Nigeria : assistance aux personnes déplacées internes

Assister les personnes déplacées internes (PDI) dans le nord-est du Nigéria : 2011–2016

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Toutes les mesures possibles doivent être prises afin que les personnes civiles concernées soient accueillies dans des conditions satisfaisantes de logement, d’hygiène, de salubrité, de sécurité et d’alimentation et afin que les membres d’une même famille ne soient pas séparés les uns des autres.

Les personnes déplacées ont le droit de regagner volontairement et dans la sécurité leur foyer ou leur lieu de résidence habituel dès que les causes de leur déplacement ont cessé d’exister.

Les parties à un conflit armé non international ne peuvent ordonner le déplacement de la totalité ou d’une partie de la population civile pour des raisons ayant trait au conflit, sauf dans les cas où la sécurité des civils ou des impératifs militaires l’exigent.

Résumé du cas d’étude

En 2011, des populations civiles du nord-est du Nigéria ont commencé à fuir leurs foyers en raison d’un conflit armé entre les forces armées de l’État et le groupe armé Boko Haram. En 2014, on comptait 647 000 PDI répartis dans six États du Nigéria, vivant dans des camps, des lieux publics ou chez des familles d’accueil. Depuis 2015, la situation sécuritaire s’est en partie améliorée dans la région, permettant à un certain nombre de PDI de rentrer chez elles.

À l’époque, le gouvernement fédéral du Nigéria avait constaté la situation d’urgence humanitaire et demandé une aide aux Nations Unies (NU) pour permettre d’y répondre efficacement. Le gouvernement nigérian et les NU ont aidé les populations civiles à faire face aux nombreuses difficultés induites par le déplacement. Dans les zones où la situation sécuritaire s’est depuis améliorée, les autorités compétentes et des acteurs non étatiques ont recentré leurs efforts sur la nécessité de faciliter le retour des PDI dans leur foyer d’origine.

 

Respect du DIH : les points à retenir

  1. En 2012, conscient de la menace que les combats faisaient peser sur la population civile, le gouvernement fédéral a demandé l’aide des Nations Unies (NU) pour renforcer sa réponse humanitaire. Les NU ont établi un mécanisme pour coopérer avec l’Agence nationale de gestion des situations d’urgence (NEMA) du gouvernement nigérian et coordonner les activités de chaque institution compétente.
  2. En 2014, alors que le nombre de PDI était en hausse constante, le gouvernement a demandé au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés de mener une mission d’établissement des faits afin d’identifier la meilleure manière de répondre aux besoins des PDI.
  3. Ainsi, le NEMA a créé des antennes sur le terrain dans les régions concernées, mobilisé des institutions de l’État pour distribuer de la nourriture et d’autres biens de première nécessité et, afin d’assurer la coordination entre les représentants de l’État et les acteurs non étatiques, a veillé à ce que des réunions soient régulièrement organisées. Le gouvernement a aussi pris d'autres mesures, qui prévoyaient notamment le versement d’une aide financière aux victimes et un projet visant à accroitre la sécurité dans les écoles.
  4. Dans les zones où la sécurité s’est depuis améliorée, permettant un retour des PDI, la NEMA et ses partenaires aident ces personnes à rentrer chez elles, reconstruire leurs vies et s’assurent qu’elles aient des moyens de subsistance.

Ce cas pratique a été élaboré par Molly Wooldridge, étudiante en droit (Juris Doctor) et John Wamwara, étudiant en droit (LL.M.), à la faculté de droit de Emory, sous la supervision de la professeure Laurie Blank ; avec la contribution de Jemma Arman et Isabelle Gallino, étudiantes en droit (LL.M.) à l'Académie de Genève.

 

A. APPUI DU HCR ET COOPÉRATION MULTILATÉRALE

[Source : Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, Emergency Response for the Nigeria Situation, Appel supplémentaire, septembre 2014, [traduction CICR et Croix-Rouge française] disponible sur :  https://www.unhcr.org/media/unhcr-supplementary-appeal-emergency-response-nigeria-situation-september-2014]

 

Depuis 2011, la population nigériane est touchée par le conflit entre les groupes armés et les forces gouvernementales dans les trois États fédéraux du nord-est, Yobe, Adamawa et Borno. Ce conflit a entrainé le meurtre et l'enlèvement de civils et la destruction des infrastructures économiques et sociales du Nigeria. En mai 2013, le gouvernement nigérian a déclaré l'état d'urgence en imposant un couvre-feu.

 

Une mission d'évaluation inter-agence au Nigeria en mai 2014 a montré qu'entre 2013 et 2014, dans six États touchés par la crise (Adamawa, Borno, Bauchi, Gombe, Taraba et Yobe), le nombre de déplacés internes s’élevait à près de 647 000 personnes. Plus de 90 % des personnes déplacées vivent désormais dans des familles d'accueil au sein des communautés ; d'autres ont trouvé refuge dans des bâtiments publics, notamment dans des écoles.

