L’action contre les mines

Activités de déminage au Sri Lanka : 2003-2016

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Il est interdit d’employer des moyens ou des méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus.

Lorsque des mines terrestres sont employées, des précautions particulières doivent être prises afin de réduire au minimum leurs effets indiscriminés.

Une partie au conflit qui emploie des mines terrestres doit, dans toute la mesure possible, enregistrer leur emplacement.

Après la cessation des hostilités actives, une partie au conflit qui a employé des mines terrestres doit les enlever ou les neutraliser d’une autre manière afin qu’elles ne puissent porter atteinte à des civils, ou faciliter leur enlèvement.

Résumé du cas d’étude

L’est et le nord du Sri Lanka sont fortement contaminés par les mines et les restes explosifs de guerre (REG) en raison d’un conflit armé entre les forces gouvernementales du srilankaises et les Tigres de libération de l’Îlam Tamoul (LTTE), un groupe armé non étatique, qui s’est prolongé jusqu’en 2009. Les mines représentent une menace pour les vies des populations civiles affectées par le conflit, et les empêchent de rebâtir leur vie.

Pendant et après le conflit, les parties ont travaillé avec des organisations nationales et internationales luttant contre les mines pour atténuer les dommages causés aux populations civiles en enlevant les mines et les REG et en sensibilisant les populations sur les dangers qu’ils représentent.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. En 2003, l’équipe en charge du déminage au sein de l’Organisation tamoule de réhabilitation, composée uniquement d’hommes et ayant la responsabilité de déminer la région de Vanni au Sri Lanka pour que les populations puissent s’y réinstaller, a eu besoin de main d’œuvre supplémentaire. Le service de déminage des Tigres de libération de l’Îlam Tamoul a donc recruté des femmes pour soutenir l’effort de déminage, en leur dispensant des formations approfondies sur le sujet.
  2. En 2009, profitant de l’opportunité de renforcer les capacités nationales en matière de déminage, le Sri Lanka a bénéficié de fonds, d’équipements de déminage et d’une expertise technique fournis par l’Équipe en charge de la lutte antimines des États-Unis. Le pays a également bénéficié d’un programme de formation au déminage à destination de 26 instructeurs militaires, conçu conformément aux standards internationaux en matière de lutte antimines.
  3. Afin de sensibiliser aux menaces que représentent les mines :
    • rien qu’en 2009, des organisations non-gouvernementales nationales ont mené une campagne de sensibilisation sur les menaces liées aux mines auprès de plus de 250 000 personnes qui participaient à des groupes de travail sur l’action technique antimines
    • avec le soutien du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le ministère de l’Éducation srilankais a formé les enseignants de toutes les écoles du nord et de l’est du pays pour qu’ils sensibilisent le milieu scolaire sur les dangers des mines.
    • Des membres de la police du Sri Lanka ont été formés pour mener des activités de sensibilisation sur les dangers des mines partout dans le pays.
  4. En 2016, les acteurs de la lutte contre les mines au Sri Lanka ont détruit 59 304 mines antipersonnel, 117 mines anti-véhicule et 2 907 engins non explosés.

Ce cas pratique a été élaboré par David Köller et Angèle Jeangeorge, étudiants en droit (LL.M) de la Clinique de DIH du Kalshoven-Gieskes Forum de l’université de Leiden, sous la supervision de Robert Heinsch (professeur) et de Sofia Poulopoulou et Christine Tremblay (chercheuse doctorante et assistante de recherche) du Kalshoven-Gieskes Forum de l’université de Leiden.

