Sri Lanka, évacuation des blessés et des malades

Évacuer les blessés et les malades au Sri Lanka : 2009

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Chaque fois que les circonstances le permettent, et notamment après un engagement, chaque partie au conflit doit prendre sans tarder toutes les mesures possibles pour rechercher, recueillir et évacuer les blessés, les malades et les naufragés, sans distinction de caractère défavorable. 

Les blessés, malades et naufragés doivent recevoir, dans toute la mesure possible et dans les délais les plus brefs, les soins médicaux qu’exige leur état. Aucune distinction fondée sur des critères autres que médicaux ne doit être faite entre eux.

Les parties au conflit doivent autoriser et faciliter le passage rapide et sans encombre de secours humanitaires destinés aux personnes civiles dans le besoin, de caractère impartial et fournis sans aucune distinction de caractère défavorable, sous réserve de leur droit de contrôle.

Les parties au conflit doivent assurer au personnel de secours autorisé la liberté de déplacement essentielle à l’exercice de ses fonctions. 

Résumé du cas d’étude

En 2009, l’intensification des violences a entrainé un conflit armé prolongé entre les forces étatiques sri lankaises et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LLTE), un groupe armé non étatique.

Au nord de l’île, la violence des combats a causé la mort de milliers de personnes. Les structures médicales n’avaient plus le personnel ou le matériel nécessaires pour soigner convenablement les blessés et les malades. Les populations civiles se sont retrouvées prises au piège du conflit dans les zones littorales affectées, sans moyen sûr de fuir.

Avec l’accord des deux parties au conflit, la marine srilankaise et le CICR ont procédé à plusieurs évacuations par la mer, transportant les blessés et les malades vers des hôpitaux en capacité de fonctionner, dans des régions plus sûres du pays.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. Reconnaissant ses obligations humanitaires concernant les populations civiles affectées par le conflit et les combattants les blessés et malades, la marine srilankaise a pris des mesures pour mettre en place un vaste plan d’évacuation en coopération avec le CICR. Elle a déployé des navires, des membres de son personnel naval, des embarcations de sauvetage et des équipes médicales, pour intervenir dans les zones littorales affectées par le conflit.
  2. Entre le 10 février et le 14 avril 2009, des transbordeurs srilankais affrétés par le CICR ont évacué en toute sécurité plus de 7 000 personnes depuis Putumattalan, une zone affectée par le conflit manquant de structures médicales en capacité de fonctionner, vers Trincomalee. Une fois sur place, les blessés et les malades évacués ont pu recevoir des soins adaptés, au sein d’hôpitaux convenablement équipés, gérés par le ministère de la Santé et le personnel médical spécialisé du CICR.

Cette étude de cas a été élaborée par Angèle Jeangeorge, étudiante en droit (LL.M) à l’université de Leiden, sous la supervision de Robert Heinsch (professeur) et de Sofia Poulopoulou et Christine Tremblay (chercheuses doctorantes) du Kalshoven-Gieskes Forum de l’université de Leiden ; avec le concours de Jemma Arman et Isabelle Gallino, étudiantes en droit (LL.M) à l’Académie de Genève.

 

A. SRI LANKA : TOUJOURS PLUS DE MALADES ET DE BLESSÉS ÉVACUÉS DE LA ZONE DE CONFLIT VERS L’HÔPITAL

[Source : « Sri Lanka : toujours plus de malades et de blessés évacués de la zone de conflit vers l’hôpital », entretien du CICR (2 avril 2009) disponible sur :  https://www.icrc.org/fr/doc/resources/documents/interview/sri-lanka-interview-310309.htm]

 

Tandis que les affrontements entre les forces du gouvernement sri-lankais et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) se poursuivent, les blessés et les malades continuent d’affluer dans une structure médicale de fortune à Putumattalan, sur la côte nord de Sri Lanka.

Comme les structures médicales en état de fonctionner font défaut dans la zone de conflit, le CICR a évacué plus de 6 600 personnes – des malades, des blessés et leurs infirmiers – par la mer vers le district de Trincomalee depuis le 10 février.

À leur arrivée, les patients sont transférés à l’hôpital pour y être soignés. À l’hôpital de Trincomalee, le personnel du ministère de la Santé et une équipe médicale du CICR composée d’un chirurgien […], d’un anesthésiste et d’une infirmière, ont traité plus de 1 900 patients depuis la première évacuation par la mer.

