Géorgie/Russie, libération de prisonniers de guerre

Échange de prisonniers de guerre et d’autres détenus entre la Géorgie et la Russie : 2008-2009

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Les personnes privées de liberté doivent se voir fournir de la nourriture, de l’eau et des vêtements en suffisance, ainsi qu’un logement et des soins médicaux convenables.

Dans les conflits armés internationaux, le CICR doit se voir accorder un accès régulier à toutes les personnes privées de liberté afin de vérifier leurs conditions de détention et de rétablir le contact entre ces personnes et leur famille.

Les prisonniers de guerre doivent être libérés et rapatriés sans délai après la fin des hostilités actives.
 

Les internés civils doivent être libérés dès que les causes qui ont motivé leur internement cessent d’exister, mais en tout cas dans les plus brefs délais possibles après la fin des hostilités actives.

Résumé du cas d’étude

En août 2008, un conflit armé a éclaté entre la Géorgie et la Fédération de Russie, pour le contrôle de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Il y a eu des prisonniers de guerre (PG) dans les deux camps.

Les autorités géorgiennes ont accordé au CICR l’accès aux prisonniers russes détenus en lien avec le conflit. Un accord entre les parties, négocié par l’Union européenne, prévoyait que les deux parties s’engagent à autoriser l’aide humanitaire et à mettre fin aux hostilités actives. Ainsi, les parties ont libéré toutes les personnes détenues en lien avec le conflit et ont procédé à un échange de prisonniers.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. Les autorités détentrices géorgiennes ont accordé au CICR l’accès illimité aux établissements sous leur contrôle et l’ont autorisé à visiter des PG russes et d’autres personnes capturées en raison du conflit, pour vérifier le traitement qui leur était réservé et leurs conditions de vie. Les détenus ont pu communiquer avec leurs familles grâce aux messages Croix-Rouge.
  2. Par l’intermédiaire de l’Union européenne, la Géorgie et la Russie ont trouvé un accord en six points visant à mettre fin aux hostilités actives et à préparer les parties à parvenir à une solution politique à long-terme. Cet accord prévoyait de faciliter les opérations de secours humanitaires.
  3. Quelques jours après la signature de l’accord, les parties ont échangé des prisonniers : la Géorgie a remis 5 soldats russes aux autorités russes et la Russie a remis 15 Géorgiens, dont deux civils, aux représentants géorgiens. Les parties ont convenu d’un accord de principe pour échanger davantage de prisonniers.
  4. En 2009, une mission d’établissement des faits indépendante et internationale sur le conflit de 2008 a permis d’affirmer que les parties avaient bien échangé toutes les personnes détenues en lien avec le conflit.

Ce cas pratique a été élaboré par Francesca Romana Ferrone, Joseph Gitata et Giovanni Medici Tornaquinci, étudiants en droit (LL.M.) à l’université de Rome III, sous la supervision de Giulio Bartolini (professeur en DIH), Tommaso Natoli et Alice Riccardi (assistants de recherche), de la clinique de DIH de l’université de Rome III.

 

A. GÉORGIE/FÉDÉRATION RUSSE : LE CICR APPORTE UNE ASSISTANCE AUX CIVILS DANS LA ZONE DE CONFLIT

[Source : CICR, « Géorgie/Fédération de Russie : les civils ont besoin de secours d’urgence dans les zones touchées par le conflit », 16 août 2008, disponible ici et CICR, « Géorgie : le CICR prêt à acheminer une assistance humanitaire dans la zone de conflit »,  11 août 2008, disponible sur : https://www.icrc.org/fr/doc/resources/documents/news-release/2009-and-e…].

 

[…]

 

Que fait le CICR pour venir en aide à ces personnes ?

 

Le lundi 11 août, une équipe du CICR a visité deux pilotes russes blessés détenus par les autorités géorgiennes. Ces visites se déroulent conformément aux modalités de travail habituelles du CICR et les réunions ont lieu sans témoin. Chaque pilote a eu la possibilité d’échanger des nouvelles avec sa famille au moyen d’un message Croix-Rouge. Les deux soldats se porteraient bien.

 

Le CICR continue de demander l’accès à toutes les personnes capturées ou arrêtées en relation avec le conflit. 

 

Comment le droit international humanitaire s’applique-t-il à cette situation ?

 

Parce qu’il s’agit d’un conflit armé international, les quatre Conventions de Genève, leur Protocole additionnel I, les règles coutumières et les principes du droit international humanitaire s’appliquent tous à cette situation.

 

[…]

 

Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités – y compris celles qui se rendent ou ne sont plus capables de lutter parce qu’elles sont blessées, malades ou ont été capturées – ne doivent pas être attaquées et doivent être traitées avec humanité.