 

A. DÉMINAGE ET DEGRÉ DE CONTAMINATION DEPUIS 2017

[Source : Campagne internationale pour l’interdiction des mines terrestres, Landmine and Cluster Munition Monitor « Sri Lanka », 21 novembre 2017, [traduction CICR] disponible sur : http://www.the-monitor.org/en-gb/reports/2017/sri-lanka/mine-action.aspx (les notes de bas de page ont été retirées)]

 

[…]

 

Contamination

 

Le Sri Lanka est fortement contaminé par les mines et les restes explosifs de guerre. Les zones les plus polluées se situent dans le nord du pays, où, pendant trois décennies, le conflit armé entre le gouvernement et les Tigres de libération de l’Îlam Tamoul (LTTE) a fait rage, avant de prendre fin en mai 2009. La superficie polluée par les mines et/ou les restes explosifs de guerre estimée était tout juste supérieure à 26,3 km2 en février, une diminution par rapport au chiffre de 68,4 km2 de juin 2015. […] 

 

Élimination des mines en 2016

 

Opérateur        Zones   déminées     Superficie     déminée (m²) Mines antipersonnel détruites Mines antivéhicule détruites Engins non explosés détruits
DASH N/R 770,110 12,630 65 875
MAG 29 453,575 10,280 2 430
HALO 29 802,168 16,192 44 1,214
SHARP N/R 27,264 69 0 5
SLA N/R 296,304 20,133 6 383
Total 58 2,349,421 59,304 117 2,907

 

[…]

 

B. VERS UNE NATION DÉBARRASSÉE DES MINES

[Source : Vidya Abhayagunawardena, « Notes from the field: Sri Lanka works towards a mine-free nation », The Journal of Explosive Remnants of War and Mine Action, 2011, vol. 15, p. 52-53, [traduction CICR] disponible sur : http://www.jmu.edu/cisr/journal/15.1/15.1%20pdfs/vidya.pdf]

 

Avancée des opérations de déminage

 

[…]

 

Neuf organisations procèdent actuellement à des opérations de déminage dans les régions du nord et de l’est du Sri Lanka, à savoir l’unité de déminage humanitaire de l’armée sri-lankaise, le HALO Trust, le groupe danois de déminage, la Fondation Suisse de Déminage, le Groupe consultatif sur les mines (MAG), Sarvatra, Horizon, l’institut Milinda Moragoda pour l’autonomisation des peuples et Delvon Assistance for Social Harmony (DASH). Dépolluer les zones les plus touchées d’ici à 2020, afin de permettre aux personnes de pouvoir à nouveau vivre de la terre, est l’objectif actuel du centre sri-lankais de lutte antimines (SLNMAC). Cependant, si l’on tient compte de la moyenne annuelle d’élimination de mines depuis 2002, qui s’élève à 171 km2, il semble que la décontamination des zones restantes pourrait prendre près de 15 ans.

 

[…]

 

Campagnes pour l’éducation aux risques liés aux mines (MRE)

 

Le ministère sri-lankais de l’Éducation a adopté une approche plus globale de l’éducation aux risques liés aux mines (MRE), avec l’appui de l’UNICEF. Former des éducateurs constituait, en ce sens, une étape importante. Des directeurs d’établissement ainsi que des enseignants sélectionnés, issus de toutes les écoles du nord et de l’est du pays, ont bénéficié d’une formation sur l’éducation aux risques liés aux mines. De nombreuses écoles des régions les plus touchées privilégient une approche créative de cette sensibilisation : des messages éducatifs sont exposés via des peintures murales ; des activités telles que des concours d’art et de théâtre sont organisées ; et des fournitures scolaires, des cartables ou des bouteilles d’eau sur lesquels des messages ont été imprimés sont distribués. Pour garantir la durabilité de cette sensibilisation, le ministère de l’Éducation va également l’intégrer aux programmes scolaires à compter de l’an prochain. Le ministère n’est pas le seul organisme à dispenser des formations sur l’éducation aux risques liés aux mines ; les ONG nationales sont ainsi intervenues auprès de plus de 250 000 participants à des groupes de travail techniques. […] Les bénéficiaires des MRE ont fait preuve de comportements adaptés face aux risques liés aux mines, en signalant notamment 672 objets et endroits suspectés d’être dangereux et contaminés en 2010.

