Personnes déplacées internes en raison de conflits passés

Protéger les personnes déplacées internes en Géorgie : 2007–2011

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Toutes les mesures possibles doivent être prises afin que les personnes civiles concernées soient accueillies dans des conditions satisfaisantes de logement, d’hygiène, de salubrité, de sécurité et d’alimentation et afin que les membres d’une même famille ne soient pas séparés les uns des autres.

Les personnes déplacées ont le droit de regagner volontairement et dans la sécurité leur foyer ou leur lieu de résidence habituel dès que les causes de leur déplacement ont cessé d’exister.

Les droits de propriété des personnes déplacées doivent être respectés.

Résumé du cas d’étude

En raison des conflits armés des années 1990 et de 2008 en Géorgie, des milliers de personnes ont fui leur foyer. Bien que beaucoup d’entre elles aient pu regagner leur lieu de résidence habituel, des dizaines de milliers de personnes demeureront déplacées dans un avenir proche et ont besoin d’assistance pour s’établir durablement dans leur foyer et avoir des moyens de subsistance.

En 2007, conscient de sa responsabilité envers les personnes déplacées, le gouvernement de Géorgie a adopté une Stratégie nationale en faveur des personnes déplacées internes (PDI) afin de mieux répondre aux besoins des PDI, conformément au droit national et international. Conformément à ce texte, le gouvernement a élaboré un plan d’action en coopération avec la communauté internationale et les PDI et a profondément amélioré les conditions de vie d’un grand nombre de PDI en leur garantissant l’accès au logement et à l’éducation.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. En février 2007, le gouvernement de Géorgie a adopté une Stratégie nationale en faveur des PDI qui visait deux objectifs :
    • Créer les conditions nécessaires pour un retour volontaire des PDI dans la sécurité et la dignité
    • Assurer des conditions de vie décentes aux personnes déplacées et leur intégration dans la société.
  2. Reconnaissant l’obligation qui lui incombait de protéger les PDI aussi bien pendant leur déplacement que lors de leur retour sur leur lieu de résidence habituelle, le gouvernement géorgien a demandé l’aide d’organisations internationales, de donateurs et directement des PDI, afin d’élaborer un plan d’action adapté prévoyant des mesures pour octroyer aux PDI l’accès à une résidence permanente.
  3. En 2008, le gouvernement a rapidement pris des mesures pour que les enfants déplacés depuis peu puissent suivre leur scolarité dans des écoles publiques.

  4. Entre 2009 et 2011, dans l’objectif de garantir aux PDI déplacées dans les années 1990 des solutions durables pour l’accès au logement, le gouvernement a :

    • proposé des solutions en matière de rénovation, d’accès à la propriété ou de relogement
    • construit ou rénové des logements (rénovant près de 7 000 lieux de résidence)
    • enregistré les titres de propriété de 6 500 familles.

Cette étude de cas a été élaborée par Francesca Romana Ferrone, Joseph Gitata et Giovanni Medici Tornaqinci, étudiants en droit (LL.M), à l’université de Rome III, sous la supervision de Giulio Bartolini (professeur de DIH) et de Tommaso Natoli et Alice Riccardi (assistants de recherche) de l’université de Rome III (clinique juridique de DIH).

A.   GÉORGIE : STRATÉGIE NATIONALE EN FAVEUR DES DÉPLACÉS INTERNES

[Source : décret n° 47 du gouvernement de Géorgie, « State Strategy for Internally Displaced Persons », 2 février 2007, [traduction CICR] disponible sur : https://www.refworld.org/pdfid/5a268c564.pdf

 

Cette stratégie définit l’approche mise en place par le gouvernement de Géorgie relative aux personnes déplacées internes et persécutées, analyse les difficultés et fixe à l’État deux principaux objectifs :

 

1.     Créer les conditions nécessaires pour un retour des PDI dans la sécurité et la dignité ;

2.     Assurer des conditions de vie décentes aux personnes déplacées et leur intégration dans la société.

 

En vue d’atteindre ces objectifs, la stratégie fixe un certain nombre d’activités à mettre en œuvre, lesquelles seront définies dans leur ensemble dans la Stratégie nationale et seront formulées de manière plus détaillée dans le Plan d’action. Ce texte fixe le cadre théorique, sous forme de principes directeurs sur lesquels reposeront les activités visant à atteindre ces objectifs.