 

Le CICR a officiellement rappelé à la Géorgie et à la Russie les obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire (DIH) de protéger les civils et de faire en tout temps la distinction entre la population civile et ceux qui participent directement aux hostilités

 

B. CONFLIT ENTRE LA GÉORGIE ET LA RUSSIE : SIGNATURE D’UN ACCORD EN SIX POINTS

[Source : Reliefweb, « Background: Six-point peace plan for the Georgia-Russia conflict », 15 août 2008, [traduction CICR] disponible sur : https://reliefweb.int/report/georgia/background-six-point-peace-plan-georgia-russia-conflict]

 

Grâce aux négociations de l’Union européenne, la Russie et la Géorgie ont convenu d’un accord en six points pour désamorcer le conflit miliaire qui les oppose en Ossétie du Sud.

 

L’accord n’est pas un traité de paix, mais il est contraignant sur le plan juridique et pourrait permettre de mettre un terme aux combats et d’ouvrir la voie pour trouver une solution politique au conflit.

 

Le Conseil de sécurité des Nations unies doit formaliser les six principes.

 

[…]

 

Le 12 août, le Président russe Dmitri Medvedev et son homologue géorgien Mikheil Saakachvili ont accepté l’ensemble des six points lors de pourparlers avec le président français et actuel représentant de l’Union européenne dans le cadre de la présidence de la France, Nicolas Sarkozy.

 

Les six principes :

 

1. Le non-recours à la force entre les protagonistes. Sarkozy : Cela s’applique à tout le monde : les Ossètes, les Abkhazes, la Géorgie dans son intégralité et les Russes.

 

2. La cessation des hostilités.

 

3. Le libre accès à l’aide humanitaire.

 

4. La retraite des troupes géorgiennes dans leurs lieux habituels de cantonnement.

 

5. Le retrait des forces militaires russes derrière les lignes antérieures au déclenchement des hostilités en Ossétie du Sud. Dans l’attente qu’un mécanisme international soit mis en place, les forces de paix russes doivent mettre en œuvre des mesures additionnelles de sécurité. Sarkozy : Ces mesures concernent uniquement les zones à proximité immédiate de l’Ossétie du Sud et en aucun cas l’ensemble du territoire de la Géorgie.

 

6. L’ouverture de discussions internationales sur les modalités de sécurité et de stabilité en Ossétie du Sud et en Abkhazie.

 

[…]

 

C. ÉCHANGE DE PRISONNIERS ENTRE LA RUSSIE ET LA GÉORGIE DANS UN CLIMAT SOUS TENSION

[Source : The Telegraph, « Russia and Georgia in tense exchange of prisoners », 19 août 2008, [traduction CICR] disponible sur http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/georgia/2584312/Russia-and-Georgia-in-tense-exchange-of-prisoners.html]

 

La Géorgie espère que l’échange de prisonniers accélérera le retrait des troupes russes de son territoire.

 

Le transfert, qui a duré 15 minutes, a eu lieu sur une route nationale proche du village d’Igoeti, à 50 kilomètres à l’ouest de la capitale Tbilissi, où les troupes russes sont fermement retranchées.

 

Deux hélicoptères russes ont atterri dans des champs situés à proximité et plusieurs hommes en uniforme et non armés ont été escortés en file indienne par des soldats russes jusqu'au milieu de la route, selon des témoins sur place.

 

Des soldats et des hommes en vêtements civils ont posé pied à terre et deux personnes en civière ont été portées et amenées aux représentants géorgiens.

 

La Géorgie a déclaré avoir remis cinq militaires russes en échange de 15 géorgiens, dont deux civils. Les représentants des deux parties se sont serré la main et ont signé un accord d’échange de prisonniers, à une table installée sur la route.

 

« Le processus s’est déroulé sans heurts, grâce à l’appui de l’ambassadeur français qui a joué le rôle de médiateur », a déclaré le secrétaire du Conseil de national de sécurité géorgien, Kakha Lomaia.

 

« Il a affirmé que Tbilissi pensait que la Russie détenait toujours deux soldats géorgiens, capturés lors des combats pour le contrôle de Tskhinvali, capitale de la région d’Ossétie du Sud séparatiste ».

 

« Tout s’est déroulé conformément à l’accord, » a déclaré le commandant en chef Vyacheslav Borisov, commandant des forces russes dans la région. « Nous avons convenu d’organiser à nouveau des échanges de prisonniers à l’avenir ».

