Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :
Chaque fois que les circonstances le permettent, chaque partie au conflit doit prendre sans tarder toutes les mesures possibles pour rechercher, recueillir et évacuer les morts, sans distinction de caractère défavorable.
Les parties au conflit doivent s’efforcer de faciliter le retour des restes des personnes décédées, à la demande de la partie à laquelle ils appartiennent ou à la demande de leur famille.
Les morts doivent être inhumés de manière respectueuse, et leurs tombes doivent être respectées et dûment entretenues.
Afin de permettre l’identification des morts, chaque partie au conflit doit enregistrer toutes les informations disponibles avant l’inhumation, et marquer l’emplacement des sépultures.
Chaque partie au conflit doit prendre toutes les mesures pratiquement possibles pour élucider le sort des personnes portées disparues par suite d’un conflit armé, et doit transmettre aux membres de leur famille toutes les informations dont elle dispose à leur sujet.
Résumé du cas d’étude
Après la guerre du Golfe de 1990-1991, une Commission tripartite a été créée sous les auspices du CICR. Constituée de représentants de l’Irak, du Koweït et de la Coalition de 1990-1991 (États-Unis d’Amérique, Royaume-Uni, France, Arabie Saoudite) et présidée par le CICR, la Commission doit élucider le sort réservé aux personnes disparues en raison du conflit.
Reconnaissant l’importance de fournir aux familles tous les renseignements sur leur proche disparu, les membres de la Commission se sont appuyés sur une expertise forensique et des technologies de pointe pour rechercher et identifier les restes humains. Grâce à cette action conjointe, des dépouilles mortelles ont été identifiées et rapatriées.
Respect du DIH : les points à retenir
- La Commission a travaillé efficacement pour élucider le sort des disparus. Par exemple :
- Les membres de la coalition ont partagé des renseignements pour aider à identifier les sépultures en Irak et au Koweït.
- L'Irak a organisé à maintes reprises des missions sur le terrain pour procéder à des recherches et à des fouilles sur les sites concernés.
- En 2017, une étude réalisée par le CICR, à laquelle des experts extérieurs ont participé, a fourni des recommandations pour les activités futures visant à rechercher les disparus afin de faire davantage de progrès dans ce domaine.
- En 2011, après la découverte et l’identification des dépouilles de 32 soldats irakiens au Koweït, les autorités koweïtiennes ont pris en charge leur rapatriement vers l’Irak.
- Après la découverte et l’identification de restes humains en Irak en mars 2019, les gouvernements irakien et koweïtien ont coopéré pour transférer ces dépouilles vers le Koweït pour qu’elles fassent l’objet d’une analyse médico-légale. Les autorités du Koweït ont assuré que les dépouilles, une fois identifiées, seraient restituées aux familles des victimes.
Ce cas d’étude a été élaboré par Federica Olimpieri et Jasmine Nicolson, étudiantes en droit (LL.M.) à l’université de Leiden, sous la supervision du professeur Robert Heinsch et de Sofia Poulopoulou (chercheuse doctorante), Johanna Trittenbach et Mahan Charmshir (assistants chercheurs) du Kalshoven-Gieskes Forum de l’université de Leiden.
A. LE KOWEÏT RAPATRIE LES DÉPOUILLES DE SOLDATS IRAKIENS
[Source : CICR, « Koweït : rapatriement des dépouilles de 32 soldats irakiens », 4 juillet 2011, disponible sur : https://www.icrc.org/fr/doc/resources/documents/news-release/2011/kuweit-news-2011-07-04.htm]
[…]
Les restes ont été exhumés d'un lieu d'inhumation situé au Koweït, près d'Abaly, par des techniciens en médecine légale, sous la direction de spécialistes du Département koweïtien de criminalistique. Des représentants du ministère koweïtien des Droits de l'homme, de la Commission nationale koweïtienne pour les affaires relatives aux personnes disparues et aux prisonniers de guerre, et des ambassades des États-Unis et du Royaume-Uni au Koweït ont assisté à l'exhumation, qui s'est effectuée en présence de délégués du CICR.
« Cette opération illustre l'engagement pris par les parties concernées de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour élucider le sort des personnes toujours portées disparues, et de transmettre les informations obtenues aux familles », a affirmé M. Peytrignet.
Les membres de la Commission tripartite, qui a été créée en 1991 sous l'égide du CICR et réunit des représentants de l'Irak, du Koweït et des pays de la coalition de 1990-91 (les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l'Arabie saoudite) se sont engagés à renforcer les activités conjointes de recherche et de récupération des restes des personnes qui ont été portées disparues en lien avec la guerre de 1990-91.