 

Dans le cadre du processus de mise en œuvre de la stratégie relative aux personnes déplacées internes et persécutées, les mesures prises par le gouvernement et les autorités locales sont conformes à la Constitution de Géorgie, sa législation et aux Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays (1998), conformément aux droits de l’homme internationalement reconnus et aux principes du droit international.

 

Les ministères et les services concernés, tant au niveau gouvernemental qu’au niveau local, appliqueront cette stratégie nationale afin de résoudre les problèmes que rencontrent les personnes déplacées internes et persécutées en Géorgie. Cette stratégie devrait être largement diffusée aux organisations locales et internationales qui travaillent sur les questions relatives aux personnes déplacées internes, qu’elles soient gouvernementales ou non gouvernementales.

 

[…]

2. La Stratégie nationale deux objectifs principaux :

2.1. Créer les conditions d’un retour des PDI dans la sécurité et la dignité

2.1.1.  Créer les conditions d’un retour des PDI dans la sécurité et la dignité nécessite de créer les conditions propres à leur retour volontaire et dans la dignité sur leur lieu de résidence permanente, dans des conditions sûres.

 

[…]

 

2.2.1.     Intégration des populations déplacées

2.2.1 Il est nécessaire de garantir aux PDI les mêmes conditions socio-économiques, politiques, juridiques et sociales que les autres citoyens de Géorgie et de lutter contre les entraves existantes. Il faut souligner que même si d’un point de vue juridique, les PDI jouissent des mêmes droits que les autres citoyens géorgiens, ils ne sont toutefois pas pleinement intégrés dans la société.

 

[…]

B.    GÉORGIE : VERS UNE SOLUTION À LONG TERME POUR LES PDI

[Source : Conseil norvégien pour les réfugiés et Centre de surveillance des déplacements internes (ISMC), « Georgia: Towards Durable Solutions for IDPs », septembre 2010, [traduction CICR], disponible sur : https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/2F31C47483FF5275C12577B4003450B0-Full_Report.pdf

 

Avec l’adoption de la Stratégie nationale en faveur des personnes déplacées internes et persécutées (PDI) en 2007, le gouvernement de Géorgie a mis en place une nouvelle approche politique : tout en continuant de promouvoir le retour comme un moyen pour les PDI de se réinstaller, cette stratégie favorise également leur intégration sur leur lieu de résidence actuelle. Avant l’adoption de cette stratégie, la seule solution à long-terme que proposaient les politiques nationales et les discours publics aux PDI était que ceux-ci retournent sur leur lieu de résidence d’origine. La stratégie de 2007 témoigne d’une plus grande volonté de s’engager à améliorer la situation des PDI dès à présent et non pas uniquement dans l’éventualité de leur retour.

 

C’est après la guerre avec la Russie en août 2008 que le gouvernement a fait preuve d’une véritable volonté de mettre en œuvre cette nouvelle stratégie. Il a reconnu que les PDI qui avaient été déplacées entre les années 1990 et 2008 ne rentreraient pas chez elles dans un futur proche et a donc revu son plan d’action en conséquence. Des fonds importants aussi bien nationaux qu’internationaux ont été débloqués pour les PDI depuis la guerre, principalement dédiés à la recherche de solutions pour l’accès au logement. La question des recours possibles concernant leurs biens perdus/abandonnés, l’octroi d’une résidence permanente aux PDI est un besoin inhérent au déplacement et reste ainsi la principale question à laquelle il faut répondre. Les PDI ont aussi besoin d’opportunités professionnelles et d’un meilleur accès aux services de santé et à l’éducation, un problème qu’on peut toutefois retrouver chez leurs voisins non déplacés.