 

[…]

 

Le service de police sri-lankais suit actuellement une formation pour dispenser à son tour des MRE. Le fait que la police prenne en main ces formations comporte certains avantages : les fonctionnaires de police sont bilingues (la présence policière est très forte dans tout le pays), le service peut facilement mobiliser ses fonctionnaires et il est attendu de leur part qu’ils obtiennent les meilleurs résultats possibles.

 

 […]

 

C. MISSION DE FORMATION A L’ACTION HUMANITAIRE CONTRE LES MINES AU SRI LANKA

[Source : Amy Crockett, « Humanitarian Mine Action Training Mission to Sri Lanka », The Journal of Explosive Remnants of War and Mine Action, 2010, vol. 14, no 1, [traduction CICR] disponible sur : https://commons.lib.jmu.edu/cisr-journal/vol14/iss1/9, les notes de bas de page n’ont pas été ajoutées]

 

[…]

En vue d’évaluer la manière dont les États-Unis pourraient contribuer le plus efficacement possible aux efforts de déminage humanitaire déployés par l’armée sri-lankaise dans le nord du pays, l’équipe de déminage humanitaire, un groupe de six professionnels militaires et civils américains du déminage issus du Cabinet du Secrétaire à la défense, du Commandement des États-Unis pour le Pacifique, du Commandement des opérations spéciales pour le Pacifique et du Commandement de l’armée américaine dans le Pacifique, se sont rendus dans le pays en juin 2009 et ont rencontré des responsables gouvernementaux, le personnel militaire et des représentants d’organisations non gouvernementales. En réponse à la crise, le département d’État des États-Unis a également annoncé un financement de 6,6 millions de dollars pour soutenir les opérations de déminage dans le nord.

 

[…]

 

Du 24 juin au 1er août, l’équipe a conduit une étude du site pour déterminer les besoins, afin d'organiser la formation sur le plan logistique, en élaborant les différentes composantes du programme de formation, en comptant les participants, ou encore en prévoyant le matériel nécessaire et moyens de l’obtenir.

 

[…]

 

Sur ordre de l’armée américaine dans le Pacifique, et avec l’approbation de celle-ci, l’équipe a mené des formations en gestion du déminage humanitaire, incluant un programme de formation des futures formateurs au déminage humanitaire pour 26 gradés de l’armée sri-lankaise de l’école nationale du génie militaire, et a fourni du matériel de déminage d’une valeur estimée à plus de 90 000 dollars à l'armée, pour ses activités dans le nord du pays.

 

[…]

 

Le niveau d’expérience des participants était variable, de commandants chevronnés de l’armée sri-lankaise en charge du déminage humanitaire à de « futurs commandants peu familiarisés avec les procédés de déminage humanitaire mais expérimentés dans le domaine du génie militaire ». La formation a été dispensée en conformité avec les normes internationales relatives à l’action contre les mines.

 

[…]

 

D. LES COMBATTANTS DES TIGRES TAMOULS ONT FORMÉ DES CIVILS À L’ENLÈVEMENT DES MINES EN 2003

[Source : Channelnewsasia, « Tamil rebels training civilians to remove landmines (Sri Lanka) », 17 juillet 2003, [traduction CICR] Lien indisponible]

Suite au conflit ethnique qui a duré vingt ans, les rebelles sri-lankais des Tigres tamouls forment désormais des femmes pour aider dans les opérations de déminage.