 

Dans le cadre de la réponse de l’Équipe de pays des Nations Unies, le HCR a dirigé le Groupe de travail Protection à Abuja. Suite à une demande officielle du gouvernement nigérian à l’Équipe de pays des Nations Unies et en soutien à la mission d'évaluation inter-agence, le HCR a été mandaté pour une mission d'établissement des faits dans le nord-est du Nigeria du 11 au 20 mai 2014, afin d’étudier les options permettant de renforcer son engagement humanitaire pour apporter une réponse au problème des déplacés internes. […]

 

Suite à la demande du gouvernement nigérian, une Équipe de pays des Nations Unies, présidée par le Coordinateur résident et composée de toutes les agences de l’ONU, ainsi que d'ONG aussi bien nationales qu’internationales, a été constituée en juillet 2012. L'équipe travaille en étroite coopération avec le gouvernement nigérian, par l'intermédiaire de l'Agence nationale de gestion des situations d'urgence (NEMA), assistée, sur le plan technique, par le Groupe de travail sur la préparation et la réponse aux urgences (EPRWG).

 

B. LE TRAVAIL DE L'AGENCE NATIONALE DE GESTION DES SITUATIONS D’URGENCE

[Source : Muhammad Sani Sidi, Update on the management of the humanitarian crisis in the north-est region of Nigeria : relief intervention by the National Emergency Management Agency (NEMA), août 2016, [traduction CICR et Croix-Rouge française] disponible sur : http://idps.orodataviz.com/wp-content/uploads/2016/11/Humanitarian-relief-intervention-in-the-north-east-final.pdf]

 

AVANT-PROPOS

Au cours des cinq dernières années, plusieurs communautés de la région nord-est du Nigeria ont été victimes d’attentats perpétrés par Boko Haram, un groupe terroriste armé non étatique. Face à la multiplication des attaques du groupe à l’encontre des populations et l'augmentation, d'une part, des pertes en vies humaines, d'autre part, du nombre de personnes déplacées, alors qu'on observe une diminution drastique des moyens de subsistance dans la région, le gouvernement fédéral a déclaré l'état d'urgence dans les États de Borno, Yobe et Adamawa, le 14 mai 2013. Les conséquences humanitaires ont également affecté les États contigus de Gombe, Bauchi et Taraba et les pays voisins, notamment le Niger, le Tchad et le Cameroun. La crise a grandement entravé la sécurité alimentaire et la pérennité des activités socio-économiques, en mettant un frein à la circulation des personnes, les échanges de biens et de services, le commerce, l'agriculture et le pastoralisme.

Conformément à son mandat statutaire, l'Agence nationale de gestion des situations d'urgence (NEMA), a maintenu son aide humanitaire aux personnes déplacées internes (PDI). L'Agence a créé un centre humanitaire dans l'État de Borno et dans les États de Yobe et d'Adamawa, tout en déployant du personnel et en acheminant des biens de première nécessité dans le nord-est du Nigeria pour continuer à répondre aux besoins humanitaires croissants de la population affectée par le conflit.

 

La NEMA a constitué des stocks stratégiques de vivres alimentaires et non alimentaires d'urgence dans ses entrepôts situés dans les États d'Adamawa, Borno, Gombe et Yobe, pour faciliter leur distribution aux personnes déplacées vivant à la fois dans les camps et les communautés hôtes. L'Agence a également signé un Mémorandum d’entente avec les agences régionales de gestion des situations d'urgence (SEMA) d'Adamawa, de Borno et de Yobe pour assurer un approvisionnement régulier en nourriture aux personnes déplacées. Le gouvernement fédéral a mis en place plusieurs mesures visant à réduire les effets néfastes de la crise, qui comprennent, entre autres, le programme « Initiative pour une Ecole Sûre » (ISS), l'Initiative présidentielle pour le nord-est (PINE) et le Fonds d'aide aux victimes (FSV).

 

La libération des territoires du nord-est jusqu’ici occupés par l'armée nigériane est en cours et, dans le cadre de son engagement en faveur de la reconstruction, de la réhabilitation et du rétablissement durables de la région, le gouvernement fédéral a produit une évaluation des besoins qui servira de guide tout au long du processus. La NEMA continuera à travailler avec tous les acteurs humanitaires nationaux et internationaux pour apporter son soutien aux personnes affectées par la crise dans la région du Nord-Est. […]

 

3.0 SYSTÈME DE COORDINATION HUMANITAIRE (HCS)

 

Le système de coordination humanitaire est un forum composé d'agences du gouvernement fédéral, des Nations Unies et d'ONG internationales. Ce forum, qui se réunit tous les mois avec la coordination de la NEMA, vise à analyser les facteurs de dégradation de la situation humanitaire, évaluer des besoins et identifier les priorités et les interventions humanitaires possibles en fonction des mandats de chacun. […]

 

4.0 COORDINATION ET GESTION DU CAMP (CCCM)

 

Comme l'indique le HCS mentionné ci-dessus, le CCCM est une plateforme visant à coordonner les efforts de tous les acteurs humanitaires et à administrer le camp au quotidien. Les principales parties prenantes dans les camps sont la NEMA, la SEMA, l'OIM, le HCR, le CICR et Croix-Rouge nigériane ainsi que les représentants des déplacés internes. L'administration du camp est assurée par des comités dont les membres proviennent de ces entités ainsi que par les déplacés internes eux-mêmes. […]

 

C. LE RETOUR DES PDI

[Source : Vanguard, Omeiza Ajayi, Boko Haram: Nigerian refugees rise to 240 000,  29 novembre 2016, [traduction CICR et Croix-Rouge française] disponible sur : http://www.vanguardngr.com/2016/11/boko-haram-nigerian-refugees-rise-240-000]

 

Boko Haram : le nombre de réfugiés nigérians atteint les 240 000 personnes

 

ABUJA - Vanguard a appris que le Nigeria comptait désormais 239 834 réfugiés, une situation causée par l'insurrection de Boko Haram dans le nord-est.