 

[…]

 

Réponse nationale

 

Depuis l’adoption de la Stratégie nationale, les pouvoirs publics se sont investis d’une plus grande responsabilité à l’égard de la protection des PDI et ont mis en place une coopération efficace avec des organisations internationales et des donateurs afin d’améliorer cette protection. L’État a demandé une importante contribution au plan d’action national de la part d’acteurs internationaux tandis que les municipalités se sont appuyées sur une aide internationale et ont consulté les PDI lors de l’élaboration de leurs plans d’action. Toutefois, le ministère géorgien des déplacés internes originaires des territoires occupés, de l’hébergement et des réfugiés n’a disposé que de ressources humaines et financières très limitées pour mettre en œuvre ces décisions, sans bénéficier d’un réel soutien des autres ministères. Une approche plus globale permettant de mettre en place des solutions à long-terme devrait veiller à prendre en charge en priorité les groupes de PDI les plus vulnérables, à les consulter et encourager leur active participation, à mettre en place un suivi régulier des travaux réalisés pour mettre en place des solutions à long-terme et à promouvoir une plus grande coordination et une aide internationales.

 

[…]

 

C. PARVENIR A L’INTÉGRATION : SURMONTER LE PROBLÈME DE LA SÉGRÉGATION SCOLAIRE DES PDI

[Source : Centre de surveillance des déplacements internes, Conseil norvégien pour les réfugiés, « Moving towards integration: Overcoming segregated education for IDPs » septembre 2011, [traduction CICR] disponible sur : https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/fil[es/resources/Full%20Report_283.pdf]

 

En août 2008 […] [p]lus de 138 000 personnes ont été contraintes au déplacement au sein même de la Géorgie, et sans sortir des frontières du territoire. Si, dans les quelques mois qui ont suivi, la majorité des PDI ont pu regagner leur région d’origine, en 2011, toutefois, environ 22 000 personnes dont 12 000 enfants provenant en majorité des territoires d’Ossétie du Sud, n’avaient pas pu rentrer chez elles.

[…]

 

En réponse à ces déplacements de 2008, les pouvoirs publics ont veillé à ce que les enfants qui venaient d’arriver soient rapidement scolarisés, sans établir de système scolaire spécifique, ce fut le cas pour les enfants qui avaient été déplacés d’Abkhazie dans les années 1990 Les pouvoirs publics ont, par exemple, rénové une base militaire désaffectée pour en faire une école dans le village de Phrezeti dans les deux semaines qui ont suivi l’arrivée sur ce site des premiers déplacés internes. La plupart des enfants déplacés en 2008 suivent aujourd’hui leur scolarité dans des écoles publiques existantes ou qui viennent d’être ouvertes sous l’autorité du ministère de l’Éducation et des Sciences de Géorgie, tandis qu’une minorité d’enfants est scolarisée dans des écoles abkhasiennes, qui sont rattachées à des centres collectifs dans lesquels sont logés les derniers arrivants.

 

[…]

 

D.  PREMIERS PAS VERS UNE SOLUTION À LONG-TERME POUR LES PDI

[Source : Centre de surveillance des déplacements internes, « Partial progress towards durable solutions for IDPs » 21 mars 2012, [traduction CICR] disponible sur : https://georgia.idp.arizona.edu/docs/idmc_georgia_3_12.pdf

 

Les pouvoirs publics ont bien avancé dans la mise en œuvre de la stratégie de 2007 en faveur des personnes déplacées internes (PDI). Depuis 2008, d’importants travaux ont été réalisés pour construire et rénover les logements et établir des normes visant à orienter le processus de mise en œuvre avec la communauté internationale, ce qui a permis d’améliorer les conditions de vie de nombreuses PDI.

 

Cette aide au logement s’est toutefois heurtée à bon nombre de difficultés. Certaines PDI se sont vues octroyer des logements neufs ou rénovés qui n’étaient pas aux normes et sont toujours en attente de titres de propriété, comme cela avait été convenu. Les délais fixés pour l’aide au logement sont ambitieux et bien souvent, des mesures ont été prises sans réflexion préalable et sans en informer les PDI concernées. La majorité de ces dernières attendent toujours qu’on leur propose une solution en matière de logement : il s’agit non seulement des PDI les plus vulnérables qui n’ont pas eu la priorité pour bénéficier de l’aide, mais également des personnes qui sont retournées sur leurs lieux d’habitations d’origine alors que ceux-ci ont été gravement endommagés.

 

Il faudrait se pencher davantage sur la manière de créer des moyens de subsistance et d’emplois pour les PDI, et ce, tant dans le lieu où elles ont trouvé refuge que dans leur région d’origine dans le cas où elles seraient rentrées, sans quoi elles resteront dépendantes des aides de l’État comme principale source de revenus. Le Plan d’action du gouvernement en faveur des PDI prévoit des mesures relatives aux moyens de subsistance et à la création d’emplois, mais celles-ci doivent être renforcées par le biais de données plus précises et d’un financement plus transparent.