Les autorités koweïtiennes et irakiennes ont pleinement coopéré à l'opération de rapatriement. En tant qu'intermédiaire neutre, le CICR a disposé des délégués de chaque côté de la frontière qui ont pu veiller au bon déroulement du transfert.
En vertu du droit international humanitaire, les proches des personnes disparues ont le droit de savoir ce qu'il est advenu des êtres qui leur sont chers. Et les parties au conflit ont la responsabilité de rechercher les personnes portées disparues et d'informer les familles.
B. L’IRAK RETROUVE LES RESTES DES DÉPOUILLES DE SOLDATS KOWEITIENS DISPARUS PENDANT LA GUERRE DU GOLFE DE 1990-1991
[Source : Agence de Presse du Koweït (KUNA), « L’Irak va rapatrier les restes humains de soldats au Koweït », 1er juillet 2019, [traduction CICR] disponible sur : https://www.kuna.net.kw/ArticleDetails.aspx?id=2805528&language=en]
BAGDAD, 1er juillet – Lundi dernier, le ministère de la Défense irakien a annoncé L’Irak remettrait aux autorités koweitiennes des échantillons prélevés sur les restes humains récemment retrouvés dans le sud de l’Irak et qui pourraient appartenir à des citoyens koweitiens portés disparus.
Dans un communiqué de presse, le ministère a déclaré que des restes ont été retrouvés à deux endroits différents, près de la région de Nukrat Al-Salman, dans la Province d’Al Muthanna, au sud du pays.
La découverte des restes humains a été rendue possible en partie grâce à la coopération entre l’Irak, le Koweït et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a ajouté le ministère.
Le ministère a également expliqué que les restes humains ont été exhumés et envoyés en laboratoire à Bagdad pour déterminer si les échantillons d’ADN correspondaient à celui des familles des koweitiens disparus.
Il a également ajouté que l’Irak allait rapatrier l’ensemble des échantillons de restes humains pour de nouveaux tests ADN.
Le 20 juin, lors d’une déclaration conjointe, la Commission tripartite présidée par le CICR a annoncé avoir retrouvé des restes de dépouilles, redonnant espoir aux familles des personnes disparues depuis la guerre du Golfe de 1990-1991. Les autres membres de la Commission étaient le Koweït et l’Irak.
Le Premier ministre du Koweït et ministre des Affaires étrangères, Sheikh Sabah Khaled Al-hamad AlSabah, a salué les efforts du CICR en ce sens, qui ont permis de retrouver les restes des dépouilles, « qui, nous l’espérons, appartiennent à des citoyens koweitiens ». Il a ajouté que « le Koweït s’attendait à des résultats positifs » qui permettrait d’aller réellement de l’avant en vue de mettre fin à près de 28 ans de souffrance pour les familles des disparus.
Sheikh Sabah Al-Khaled, qui a déclaré que le Koweït redoublerait d’efforts pour connaitre le sort de ses citoyens disparus et clore cette question humanitaire, a remercié l’Irak de sa « sincère volonté » de remplir ses obligations internationales (Nations Unies) à l’égard du Koweït.
C. L’IRAK IDENTIFIE LES RESTES DES DÉPOUILLES DE KOWEITIENS
[Source : Kuwait Times, « Iraq identifies remains of 32 Kuwaitis found in mass grave », 4 août 2019, [traduction CICR] disponible sur : https://www.kuwaittimes.com/iraq-identifies-remains-of-32-kuwaitis-found-in-mass-grave/]
Le porte-parole du ministère [des Affaires étrangères irakien], Ahmad al-Sahaf, a déclaré que « l’équipe scientifique irakienne en charge du dossier des prisonniers koweitiens disparus a été en mesure, en coopération avec la Croix-Rouge, de localiser une fosse commune dans la province de Muthanna, le 6 mars dernier ». La fosse contenait 46 corps humains, a-t-il ajouté, avant d’annoncer que les premières analyses ADN avaient permis d’établir que 32 de ces corps étaient ceux de Koweitiens qui avaient été porté disparus.
Le porte-parole du ministère a également déclaré que l’Irak coopérerait avec les autorités koweitiennes, pour rapatrier les dépouilles dans leur pays et offrir un soutien approprié aux actions à mettre en place ultérieurement dans ce dossier. Sahaf a affirmé que l’Irak souhaitait assumer sa responsabilité première pour mettre un terme à cette tragédie humanitaire qui a impliqué des frères koweitiens au début de « l’invasion de leur pays dans les années 1990 et qui a scellé le destin des disparus et des prisonniers koweitiens ».
