quotidien.

 

« Le centre pour les visites assure un lien vital entre les détenus et leurs familles, ce qui renforce l’idée qu’il y a un espoir de retour à une vie plus normale après la prison », a déclaré le capitaine Lee A. Steele, commandant de la base opérationnelle avancée à Camp Bucca et déployé en renfort du commandement du centre de formation technique aéronaval de Pensacola, en Floride.

 

Plus de 18 000 détenus sont incarcérés dans les deux lieux d’internement sous contrôle des forces multinationales en Irak. Outre des examens veillant à ce qu’une procédure régulière soit garantie, des soins médicaux dispensés 24 heures sur 24 et des repas adaptés sur le plan culturel, les détenus sont autorisés à recevoir la visite de leur famille.

 

Le centre pour les visites de Bucca voit passer en moyenne 125 visiteurs par jour. L’équipe est chargée du contrôle des visiteurs, de la collecte et de l’enregistrement de leurs effets personnels, ainsi que de la sécurité sur le site. […]

 

B. RÉFORME DES CENTRES DE DÉTENTION EN IRAK

[Source : Corrections.com, On the front lines, 15 avril 2008, [traduction CICR] disponible sur : https://www.in.gov/idoc/files/On_the_front_lines.pdf]

 

[…]

 

Le major général, Doug Stone, commandant des opérations de détention en Irak, a joué un rôle moteur pour préparer les détenus au retour dans la société.

 

« La rencontre avec le major général Stone a été passionnante. […] Il a conscience du fait que la majorité des hommes incarcérés seront amenés à réintégrer la société ». « C’est là son objectif, et la raison pour laquelle il a instauré ces mesures de formation, de visites familiales et d’éducation au profit des détenus ».

 

Pour l'armée, le volet éducatif est aussi un atout essentiel pour garantir la sécurité. L’idée étant, par exemple, d’apprendre aux détenus à lire et interpréter le Coran par eux-mêmes […].

 

[…]

 

C. IRAK : JOUR DE VISITE À LA PRISON

[Source : Al Jazeera, 8 janvier 2009, [traduction CICR] disponible sur : http://www.aljazeera.com/photo_galleries/programmes/2009188213405584.html]

 

Camp Bucca est un grand établissement pénitentiaire, administré par les forces américaines et situé dans le sud de l’Irak, près d’Umm Qasr. On estime à 23 000 le nombre de détenus.

 

Les détenus sont répartis en deux groupes selon qu’ils sont perçus comme étant modérés ou extrémistes. Ceux qui sont soupçonnés d’être liés à Al-Qaida sont incarcérés dans le quartier à haute sécurité du « Rock ».

 

Dans le cadre d’un programme de réintégration, les autorités du camp encouragent les visites régulières de la famille pour les prisonniers ne présentant pas une menace élevée pour la sécurité.

 

Les autorités américaines du camp sont convaincues qu’un traitement plus humain des prisonniers aidera également à marginaliser les détenus considérés comme plus radicaux.

 

À la différence de nombreux autres camps pénitentiaires, aucune paroi vitrée ne sépare les détenus de leurs familles.

 

L’idée est d’autoriser quelques moments d’affection, au contact de ses proches.

 

Le général Douglas Stone affirme que de graves erreurs ont été commises par les Américains dans les prisons irakiennes, mais que la nouvelle approche axée sur la réintégration fonctionne.

 

Discussion

 

I. Qualification de la situation et droit applicable

 

1. Comment qualifieriez-vous la situation en Irak à cette période (2007-2009) ? L’Irak était-elle toujours sous l'occupation militaire des États-Unis à cette période ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG I-IV, art. 3 ; Convention (IV) de la Haye, art. 42 ; CG I-IV, art. 2 ; Conseil de sécurité de l’ONU, Résolution 1546)

 

II. Détention

 

2. Quel est le statut des prisonniers à Camp Bucca au regard du DIH ?

 

3. Le DIH énonce-t-il des dispositions relatives à la détention dans le cadre de conflits armés non internationaux ? Quelles sont les protections prévues par le DIH pour les personnes détenues ou internées dans les conflits armés non internationaux ? (CG I-IV, art. 3 ; PA II, art. 4, 5 et 6 ; DIHC, règles 99-106)

 

4. Le DIH prévoit-t-il l’obligation d’autoriser les visites de la famille aux personnes privées de liberté dans le cadre de conflits armés non internationaux ? (DIHC, règle 126) (Document C). Le fait de placer certains détenus dans une zone isolée du reste des bâtiments du centre pénitentiaire, limitant ainsi leurs droits, constitue-t-il une mesure licite au regard du DIH ?

 

5. En vertu du DIH, les personnes détenues dans le cadre d’un conflit armé non international jouissent-elles du droit à la correspondance ou du droit de recevoir la visite de leur famille ? Sous quelles circonstances ces droits pourraient-ils être limités ? (DIHC, règles 118, 121 et 123-128 ; PA II, art. 5)

 

III. Éléments contribuant au respect du DIH

 

6. (Document A) Selon vous, pour quelles raisons les forces américaines entendaient-elles augmenter le nombre de visites familiales aux détenus de Camp Bucca ? Quelle est l’importance de telles visites pour les personnes détenues lors de conflits armés ? Selon vous, en quoi ceci peut-il avoir un impact sur la situation politique et militaire dans le pays ?

 

7. Quelles autres mesures ont été prises pour garantir que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et avec dignité ? Pour les autorités militaires, l’adoption de telles mesures est-elle uniquement un moyen de s’acquitter de leurs obligations au regard du DIH ? Quelles autres conséquences peuvent avoir ces mesures ?

 

8. (Document B) Selon vous, la réinsertion des personnes privées de liberté dans la société peut-elle être facilitée par un traitement humain qui respecte leur dignité ?