Fate of Missing Persons

Apporter des réponses aux familles de personnes disparues en Géorgie : 2010-2017

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Chaque fois que les circonstances le permettent, chaque partie au conflit doit prendre sans tarder toutes les mesures possibles pour rechercher, recueillir et évacuer les morts, sans distinction de caractère défavorable.

Les parties au conflit doivent s’efforcer de faciliter le retour des restes des personnes décédées, à la demande de la partie à laquelle ils appartiennent ou à la demande de leur famille.

Afin de permettre l’identification des morts, chaque partie au conflit doit enregistrer toutes les informations disponibles avant l’inhumation, et marquer l’emplacement des sépultures.

Chaque partie au conflit doit prendre toutes les mesures pratiquement possibles pour élucider le sort des personnes portées disparues par suite d’un conflit armé, et doit transmettre aux membres de leur famille toutes les informations dont elle dispose à leur sujet.

Résumé du cas d’étude

En Géorgie, les conflits armés des années 1990 et de 2008 ont entrainé la disparition de milliers de personnes. Leurs familles continuent de chercher des renseignements pour élucider leur sort.

Avec le soutien du CICR en qualité d’intermédiaire neutre, des mécanismes de coordination transnationaux ont été établi. Disposant d’un mandat strictement humanitaire, ils devaient aider à déterminer ce qui était arrivé aux personnes disparues et en informer leurs proches. Avec l’aide du CICR, ces mécanismes ont permis de localiser et d’exhumer des sépultures, d’identifier des dépouilles mortelles et de restituer les corps à leurs familles.

Respect du DIH : les points à retenir

1. En 2010, le CICR a apporté son aide pour établir deux mécanismes de coordination apolitiques : le premier était constitué d’une équipe géorgienne et abkhaze ; le second, de participants d’Ossétie du Sud, de Russie et de Géorgie. En travaillant aux côtés du CICR, ces deux mécanismes ont coopéré pour apporter des réponses aux familles des disparus, notamment : 

  • En rassemblant et en partageant des renseignements sur les lieux où pouvaient se trouver des sépultures.
  • En collectant des échantillons biologiques des proches des personnes disparues pour procéder à des vérifications médico-légales.
  • En facilitant la récupération, l’examen et l’identification des restes humains.

2. Entre 2013 et 2015, les mécanismes ont permis de récupérer 162 dépouilles, dont 81 ont été identifiées et restituées aux familles des victimes.

3. En 2017 :

  • Le mécanisme géorgien / russe / sud-ossète a intensifié ses efforts afin d’établir une liste commune de 177 personnes disparues et a commencé à exhumer plus de 30 sépultures potentielles.
  • Le travail réalisé par le mécanisme géorgien/abkhaze a permis d’identifier et de rapatrier 25 dépouilles mortelles ; le Premier ministre géorgien a soutenu publiquement cette initiative et a appelé toute personne qui possèderait des informations à ce sujet à contacter le CICR.

Ce cas pratique a été élaboré par Francesca Romana Ferrone, Joseph Gitata et Giovanni Medici Tornaquinci, étudiants en droit (LL.M.) à l’université de Rome III, sous la direction de Giulio Bartolini (professeur de DIH), Tommaso Natoli et Alice Riccardi (assistants de recherche) à la clinique juridique de DIH de l’université Rome III.
 

A. DES MESURES MISES EN PLACE POUR ÉLUCIDER LE SORT DES PERSONNES DISPARUES

[Source : CICR, « Georgia: Efforts to clarify the fate of missing persons », 26 avril 2016, [traduction CICR] disponible sur : https://www.icrc.org/en/document/georgia-missing-persons-clarifying-the-fate]

 

[…]
 

La disparition de personnes est un phénomène particulièrement fréquent dans les pays affectés par des conflits partout dans le monde. Le CICR répond actuellement à ce problème en Géorgie, dans le Caucase du Sud, plus de 2300 personnes sont toujours portées disparues à la suite des conflits armés des années 1990 et d’août 2008. Notre démarche est purement humanitaire et consiste à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter les disparitions, déterminer l’endroit où se trouvent les personnes portées disparues et si elles sont décédées, identifier les restes humains puis les restituer à leurs familles, leur permettant ainsi d’organiser des funérailles dignes et de faire le deuil de l’être aimé.
 