[...] L’Irak va redoubler d’effort pour connaitre le sort des autres koweitiens disparus et « les récentes découvertes sont la preuve que des efforts permanents ont été fournis pour arriver à obtenir des informations sur ces dépouilles », a-t-il ajouté.
Mais Nasser Al-Hayyen, adjoint au ministre des Affaires étrangères du Koweït en charge des organisations internationales, a déclaré plus tard ce vendredi que de plus amples analyses scientifiques étaient nécessaires pour identifier les 32 corps. […] Il a souligné que le Koweït avait fait une demande officielle à l’Irak pour le transfert des corps retrouvés, afin de conduire ses propres analyses et comparer les résultats dans sa base de données d’ADN relative aux prisonniers koweitiens et aux personnes disparues.
Il a précisé que l’identification des corps retrouvés relève de l’unique responsabilité du Département général des preuves pénales du Koweït, qui dispose d’une importante base de données ADN relative aux prisonniers de guerre et aux personnes disparues. Il a affirmé qu’une fois que l’identité des corps serait confirmée, leurs familles seraient immédiatement averties.
D. DÉCLARATION DU CICR SUR LES AVANCÉES DE LA COMMISSION TRIPARTITE
[Source : Conseil de Sécurité des Nations Unies, 8676ème séance sur la situation concernant l’Irak, 3 décembre 2019, disponible sur :
https://undocs.org/fr/S/PV.8676]
[...]
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) préside la Commission tripartite depuis sa création en 1991. Peu de temps après le conflit, l’Iraq, le Koweït et les membres de la coalition – l’Arabie saoudite, la France, le Royaume-Uni et les États-Unis– ont créé la Commission pour retrouver les personnes disparues. Aujourd’hui, la Commission et son Sous-Comité technique, de concert avec la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq, en tant qu’observatrice, et le CICR en tant que Président, visent à retrouver la trace des personnes toujours portées disparues et à apporter des réponses aux familles.
Il y a à peine un peu plus d’une année, le CICR a présenté au Conseil des informations actualisées sur le travail de la Commission tripartite et du Sous-Comité technique (voir S/PV.8324). Nous avions indiqué que depuis la création de la Commission tripartite, nous avions déjà aidé à rapatrier plus de 75 000 citoyens, détenus civils et prisonniers de guerre. Depuis 2003, date à laquelle les fouilles sur des sites d’inhumation ont commencé en Iraq et par la suite au Koweït, les restes de 275 personnes en Iraq et 98 autres au Koweït ont été découverts. Au total, 1 080 dossiers concernant des personnes disparues restent ouverts dans le cadre du Mécanisme, dont 371 portées disparues par le Koweït, 700 par l’Iraq et neuf par l’Arabie saoudite.
Aujourd’hui, je suis heureux de confirmer que, pour la première fois en 14 ans, des restes de Koweïtiens ont été retrouvés. Ces restes ont été découverts dans la province de Mouthanna, en Iraq, en mars. Les membres du Mécanisme, aidé par le CICR, effectuent des travaux d’excavation depuis 2003, en Iraq comme au Koweït. Avant cela, la dernière fois que l’exhumation de restes humains a été fructueuse c’était en 2011. Il s’agissait de restes d’Iraquiens retrouvés au Koweït. Depuis huit ans on a découvert aucune dépouille ni aucun site d’inhumation, et 14 années se sont écoulées depuis la dernière fois qu’ont été retrouvés des restes de Koweïtiens.
Nous avons réalisé une percée cette année avec de nouvelles informations qui ont permis l’identification de deux charniers contenant probablement les restes de citoyens koweïtiens. Cette percée a été rendue possible pour une part grâce aux recommandations et aux conclusions du « Projet d’examen » du CICR, parachevé en juillet 2017. Grâce à ce projet, le CICR a établi un bilan de la situation en faisant appel à des experts et des spécialistes en criminalistique, et formulé des recommandations pour les travaux futurs. Le rapport et les recommandations du Projet d’examen ont été adoptés par la Commission tripartite en décembre 2018 et sont depuis utilisés pour guider le travail effectué sur le terrain et depuis le Siège et permettre des avancées dans la recherche et la découverte des restes des personnes disparues
Les informations fournies par les témoins, l’analyse des images satellites et plusieurs précédentes missions d’exploration nous ont conduits à Samaoua, dans la province de Mouthanna. C’est là où a eu lieu la percée et c’est là où des restes humains ont été exhumées en mars. En août, les autorités iraquiennes ont remis 46 boîtes et deux sacs contenant ces restes, qui sont actuellement analysés par les autorités koweïtiennes dans leurs laboratoires nationaux de criminalistique. Il s’agit d’un processus qui prend du temps et qui doit se poursuivre au moins jusqu’à l’année prochaine. Si les résultats révèlent une correspondance avec certaines des personnes disparues, les restes seront remis à leur famille. [...]
