République démocratique du Congo : la libération des prisonniers de guerre

Libération de prisonniers de guerre en République démocratique du Congo : 1999-2000

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Les personnes privées de liberté doivent se voir fournir de la nourriture, de l’eau et des vêtements en suffisance, ainsi qu’un logement et des soins médicaux convenables.

Dans les conflits armés internationaux, le CICR doit se voir accorder un accès régulier à toutes les personnes privées de liberté afin de vérifier leurs conditions de détention et de rétablir le contact entre ces personnes et leur famille.

Dans les conflits armés non internationaux, le CICR peut offrir ses services aux parties au conflit afin de visiter toutes les personnes privées de liberté pour des raisons liées au conflit, dans le but de vérifier leurs conditions de détention et de rétablir le contact entre ces personnes et leur famille.

Les prisonniers de guerre doivent être libérés et rapatriés sans délai après la fin des hostilités actives.

Les internés civils doivent être libérés dès que les causes qui ont motivé leur internement cessent d’exister, mais en tout cas dans les plus brefs délais possibles après la fin des hostilités actives.

Les personnes privées de leur liberté en relation avec un conflit armé non international doivent être libérées dès que les causes qui ont motivé leur privation de liberté cessent d’exister. La privation de liberté de ces personnes peut se poursuivre si des procédures pénales sont en cours à leur encontre ou si elles purgent une peine qui a été prononcée dans le respect de la loi.

Résumé du cas d’étude

En 1998, un conflit armé aux racines complexes a éclaté en République démocratique du Congo (RDC). Il a opposé les forces armées défendant le gouvernement de RDC, avec le soutien de l’Angola, la Namibie et le Zimbabwe, à des forces rebelles comprenant des groupes armés non étatiques congolais et soutenues par le Burundi, le Rwanda et l’Ouganda. Il y avait des prisonniers de guerre (PG) dans les deux camps.

En 1999, les parties ont signé l’accord de paix de Lusaka, qui prévoyait l’engagement à libérer les PG. Avec l’aide, entre autres, du Conseil de sécurité des Nations Unies (NU), la RDC a libéré des centaines de détenus en 2000.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. En 1999, des représentants de l’Angola, de la RDC, de la Namibie, du Rwanda, de l’Ouganda et du Zimbabwe ont signé l’accord de cessez-le-feu de Lusaka et se sont engagés à faire cesser les hostilités entre leurs forces en RDC. En vertu de l’accord, les parties ont procédé à un échange de PG et ont libéré d’autres personnes détenues en lien avec le conflit.
  2. Les parties ont accordé au CICR un accès régulier aux PG, pour surveiller leurs conditions de détention pendant leur captivité.
  3. En 2000, le gouvernement de la RDC a annoncé une amnistie, ce qui a permis de libérer plus de 100 détenus politiques. Cela a entrainé la libération de 177 PG namibiens, rwandais et zimbabwéens. Le CICR les a rapatriés dans leurs pays respectifs à la demande des autorités compétentes.

Ce cas a été élaboré par Jason DePatie et Molly Wooldridge, doctorants en droit à la Faculté de droit de l’université Emory, sous la direction de Laurie Blank, professeure à la Faculté de droit de l’université Emory ; avec le concours de Jemma Arman et Isabelle Gallino, étudiantes en droit (LL.M) à l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève.

 

A. L’ACCORD DE CESSEZ-LE-FEU DE LUSAKA

[Source : République démocratique du Congo, Accord de cessez-le-feu, 10 juillet 1999, disponible sur : https://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/CD_990710_Lusak…]

 

PRÉAMBULE

 

Nous, les Parties à l’Accord de cessez-le-feu [Angola, RDC, Namibie, Rwanda, Ouganda, Zimbabwe],

 

[…] CONVENONS DE CE QUI SUIT : 

 

ARTICLE I

 

DU CESSEZ-LE-FEU

 

 1. Les Parties conviennent d’un cessez-le-feu entre toutes leurs forces en République démocratique du Congo […] 

 

ARTICLE III

 

DES PRINCIPES DE L’ACCORD

 

 7. […] Dès l’entrée en vigueur du présent Accord, les Parties libéreront les personnes détenues ou prises en otage et leur accorderont la liberté de se réinstaller dans toute province de la République démocratique du Congo ou dans tout autre pays où leur sécurité pourra être garantie.

 

8. Les Parties au présent Accord s’engagent à échanger les prisonniers de guerre et à libérer toutes autres personnes détenues en raison de la guerre.

 

9. Les Parties permettront l’accès immédiat et sans réserve au Comité international de la Croix-Rouge (CICR)/Croissant-Rouge (CR) afin de permettre les arrangements pour la libération des prisonniers de guerre et autres personnes détenues en raison de la guerre ainsi que l’évacuation et l’inhumation des morts et les soins aux blessés. […]

 

B. UNE COMMISSION MIXTE INTERGOUVERNEMENTALE DÉCIDE DE LA LIBÉRATION DES PRISONNIERS

[Source : Human Rights Watch, Political Prisoners Freed in the Democratic Republic of Congo, Release of the Remaining Prisoners Urged, 28 mars 2000, [traduction CICR] disponible sur : https://www.hrw.org/news/2000/03/27/political-prisoners-freed-democrati…]

 

(New York, 28 mars 2000) —Human Rights Watch s’est félicité aujourd’hui de la libération récente de plus d’une centaine de prisonniers politiques en RDC et a exhorté le Président Kabila à libérer les détenus encore incarcérés pouvant bénéficier de l’amnistie annoncée le 19 février.