 

[…]

 

D. MISSION D’ENQUÊTE INTERNATIONALE INDÉPENDANTE SUR LE CONFLIT EN GÉORGIE

[Source : Mission d’enquête internationale indépendante sur le conflit en Géorgie, « Rapport : volume II », p. 77, 25 septembre 2009, disponible sur https://echr.coe.int/Documents/HUDOC_38263_08_Annexes_FRA.pdf]

 

[…]

 

Chapitre 7 : Droit international humanitaire et droit des droits de l’homme

 

[…]

 

III. Principaux faits et appréciation juridique

 

[…]

 

B. Traitement des personnes et des biens dans les zones passées sous le contrôle d’autres autorités

 

[…]

 

d) Détention de combattants

 

[…]

 

[La Géorgie] a indiqué :

 

« Tous les prisonniers détenus par la Géorgie ont été échangés contre les 159 civils géorgiens et 39 prisonniers de guerre détenus sous l’autorité russe. Le CICR a eu accès sans entrave aux centres de détention géorgiens et a rendu visite à trois des cinq prisonniers de guerre – les deux autres ont été faits prisonniers vers la fin de la guerre. Il a visité les infrastructures de détention des ministères de la Défense et de la Justice à plusieurs occasions, et a contrôlé les conditions dans lesquelles étaient détenus non seulement les prisonniers de guerre mais également les membres des formations armées illégales séparatistes.

 

« Les personnes détenues dans le cadre du conflit étaient séparées des autres prisonniers ».

 

[…]

 

Discussion

 

I. Qualification de la situation et droit applicable

 

1. Comment qualifieriez-vous la situation en Géorgie en 2008 ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ?

 

2. Quelles sont les règles du DIH applicables dans cette situation impliquant la Géorgie et la Russie ? (CG I-IV, art. 2 ; PA I, art. 1) La qualification de la situation est-elle importante pour déterminer si le DIH a bien été respecté dans ce cas précis ?

 

II. Traitement et libération des prisonniers de guerre

 

3. Qui a droit au statut de prisonnier de guerre et sous quelles conditions ? (CG III, art. 4 ; PA I, art. 43 et 44 ; DIHC, règle 106)

 

4. Les États sont-ils dans l’obligation, en vertu du DIH, de garantir l’accès au CICR pour visiter les prisonniers de guerre dans un conflit armé international ? Si oui, cette obligation s’étend-elle à la période suivant la cessation des hostilités actives ? L’accès du CICR aux détenus est-il soumis à des conditions particulières ? La puissance détentrice peut-elle interdire ou restreindre les visites du CICR aux personnes détenues dans le cadre d’un conflit armé ? (CG III, art. 126 ; CG IV, art. 76 et 143 ; DIHC, règle 124)

 

5. Que stipule le DIH à propos de la libération et du rapatriement des prisonniers de guerre ? Quand les prisonniers de guerre doivent-ils être libérés ? Rapatriés ? La libération des prisonniers de guerre peut-elle avoir lieu sans rapatriement ? La signature d’un accord entre les parties au conflit est-elle une condition préalable à la libération et au rapatriement des prisonniers de guerre ? Les prisonniers de guerre peuvent-ils être libérés de façon unilatérale au cours du conflit armé ? (CG III, art. 118 ; DIHC, règle 128)

 

III. Éléments contribuant au respect du DIH

 

6. Considérez-vous que l’accord en six points a encouragé la Russie et la Géorgie à respecter le DIH ? Quel rôle ont joué les acteurs extérieurs, tels que l’Union européenne, pour concrétiser l’accord ? Selon vous, le fait que le Conseil de sécurité des Nations Unies ait formalisé l’accord en six points a-t-il contribué au respect du DIH par les parties au conflit ? Comment ? Une intervention extérieure peut-elle garantir un meilleur respect du DIH par les parties au conflit ?

 

7. Le principe de réciprocité est-il reconnu par le DIH ? Pour la libération et le rapatriement des prisonniers de guerre ? D’après vous, la réciprocité positive peut-elle contribuer au respect du DIH par les parties au conflit ? La libération simultanée des prisonniers de guerre peut-elle être considérée comme un exemple de cette réciprocité positive ? La libération des prisonniers de guerre et, en général, la conformité aux autres règles du DIH peuvent-elles être utiles pour faciliter le dialogue entre les parties au conflit et trouver une solution pacifique au conflit ?

 

8. D’après vous, le CICR, ou les autres organisations humanitaires, peuvent-ils jouer un rôle positif dans le processus de libération simultanée des prisonniers de guerre ? Pourquoi ? Comment ? Considérez-vous que le fait de garantir l’accès au CICR pour visiter les prisonniers de guerre puisse avoir une influence positive sur le comportement des adversaires ?

 

9. (Document D) Quelle est la mission d’enquête internationale indépendante sur le conflit en Géorgie ? Quel a été son rôle dans l’établissement de scénarios post-conflit ? Considérez-vous qu’il est important d’établir les faits et d’évaluer la conduite des parties à des conflits armés ? Pourquoi ? Ces processus peuvent-ils contribuer à un meilleur respect du DIH à l’avenir ?