Il y a un enseignement à tirer de cette percée. Les blessures provoquées par la disparition des personnes sont profondes et durent longtemps. Quand des personnes disparaissent, leur absence affecte la famille, la communauté et la société tout entière. Le règlement de ces cas demande du temps, de la patience et de la coopération entre les gouvernements, les organisations humanitaires et les familles des disparus. Mais, plus important encore, le travail de recherche des personnes portées disparues requiert de la persévérance et de la détermination […]
L’Iraq organise régulièrement des missions sur le terrain pour explorer et fouiller des sites d’intérêt. D’autres membres du Mécanisme, à savoir le Royaume-Uni, la France et les États-Unis, ont déployé des efforts considérables pour fournir des informations pertinentes dans l’espoir que de nouvelles recherches permettront d’identifier davantage de lieux d’inhumation en Iraq et au Koweït.
[…]
Discussion
I. Qualification de la situation et droit applicable
1. Comment qualifieriez-vous la situation dans le Golfe Persique entre 1990 et 1991 ? Il y avait-il un conflit armé ? Si oui, l’Irak et le Koweït étaient-ils parties au conflit ? Quelles sont les règles du DIH applicables dans cette situation ? (CG I-IV, art. 2 ; Règlement de La Haye, art. 42).
II. Élucider le sort des personnes disparues et identifier les personnes décédées
2. Qui sont les personnes disparues au regard du DIH ? (PA I, art. 33).
3. Quelles sont les obligations des parties au conflit à l’égard des personnes disparues et de leurs proches ?
a. Les parties au conflit ont-elles l’obligation de prendre des mesures visant à prévenir les disparitions dans les conflits armés ? Dans l’affirmative, quelles sont ces obligations ? (CG I, art. 16, 17 ; CG II, art. 19 ; CG III, art. 70, 71, 122, 123, 126 ; CG IV, art. 25, 106, 107, 136, DIHC, règles 117, 125, 126)
b. Lorsque des personnes sont portées disparues, quelles mesures doivent prendre les parties au conflit pour élucider leur sort ? Que dit le DIH à propos du « droit de savoir » ? (PA I, art. 33)
4. Quelles obligations incombent aux parties au conflit concernant les personnes décédées ? En quoi sont-elles corrélées à l’obligation d’élucider le sort des personnes disparues ? Les belligérants sont-ils libérés de leurs obligations à l’égard des personnes décédées après la fin d’un conflit ? (CG I, art. 15, 16, 17 ; CG III, art. 120 ; CG IV, art. 16, 129, 130, 131 ; PA I, art. 34 ; PA II, art. 8, DIHC, règles 112-116)
III. Éléments contribuant au respect du DIH
5. (Documents A et C) L’existence d’une Commission tripartite facilite-t-elle les recherches pour élucider le sort des personnes disparues ? Le fait que le CICR préside cette commission a-t-il une importance et si oui, laquelle ? En quoi la coopération entre les différents membres qui composent la Commission tripartite a-t-elle contribué aux efforts visant à élucider le sort des personnes disparues ?
6.(Documents A, B, C, D) Le porte-parole irakien a déclaré que « l’Irak souhaite assumer sa responsabilité première pour première pour mettre un terme à cette tragédie humanitaire qui a impliqué des frères koweitiens […] ». Pensez-vous que le fait de retrouver et de rapatrier les dépouilles des personnes décédées puisse permettre d’apaiser les tensions, de rendre justice aux familles et à la société d’aller de l’avant ? La volonté de réconciliation et de rétablissement de la paix peut-elle favoriser respect du DIH ?
7. (Documents A, B, C, D) Selon vous, les recherches portant sur les personnes disparues peut-elle apaiser les relations diplomatiques entre l’Irak et le Koweït ? À l’inverse, de quelle manière de meilleures relations diplomatiques et politiques entre les deux pays pourraient-elles faciliter les recherches des disparus et permettre de retrouver les corps des personnes décédées ? Cette obligation est-elle fondée sur une notion de réciprocité ?
8. (Document D) Le projet d’examen du CICR de 2017 et l’utilisation de technologies avancées par les parties afin de rechercher, retrouver et identifier les dépouilles des personnes décédées ont-ils aidé les parties au conflit à remplir leurs obligations en vertu du DIH ?