 

C'est ce qui ressort d'un rapport sur les interventions de secours humanitaire publié récemment par l'Agence nationale de gestion des situations d'urgence (NEMA).

 

Selon ce rapport, « il y a actuellement 20 804 Nigérians déplacés vivant en République du Tchad, 80 709 en République du Cameroun et 138 321 en République du Niger ».

 

Il ajoute toutefois que l’année passée, environ 29 581 Nigérians qui ont fui leurs communautés dans les États de Borno, Yobe et Adamawa vers la République du Niger et le Cameroun, à la suite de l'insurrection, sont rentrés chez eux de manière volontaire.

 

Toujours selon ce même rapport, 13 046 Nigérians de retour de la République du Niger en mai 2015 ont été accueillis à Geidam, dans l'État de Yobe, tandis qu'entre avril et décembre 2015, la NEMA a reçu environ 16 595 Nigérians qui étaient revenus de leur propre chef du Cameroun par la zone frontalière de Sahuda, près de Mubi, dans l’État d'Adamawa.

 

Certains Nigérians qui ont fui vers les pays voisins (Niger, Tchad et Cameroun) ont reçu une aide humanitaire du gouvernement fédéral du Nigeria par l'intermédiaire de la NEMA pour atténuer leurs souffrances.

 

« Les Nigérians déplacés ont également reçu une aide humanitaire des gouvernements qui ont accepté de les accueillir, du HCR, des communautés d'accueil et des citoyens nigérians vivant dans les trois pays hôtes », indique le rapport.

 

Le rapport ajoute qu'en raison des succès enregistrés par l'armée nigériane avec l'appui de la Force multinationale mixte (FMM) dans la lutte contre les insurgés de Boko Haram, la situation humanitaire évolue rapidement : « L'accent est progressivement mis sur la reconstruction, la réhabilitation, la réinstallation et le retour dans la dignité des personnes déplacées dans leur pays d'origine, tandis que le retour des réfugiés nigérians exilés dans les pays voisins s’organise également ».

 

Discussion

 

I. Qualification de la situation et droit applicable

 

1. Comment qualifieriez-vous le conflit au Nigeria entre les groupes armés (notamment Boko Haram) et les forces gouvernementales ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? Sous quelles conditions le Protocole additionnel II serait-il applicable ?  (CG I-IV, art. 3 ; PA II, art. 1)

 

II. Protection des personnes déplacées internes

 

2. Qu’est-ce qui différencie une PDI d’un réfugié ? Quelle protection le DIH offre-t-il aux personnes déplacées ? Les personnes déplacées ont-elles des besoins particuliers par rapport aux autres civils ? (CG I-IV, art. 3 ; PA II, art. 17 ; DIHC, règle 131 ; voir aussi ONU, Principes directeurs relatifs aux déplacements internes ; Convention de Kampala).

 

3. Existe-t-il une interdiction générale des déplacements forcés de civils dans les conflits armés non internationaux ? Comment définiriez-vous le déplacement forcé ? Peut-il y avoir des exceptions à cette interdiction ? (PA II, art. 17 ; DIHC, règle 129)

 

4. Le DIH appliqué aux CANI protège-t-il le droit au retour des personnes déplacées ? De celles qui ont été déplacées de force de manière illicite ? De ceux qui ont fui le conflit de leur propre chef ? (DIHC, règle 132)

 

III.  Éléments contribuant au respect du DIH

 

5. Le gouvernement nigérian a demandé un soutien à la communauté internationale à plusieurs reprises. Qui porte la responsabilité principale envers les personnes déplacées internes ? Les États tiers ont-ils des obligations à leur égard en vertu du DIH ? (CG I-IV, art. 1)

 

6. Quelles entités coopèrent entre elles au sein de l'Équipe de pays humanitaire ? Quel est l'avantage de l'implication d'une agence multilatérale ?

 

7. Quel est le rôle de l'Agence nationale de gestion des situations d'urgence (NEMA) ? Que peut-elle faire pour venir en aide aux personnes déplacées internes ? S’est-elle avérée utile pour assurer des conditions de vie satisfaisantes aux personnes déplacées internes ?

 

8. (Document C) Qu'a fait le gouvernement nigérian pour les personnes déplacées qui souhaitaient de rentrer chez elles ? Selon vous, comment cela a-t-il été perçu par la communauté internationale ? Par les populations locales ?