[...]


Le droit de savoir

 

Le « droit de savoir » ce qu’il est advenu d’un proche est un principe fondamental tant du droit humanitaire international que du droit international des droits de l’homme et ce principe doit être respecté. Les obligations juridiques à cet égard sont énoncées dans les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977, ainsi que dans la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Le droit international est explicite : provoquer la disparition de personnes est illicite et toute personne doit être informée sans délai de la situation d’un de ses proches qui a été capturé, blessé ou tué. La difficulté est d’assurer l’adoption puis l’application de ces règles par tous les États.
 

En Géorgie, le CICR travaille sur la question des personnes portées disparues depuis 2004. En 2010, nous avons créé deux mécanismes de coordination dans le but d’élucider le sort des personnes portées disparues dans le cadre des conflits armés des années 1990, du mois d’août 2008 et des années qui suivirent.
 

Lors de deux séries de discussions, des participants d’Abkhazie et de Géorgie, d’une part et des participants d’Ossétie du Sud, de Russie et de Géorgie, d’autre part, les participants ont convenu d’œuvrer pour fournir des réponses aux familles des disparus.  Ces échanges ont des objectifs purement humanitaires et visent essentiellement à localiser et élucider le sort de ceux qui, longtemps après que la fin des conflits, demeurent portés disparus. Il est primordial de préserver le caractère humanitaire de ce processus et de veiller à ce qu’il ne soit pas instrumentalisé à des fins politiques.

En dépit de la complexité du problème, les mesures prises à ce jour ont donné des résultats concrets. De 2013 à 2015, les restes humains de 162 personnes ont été récupérés dans 22 sites de sépultures dans toute la région ; 81 de ces corps ont pu être identifiés et restitués à leurs familles.
 

Une sensibilisation croissante à ce problème
 

En sa qualité d’intermédiaire neutre qui préside ces mécanismes, le CICR est directement impliqué à toutes les étapes du processus. Il est essentiel de recueillir et de consolider les informations relatives aux emplacements des lieux de sépultures et de rassembler des données ante-mortem ainsi que des échantillons biologiques auprès des familles des disparus pour procéder à l’identification médico-légale.
 

Le CICR coopère également avec une équipe de médecins légistes argentins afin de retrouver des sites de sépulture potentiels et de récupérer, d’analyser et d’identifier les restes humains.
 

En outre, le CICR accompagne les familles des personnes portées disparues pendant toute la durée du processus, en leur apportant non seulement une aide psychologique, mais aussi juridique, administrative et économique. La Société de la Croix-Rouge de Géorgie, les organisations non-gouvernementales locales et un certain nombre de personnes volontaires prêtent également leur concours à ces opérations. À ce jour, plus de 1100 familles de personnes portées disparues en Géorgie ont pu bénéficier des projets d’initiatives micro-économiques du CICR, ce qui a permis d’améliorer leurs conditions de vie et de les aider à acquérir une indépendance financière. »

[…]

 

B.  DIXIÈME RÉUNION DU MÉCANISME DE COORDINATION DU CICR POUR ÉLUCIDER LE SORT DES PERSONNES PORTÉES DISPARUES

[Source : CICR, « Georgia/South Ossetia: Tenth meeting held to seek ways forward on issue of missing persons from conflicts of 1990s and 2008 », 16 décembre 2016, [traduction CICR] disponible sur : https://www.icrc.org/en/document/georgiasouth-ossetia-tenth-meeting-held-seek-ways-forward-issue-missing-persons-conflicts]

 

La dixième réunion du mécanisme de coordination pour élucider le sort des personnes ayant disparu pendant et après les conflits des années 1990 et du mois d’août 2008 a eu lieu sous les auspices du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) le 15 décembre 2016, à Versoix, en Suisse.
 

Des participants géorgiens, russes et d’Ossétie du Sud se sont réunis en une assemblée, présidée par le CICR en sa qualité d’intermédiaire neutre, pour discuter des prochaines mesures à prendre pour apporter aux familles des disparus des réponses visant à élucider le sort de leurs proches.
 