 

B. SRI LANKA : LA MARINE ÉVACUE 514 CIVILS ET MALADES OTAGES DES TIGRES TAMOULS (LLTE)

[Source : « Sri Lanka : Navy evacuates 514 civilians, patients from LTTE hostage » , Rapport du gouvernement du Sri Lanka (18 avril 2009), [traduction CICR] disponible sur : https://reliefweb.int/report/sri-lanka/sri-lanka-navy-evacuates-514-civilians-patients-ltte-hostage ]

 

Le vingt-et-unième groupe de 514 malades et civils a été évacué à bord du navire « MV Green Ocean » le 14 avril 2009.

L’évacuation des malades et des civils qui se trouvaient aux griffes des Tigres tamouls dans les zones non sécurisées de Mullaitivu a été organisée sous les auspices du CICR. La marine srilankaise a assuré un passage sûr des personnes évacuées pour des raisons humanitaires.

 

Lors du débarquement à Pulmoddai , les médecins de la marine ont dispensé les premiers soins d’urgence aux malades qui avaient été évacués avant de les conduire à l’hôpital général de Padaviya pour recevoir des soins plus poussés. Un dispositif élaboré a été mis en place afin que les blessés et les malades évacués soient pris en charge dès leur arrivée en zone sûre. Les hôpitaux ont été approvisionnés en conséquence en médicaments essentiels et un personnel médical spécialisé été chargé de dispenser les soins aux malades et aux blessés lors de leur transfert à l’hôpital.

 

Le vingt-et-unième groupe était composé de 106 hommes, 174 femmes et 234 enfants au total. Parmi eux, 63 hommes et 63 femmes malades avaient besoin d’être soignés. […]

 

Pendant ce temps, la marine srilankaise a secouru 59 civils qui tentaient d’échapper aux Tigres tamoul à Mulaitivu le même jour et ce à deux reprises. Le premier groupe était constitué de huit hommes, quinze femmes et huit enfants tandis que le second groupe se composait de huit hommes, quatorze femmes et six enfants. Tous ont été retrouvés à bord de canots pneumatiques en fibre de verre sur lesquels était hissé un drapeau blanc, alors qu’ils tentaient d’échapper à l’emprise des LTTE en se dirigeant vers la zone de cessez-le-feu de Mulaitivu. Après avoir été secourus, les civils ont débarqués en toute sécurité et ont reçu de la nourriture, de l’eau et les soins médicaux dont ils avaient tant besoin.

 

Dans le cadre de ses opérations humanitaires, la marine avait mis en place un certain nombre de mesures d’évacuation exhaustives pour faciliter le processus d’évacuation. Le personnel de la marine et les navires, ainsi que les équipes de secours et le personnel médical, ont été déployés en mission spéciale dans les mers du nord-est afin de porter assistance aux civils tamouls qui tentaient de fuir les Tigres tamouls.

 

 

Discussion

I.  Qualification de la situation et droit applicable

1. Comment qualifieriez-vous la situation entre le Sri Lanka et les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE) ? (CG I-IV, art. 3). De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? Sous quelles conditions le Protocole additionnel II serait -il applicable dans cette situation (PA II, art. 1) ?

 

II.  Évacuation des blessés et des malades

2. Quelles sont les obligations à l’égard des blessés et des malades ? Sont-elles similaires en cas de conflit armé international et non international ? Comprennent-elles l’obligation d’évacuer les blessés et les malades ? (CGI-IV, art. 3 ; PA II, art. 7 ; DIHC, règles 109, 110 et 111). Les obligations qui incombent au Sri Lanka s’appliquent-elles également dans les zones contrôlées par les groupes rebelles ? Comment le gouvernement srilankais peut-il remplir ses obligations dans ces territoires ?

3. Sur quel fondement juridique le CICR s’appuie-t-il pour prendre part aux opérations d’évacuation lors d’un conflit armé non international ?

4. Quelles obligations incombent aux États et aux groupes armés non étatiques en ce qui concerne l’accès des organisations humanitaires à ceux qui ont besoin d’assistance ? Incluent-elles l’obligation d’assurer un passage sûr ? (CG I-IV, art. 3 ; DIHC, règles 55 et 56)

5. Le fait que la marine srilankaise assure un passage sûr des personnes évacuées est-il licite et est-ce souhaitable ?

 

III. Éléments contribuant au respect du DIH

6. Selon vous, qu’est-ce qui a encouragé le gouvernement du Sri Lanka à travailler aux côtés du CICR pour prendre en charge les évacuations depuis les zones contrôlées par les rebelles ? Pensez-vous que la neutralité et l’impartialité d’une organisation sont des caractéristiques importantes pour apporter une aide humanitaire ? Pourquoi ?

7. Selon vous, pour quelle raison le gouvernement srilankais a-t-il rendu public un rapport faisant état du succès de ces évacuations ?  À votre avis, comment ces évacuations ont-elles pu être perçues à échelle nationale ? Au niveau international ? Par les organisations internationales et les sociétés de secours ?