 

[….]

Logement

 

Des progrès considérables ont été réalisés pour répondre à la question du logement des PDI dans les années 1990. Le Plan d’action de l’État pour mettre en œuvre la stratégie de 2007 prévoyait de répondre à la question du logement pour les PDI ayant été contraintes au déplacement dans les années 1990 en trois étapes : la rénovation des lieux de vie dans certains centres collectifs et le transfert des titres de propriété à leurs occupants, la construction de nouveaux immeubles et le transfert des titres de propriété, enfin, l’ l’apport d’une aide financière aux familles pour leur permettre d’acheter ou  de rénover leur propre logement. Les pouvoirs publics ont déjà entamé la première phase, qui a débuté en février 2009et s’apprêtent à passer à la deuxième étape. Dès 2011, ils ont proposé des solutions en matière de rénovation, d’accès à la propriété ou de relogement, à plus de 16 000 familles dans des centres collectifs, essentiellement à Tbilissi, ce qui a concerné environ 30% des habitants de centres collectifs. Plus de 7 000 lieux de vie dans environ 300 centres collectifs ont été rénovés et pratiquement 6 500 familles ont pu enregistrer leurs titres de propriété […]. En 2011, au moins 29 centres collectifs ont créé des associations de copropriétaires.

 

[…]

 

Discussion

 

I.   Qualification de la situation et droit applicable

1.     Comment qualifieriez-vous la situation en Géorgie dans les années 1990 et en 2008 ? Le DIH était-il applicable ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG1-IV, art. 2-3 ; PA I, art. 1 ; PA II, art. 1)

2.     La qualification de la situation est-elle importante pour déterminer si le DIH a bien été respecté dans ce cas précis ?

 

II.  Déplacement interne

3.     Existe-il des règles de DIH qui traitent spécifiquement de la question du déplacement interne ? Les parties au conflit sont-elles soumises à des obligations vis-à-vis des PDI lors d’un conflit armé international ? Et qu’en est-il lors d’un conflit armé non international ? Les règles relatives au déplacement interne sont-elles les mêmes en cas de conflit armé international et non international ? (CG IV, art. 49 ; PA II, art. 17 ; DIHC, règles 129, 131, 133 ; Les Principes Directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays (1998) (Principes de Deng), Principe 2)

4.     Quelles sont les obligations, le cas échéant, des parties au conflit à l’égard des PDI au lendemain d’un conflit armé ?

a.     (Documents B, E) Que dit le DIH au sujet du retour des déplacés internes ? (DIHC, règle 132 ; Les Principes Directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement des personnes à l’intérieur de leur propre pays (1998) (Principes de Deng), Principe 29)

b.     (Document E) Les droits de propriété des PDI sont-ils protégés en vertu du DIH ?  (DIHC, règle 133 ; Les Principes Directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement des personnes à l’intérieur de leur propre pays (1998) (Principes de Deng), Principes 21, 29)

 

c.     (Documents A, C, D) Le gouvernement géorgien a-t-il l’obligation de garantir un niveau de vie décent à toutes les PDI ? Si oui, qu’est-ce qu’implique cette obligation ? (DIHC, règle 131 ; Les Principes Directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement des personnes à l’intérieur de leur propre pays (1998) (Principes de Deng), Principe 18)

 

III.  Éléments contribuant au respect du DIH

5.      Qu’est-ce qui a motivé la Géorgie à créer un ministère spécialement chargé de la question des PDI (Document B) ?

6.     (Document C) pourquoi était-il important que le gouvernement géorgien veille à ce qu’il n’y ait pas d’interruption dans la scolarité des enfants déplacés à l’intérieur de la Géorgie et que cette éducation soit dispensée au sein du système scolaire géorgien ?

7.      Selon vous, en quoi les violations du DIH commises pendant le conflit peuvent-elles entraver la possibilité d’un retour rapide des PDI dans leur foyer d’origine une fois que les hostilités ont pris fin ? Pourquoi, et de quelle manière un meilleur respect du DIH pendant le conflit pourrait-il faciliter le retour des PDI ?