Comme l’a déclaré Séverine Chappaz du CICR, présidente du mécanisme de coordination, « il est très encourageant de constater les progrès réalisés depuis la reprise des travaux du mécanisme en février dernier. Cette réunion a permis aux participants de prendre des mesures aujourd’hui afin de procéder à des excavations sur des sites de sépultures potentiels en 2017 ». Cette réunion, a-t-elle précisé, s’est déroulée dans une atmosphère très constructive.
 

C. GÉORGIE ET OSSÉTIE DU SUD : EFFORTS CONJOINTS POUR IDENTIFIER LES CORPS

[Source : OC Media, « Georgia and South Ossetia - working to identify the dead », 21 juin 2017, [traduction CICR] disponible sur : https://oc-media.org/features/georgia-and-south-ossetia-working-to-identify-the-dead/]

 

Compter les disparus

 

[…]

 

On compte également 140 personnes disparues suite aux conflits entre la Géorgie et l’Ossétie du Sud entre 1989 et 1992 et près de 50 personnes suite à la guerre de 2008.

 

Le Comité international de la Croix-Rouge définit les personnes portées disparues comme des personnes dont on a perdu la trace pendant un conflit, sans que leurs familles ne disposent d’information de source fiable sur l’endroit où elles se trouvent.
 

Comme le déclare [le Comité international de] la Croix-Rouge, « chaque partie au conflit doit prendre toutes les mesures possibles pour élucider le sort des personnes portées disparues dans le cadre d’un conflit armé et doit fournir des informations à leurs familles leur permettant de savoir ce qu’il est advenu de leurs proches ».
 

Des mesures transfrontalières


En 2010, la Croix-Rouge a mis en place un mécanisme pour recueillir les informations relatives aux personnes portées disparues, œuvrant en Géorgie, en Ossétie du Sud et en Russie. [...]

 

Au début du mois de mai, [le Comité international de] la Croix-Rouge a commencé à exhumer deux charniers situés près de Gori et une fosse commune à Kaspi pour retrouver les corps des personnes disparues pendant les conflits des années 1990 et de 2008.
 

Il est prévu d’exhumer les corps de plus de 30 sites funéraires en 2017, dans les régions de Kartlie, Iméréthie, Abkhazie et près de Tbilissi, ce qui devrait permettre de retrouver environ 150 corps.
 

Farrukh Islomov, chef de la délégation du [Comité international de] la Croix-Rouge] en Ossétie du Sud, a informé la population de ces activités d’exhumations près de Gori et de Kaspi lors d’une conférence de presse le 2 juin à Tskhinvali, dans les bureaux de Sputnik Ossétie. Il a déclaré que les noms de 177 personnes figuraient sur une liste commune des personnes portées disparues pendant les conflits des années 1990 et de 2008.
 

Après la guerre d’août 2008, le gouvernement de l’époque avait signalé la découverte d’un charnier contenant des militaires géorgiens proches de Tamarasheni, qui se situe en Ossétie du Sud. Le gouvernement avait alors indiqué qu’il n’était pas possible de procéder à l’excavation de ce site en raison de la situation politique.
 

Toutefois, Kardava a assuré à OC Media que ce mécanisme n’était soumis à aucune influence politique et que toutes les parties avaient coopéré de manière constructive en vue de répondre à ce problème humanitaire. Elle a également ajouté que [le Comité international de] la Croix-Rouge ne pratique aucune discrimination en fonction de l’ethnicité des disparus. La seule chose qui compte, a-t-elle ajouté, est que les familles retrouvent les corps de leurs proches disparus. L’Ossétie du Sud « joue un rôle actif » en ce sens.
 

David Sanakoyev, chef de la délégation d’Ossétie lors des réunions du Mécanisme de prévention et de règlement des incidents, a déclaré à OC Media que l’Ossétie du Sud prenait activement part au Mécanisme de coordination de la Croix-Rouge et que ses activités avaient produit des résultats concrets. Il a précisé que l’exhumation des corps sur les sites de sépultures apportait aux familles l’espoir de pouvoir enfin récupérer les restes de leurs proches. Comme l’a rappelé Sanakoyev, depuis août 2008, l’Ossétie du Sud a lancé des recherches concernant huit personnes portées disparues. Au sujet des charniers de Tamarasheni mentionnés par le précédent gouvernement, il a ajouté que les recherches se poursuivraient en Ossétie du Sud.
 