 

Une commission mixte intergouvernementale fait actuellement le tour des prisons centrales et de haute sécurité afin d’examiner le dossier des prisonniers politiques et de décider ou non de leur remise en liberté. Toutefois, des retards administratifs ont prolongé inutilement la détention de personnes pouvant bénéficier d’une libération aux termes de l’amnistie.

 

« Il s’agit là d’une avancée considérable, pour laquelle il convient de saluer les efforts du gouvernement congolais », a déclaré Peter Takirambudde, directeur exécutif de la division Afrique de Human Rights Watch. « Nous prions instamment le gouvernement congolais de continuer à œuvrer en ce sens et de relâcher rapidement les prisonniers qui sont encore détenus illégalement ».

 

Quarante-neuf prisonniers, pour la plupart des soldats de l’ancienne armée congolaise, ont été libérés mi-mars.

 

Human Rights Watch dispose d’éléments prouvant que des dizaines d’autres prisonniers sont détenus par le gouvernement du Président Kabila, pour l’expression non violente de leurs opinions et sont, pour certains, accusés de trahison.

 

C. LA RDC LIBÈRE ET RAPATRIE 177 PRISONNIERS DE GUERRE AVEC L’AIDE DU CICR

[Source : CICR, Communiqué de presse, Rapatriement de 177 prisonniers de guerre par le CICR, 17 juin 2000, disponible à la page 70, https://library.icrc.org/library/docs/DOC/DOC_00344.pdf]

 

Conflit en RDC : Rapatriement de 177 prisonniers de guerre par le CICR

 

À la suite d’accords passés entre les autorités congolaises, rwandaises, zimbabwéennes et namibiennes, 177 prisonniers de guerre (PG) ressortissants de ces pays et détenus par les différents belligérants en République démocratique du Congo (RDC) ont été libérés et rapatriés par le CICR vendredi et samedi. Le CICR est intervenu à la demande des parties au conflit, en tant qu’intermédiaire neutre, et a mené l’opération conformément à son mandat. Les PG avaient tous été enregistrés et régulièrement visités par le CICR durant leur captivité.

 

Un avion a transporté vendredi 35 ex-PG zimbabwéens et 11 namibiens de Kigali, au Rwanda, à Kinshasa. L’appareil du CICR a ensuite quitté la capitale de la RDC pour Kigali, avec 88 ex-PG rwandais à son bord. Un autre avion a ramené les 35 ex-PG zimbabwéens à Harare. Enfin, 43 ex-PG rwandais ont été rapatriés de Harare à Kigali. Tous les vols ont été effectués avec la présence à bord de délégués du CICR.

 

Le CICR continuera d’offrir ses services à toutes les parties au conflit afin de favoriser des dispositions prévues par le droit international humanitaire, et plus particulièrement les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977.

 

Discussion

 

I. Qualification de la situation et droit applicable

 

1. Comment qualifieriez-vous la situation en RDC ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG I-IV, art. 2). Quel lien peut-on établir entre la situation en RDC, au Rwanda, au Zimbabwe et en Namibie ?

 

II. Traitement et libération des prisonniers de guerre

 

2. (Document A) Les parties à l’accord s’engagent « à échanger les prisonniers de guerre et à libérer toutes autres personnes détenues en raison de la guerre » : à quelles catégories de personnes mentionnées dans les Conventions de Genève l’expression « autres personnes détenues en raison de la guerre » fait-elle référence ? Toutes les personnes pouvant être détenues en raison de la guerre sont-elles forcément des personnes protégées par le DIH ? (CG IV, art. 78-135)

 

3. Comment les prisonniers de guerre doivent-ils être traités ? Peuvent-ils faire l’objet de poursuites pour avoir participé aux hostilités ? (CG III, art. 13 PA I, art. 43, al. 2))

 

4. Quand les prisonniers de guerre doivent-ils être libérés ? Quand convient-il de considérer que les hostilités actives ont pris fin ? L’instauration d’un cessez-le-feu constitue-t-elle une condition suffisante ? (CG III, art. 118 DIHC, règle 128)

 

5. Les prisonniers de guerre doivent-ils être échangés ou libérés de manière unilatérale après la fin des hostilités actives ? Quels sont les risques d’un échange, plutôt que d’une libération unilatérale de prisonniers de guerre ?

 

6. Le CICR dispose-t-il d’un droit d’accès aux prisonniers de guerre ? Ceci s’applique-t-il à l’ensemble des prisonniers de guerre ? À l’ensemble des détenus ? (CG III, art. 126 CG IV, art. 143 DIHC, règle 124)

 

III. Éléments contribuant au respect du DIH

 

7. La signature d’un accord de cessez-le-feu, tel que l’Accord de Lusaka, peut-elle contribuer à garantir un meilleur respect du DIH ? De quelle manière ? Le processus de négociation aboutissant au cessez-le-feu peut-il également favoriser le respect du DIH ? Pour quelles raisons ?

 

8. Comment la MONUC peut-elle faciliter la mise en œuvre de l’Accord de paix de Lusaka ? Comment une telle mission des Nations Unies peut-elle aider à la libération de prisonniers de guerre ? Selon vous, quel rôle le Conseil de sécurité peut-il jouer dans la mise en œuvre du DIH ?

 

9. Le document B fait référence à la « commission mixte intergouvernementale » : quel est son rôle ? Celle-ci est-elle prévue par les Conventions de Genève ? Que pensez-vous d’un tel dispositif ? Quel en sont les avantages ? Existe-t-il, selon vous, des limites à ce dispositif ?

 

10. En s'appuyant sur le document C, quels sont les facteurs qui ont rendu possible la libération des 177 prisonniers de guerre ? D’après vous, ces remises en liberté auraient-elles pu avoir lieu sans la coopération des quatre pays impliqués ? Sans le rôle d’intermédiaire d’une organisation impartiale telle que le CICR ?