 

[…]

 

L’organisation tamoule de réhabilitation, une structure non-gouvernementale œuvrant à la réinstallation des Tamouls déplacés dans la région de Vanni, a mis en place 15 équipes de démineurs dans le cadre de l’unité de déminage humanitaire. Ces effectifs ne suffisent pas, cependant, à dépolluer cette zone très vaste et inaccessible. Pour pallier au manque de main d’œuvre, l’unité de déminage des LTTE a recruté des femmes pour rejoindre ses rangs. Celles-ci suivent une formation rigoureuse dans des conditions simulant de véritables champs de mines. Contrairement aux démineurs masculins, qui ont été formés par des experts étrangers, ces femmes sont formées par des experts locaux. Samthan, formateur en déminage, a indiqué : « La formation va durer un mois, suite à quoi ces femmes rejoindront l’équipe de déminage. Mais elles continueront alors à recevoir une formation. L’expérience acquise lors de leur travail sur de véritables champs de mines leur permettra d’en apprendre davantage ». Selon des estimations approximatives, plus d’un million et demi de mines terrestres ont été posées dans la région contrôlée par les LTTE. Au rythme où les opérations progressent actuellement, il faudrait plus d’un an à l’unité de déminage humanitaire pour détruire l’ensemble des mines. Étant donné que celle-ci ne dispose pas d’informations sur la localisation des mines antipersonnel dispersées par les troupes gouvernementales, sa tâche s’avère difficile.

 

[…]

 

Discussion

I. Qualification de la situation et droit applicable

 

1. Comment qualifieriez-vous la situation entre le Sri Lanka et les LTTE jusqu’en 2009 ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? Quelles étaient les parties au conflit armé ? (CG I-IV, art. 3)

 

2. Quel est le droit applicable concernant les mines terrestres ? Les règles relatives aux mines antipersonnel sont-elles aussi bien applicables aux conflits armés internationaux qu’aux conflits armés non internationaux ? (PA I, art. 35 ; CAC, art. 1 ; Protocole II révisé, art. 1 ; Protocole relatif aux restes explosifs de guerre ; Convention d’Ottawa, art. 1 ; DIHC, règles 70 et 81-83)

 

II. Action contre les mines

 

3. Un État a-t-il l’obligation de détruire les mines antipersonnel lorsque ces dernières sont déjà dispersées dans le sol ? Sur quels critères l’État doit-il fonder son action de déminage ? De quels délais dispose un État pour s’acquitter de son obligation de déminage ? Quelles sont les autres obligations qui incombent aux États concernant les mines terrestres ? (CAC, art. 1 ; Protocole II modifié, art. 1, par. 2) et art. 10 ; Annexe technique au Protocole II modifié, 1 et 2 ; Convention d’Ottawa, art. 5 ; DIHC, règles 81-83)

 

4. Les groupes armés non étatiques qui sont parties au conflit ont-ils des obligations de déminage en vertu du DIH ? Quel est le fondement juridique des obligations qui incombent aux LTTE concernant le déminage ? (DIHC, règle 83 ; Protocole II modifié, art. 10)

 

5. Quel est le rôle des États tiers et des organisations internationales ou régionales dans le processus de destruction des mines ? Les États tiers ont-ils le devoir de coopérer ? Selon vous, le fait qu’un large éventail d’acteurs soient impliqué a-t-il encouragé l’État à respecter ses obligations relatives aux déminage, en vertu du DIH ? (Protocole II modifié, art. 9)

 

III. Éléments contribuant au respect du DIH

 

6. Selon vous, qu’est-ce qui peut inciter un groupe armé non étatique comme les LTTE à s’engager en faveur d'un déminage ? L’enlèvement des mines peut-il avoir un impact sur la manière dont les populations civiles perçoivent les parties ?

 

7. En dehors des considérations humanitaires, pourquoi, d’après vous, les États tiers soutiennent-ils les parties au conflit qui prennent des mesures relatives au déminage ? Pensez-vous que l’enlèvement des mines contribue à instaurer la paix et la stabilité dans le pays et dans la région ?

 

8. À votre avis, quels avantages représente l’éducation aux risques liés aux mines, si elle est dispensée aux communautés les plus touchées par les mines terrestres ? Quelle influence, le cas échéant, une telle formation a-t-elle eu sur le processus de déminage en cours et sur l’exécution des obligations relatives au déminage en vertu du DIH ?