[…]
 

D. DÉCLARATION DU PREMIER MINISTRE GÉORGIEN GIORGI KVIRIKASHVILI VISANT A SOUTENIR LES EFFORTS DU CICR POUR RETROUVER LES PERSONNES PORTÉES DISPARUES

 [Source : Agenda.ge, « 25 Abkhazia war bodies identified, returned to families », 11 octobre 2017, [traduction CICR] disponible sur : https://agenda.ge/en/news/2017/2214]

 

[…]
 

Le Premier ministre de Géorgie, Giorgi Kvirikashvili, a lancé un appel à toute personne disposant d’informations sur des personnes portées disparues à la suite de la guerre de 1992-1993 en Abkhazie et de la guerre entre la Russie et la Géorgie en 2008, leur demandant de les transmettre au Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

 

Le Premier ministre a effectué cette déclaration en réponse aux travaux récents qui ont permis d’identifier et de transporter 25 corps de la région abkhaze séparatiste vers la Géorgie.
 

[…]
 

« Des centaines de familles recherchent encore leurs proches disparus depuis plus de 20 ans. Ainsi, je demande à tous ceux qui disposent d’informations concernant des personnes disparues de bien vouloir les transmettre au Comité international de la Croix-Rouge ». [...]
 

Discussion

I. Qualification de la situation et droit applicable

1.    Comment qualifieriez-vous la situation en Géorgie dans les années 1990 et en 2008 ? Quelles étaient les parties au conflit ? De quelle information supplémentaire auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG l-IV, art. 2 et 3 ; PA I, art. 1 ; PA II, art. 1)

2.    La qualification de cette situation est-elle importante pour déterminer si le DIH a été respecté ?

II.  Élucider le sort des personnes disparues

3.    Quelles obligations incombent aux parties au conflit s’agissant des personnes disparues et leurs familles ?

a.    Les parties au conflit sont-elles tenues de prendre des mesures afin de prévenir les disparitions dans les conflits armés ? Si oui, quelles sont ces obligations ? (CG I, art. 16 et 17 ; CG II, art. 19 ; CG III, art. 122 ; CG IV, art. 26 et 136 ; PA II, art. 8 ; DIHC, Règle 117)

b.    Lorsque des personnes sont portées disparues, quelles sont les mesures que les parties devraient mettre en place pour élucider leur sort ? Qu’énonce le DIH à propos du « droit de savoir » ? (PA I, art. 33)

4.   Dans un conflit armé international, quelles obligations incombent aux parties s’agissant des morts ? En quoi ces obligations sont-elles corrélées au devoir d’élucider le sort des personnes disparues ? Au titre du DIH, les parties au conflit sont-elles tenues de restituer les dépouilles mortelles aux familles ? Ces règles s’appliquent-elles également dans les conflits armés non internationaux ? (CG I, art. 15,16 et 17 ; CG IV, art. 16,129,130 et 131 ; PA I, art. 34 ; PA II, art. 8 ; DIHC, Règles 112,113,114,115,116)

5.   Quelles sont les mesures que peut prendre le CICR s’agissant des morts ? Quel est le lien entre le rôle du CICR en la matière et les obligations des États relatives aux personnes disparues et leurs proches ?

III. Eléments contribuant au respect du DIH 

6. (Documents A, B et C) Quel est le principal objectif du Mécanisme de coordination visant à élucider le sort des personnes portées disparues pendant les conflits des années 1990 et de 2008 en Géorgie ? Pourquoi est-il essentiel que de tels mécanismes ne soient pas politisés ?

7. Pourquoi est-ce si important pour les familles et la société en général, d’obtenir des informations sur les personnes disparues ? Les pressions exercées par la société, et en particulier les personnes concernées par ce phénomène, peuvent-elles contribuer à faire en sorte que les parties aux conflits respectent leurs obligations en vertu du DIH ? Comment ces pressions peuvent-elles influencer le comportement de ceux qui ont la responsabilité première de respecter ces obligations au titre du DIH ?

8. Quelle est l’importance de disposer d’une organisation neutre et impartiale telle que le CICR pour présider le mécanisme de coordination ?

9. (Document D) En quoi est-il important que le Premier ministre géorgien ait apporté son soutien au mécanisme de coordination ? Comment les dirigeants politiques peuvent-ils jouer un rôle pour favoriser le respect de ces obligations au titre du DIH ?