République centrafricaine : vers la démobilisation, la libération et le rapatriement

Vers la démobilisation des groupes armés en République centrafricaine (RCA) : 2011-2017

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Dans les conflits armés internationaux, le CICR doit se voir accorder un accès régulier à toutes les personnes privées de liberté afin de vérifier leurs conditions de détention et de rétablir le contact entre ces personnes et leur famille.

Les personnes privées de leur liberté en relation avec un conflit armé non international doivent être libérées dès que les causes qui ont motivé leur privation de liberté cessent d’exister. La privation de liberté de ces personnes peut se poursuivre si des procédures pénales sont en cours à leur encontre ou si elles purgent une peine qui a été prononcée dans le respect de la loi.

Résumé du cas d’étude

La République centrafricaine (RCA) est depuis longtemps affectée par la violence et l’insécurité, avec en particulier des affrontements entre les forces gouvernementales et des groupes armés non étatiques, qui s’affrontent également entre eux. Des groupes armés issus de pays frontaliers, tels que le Front populaire pour le redressement au Tchad (FPR), sont également actifs en RCA. Les groupes armés sont connus pour détenir des membres de groupes rivaux et pour recruter et utiliser des enfants.

En 2015, La mission de maintien de la paix des Nations Unies en RCA (MINUSCA) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) ont participé à l’organisation d’un Forum de réconciliation nationale, permettant de rassembler des représentants du gouvernement et de groupes armés, ainsi que d’autres acteurs.

Le gouvernement centrafricain a réussi à assurer la sécurité des combattants capturés par des groupes armés lors de leur libération, dans le contexte de négociations pour la paix, en jouant le rôle de médiateur pour le désarmement, la réintégration et le rapatriement des membres de groupes armés.

Respect du DIH : les points à retenir

1. En juin 2011, après la capture par le FPR de membres de l’Armée populaire pour la restauration de la République et la démocratie (APRD), un groupe armé basé en RCA, le CICR a facilité la libération de 18 de ces membres, sur demande des deux parties et du gouvernement centrafricain.

2. Également en juin 2011, le gouvernement centrafricain a joué le rôle de médiateur lors de la signature d’un accord entre le gouvernement tchadien et le FPR, pour encourager un désarmement et faire en sorte que le FPR retourne au Tchad.

3. Pendant le Forum de 2015, le gouvernement de transition de RCA et des représentants de tous les groupes armés actifs en RCA ont signé un accord visant au désarmement, à la démobilisation, la réintégration et au rapatriement des combattants affiliés à ces groupes, ainsi que des enfants associés aux groupes armés et autres groupes.

4. Par la suite, en coordination avec les Nations Unies et d’autres acteurs internationaux, le gouvernement a pris des mesures pour adopter une stratégie nationale de mise en œuvre suite à l’accord de 2015.

Ce cas pratique a été élaboré par Laura Di Gianfrancesco, Reine Pfister et Thilo Tesing, étudiants en droit (LL.M) à l’université de Rome III, sous la supervision de Giuilo Bartolini (professeur) et Tommaso Natoli (assistant de recherche), de la clinique de DIH de l’université de Rome III, avec la contribution de Jemma Arman et d’Isabelle Gallino, étudiantes en droit (LL.M) à l’Académie de Genève.

 

A. LIBÉRATION DE 18 PERSONNES PAR LE FRONT POPULAIRE POUR LE REDRESSEMENT

[Source : CICR, communiqué de presse, République centrafricaine : le CICR facilite la libération de 18 détenus, 28 juin 2011, disponible sur : https://www.icrc.org/fr/doc/resources/documents/news-release/2011/centr…]

 

« Bangui/Genève (CICR) - le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a facilité hier le transfert et la libération de 18 personnes détenues par le Front Populaire pour le redressement (FPR).

 

Arrêtés à la suite de récents accrochages dans la zone de Kaga-Bandoro, dans le centre-nord de la République centrafricaine (RCA), ces membres de l’Armée populaire pour la restauration de la république et la démocratie (APRD) ont été libérés en présence des autorités de la préfectuer de la Nana Gribizi et de responsables de l’APRD.

 

« La réussite de cette opération démontre la confiance que les groupes présents en République centrafricaine, ainsi que les autorités nationales accordent au CICR et à son rôle d’intermédiaire neutre », a déclaré Katharina Ritz, cheffe de la délégation du CICR dans ce pays.

 

Le CICR a ainsi répondu à la demande des parties d’organiser le transfert et la libération. Il n’a toutefois pas participé aux négociations qui ont conduit à ces libérations.

 

B. LA RCA COMME MÉDIATEUR POUR LE DÉSARMEMENT ET LE RAPATRIEMENT

[Source : Conseil de sécurité des Nations Unies, 6575e séance, La situation en République centrafricaine, S/PV.6575, 7 juillet 2011, disponible sur : https://undocs.org/fr/S/PV.6575]

 

Rapport du Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine et sur les activités du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix dans ce pays

 

[…] En   mai, nous   avons   pu   voir   une   évolution positive au niveau de la mise en œuvre des accords de paix   avec   les   mouvements   armés   et   les   groupes   rebelles.    Le Gouvernement a annoncé son intention de désarmer, de   démobiliser   et   de   réintégrer tous les combattants d’ici à la fin de l’année. Des mesures concrètes ont été prises à cet égard.  Autre mesure positive, le 12 juin, la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP) s’est ralliée au processus de paix de Libreville et a signé un accord de cessez-le-feu avec le Gouvernement.  Le 13 juin, Baba Ladé, chef rebelle tchadien du Front populaire pour   le redressement (FPR), a signé un communiqué avec le Gouvernement    tchadien    annonçant    son    intention d’entamer des négociations aux fins de la signature d’un accord de paix dans le mois à venir, en vertu duquel il déposerait les armes et obtiendrait de pouvoir rentrer avec son groupe au Tchad sans être inquiété.

 

La mise en œuvre de cet accord, s’il est mené à bien, pourrait aboutir au rapatriement vers le Tchad de 400 à 500 éléments du FPR, ce qui est l’un des aspects soulevés par l’Armée populaire pour la restauration de la   République   et   la   démocratie (APR) comme condition préalable au désarmement. Il convient de rappeler que le FPR est en réalité un groupe tchadien qui opère sur le territoire de la République centrafricaine ; ce n’est pas un groupe rebelle national de ce pays. Cet accord a été facilité par le médiateur national de la République centrafricaine.  Nous voyons donc que la République centrafricaine joue un rôle positif en essayant d’amener certains de ces groupes rebelles à retourner dans leur pays.  […]

 

C. ACCORD ENTRE LA RCA ET LES GROUPES ARMÉS SUR LE DÉSARMEMENT, LA DÉMOBILISATION, LA RÉINTÉGRATION ET LE RAPATRIEMENT

[Source : Accord sur les principes de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement (DDRR) et d’intégration dans les corps en uniforme de l’État centrafricain entre le Gouvernement de transition et les groupes armés, 10 mai 2015, disponible sur : https://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/CF_150510_AgreementDDRRepatriationIntegration%28fr%29.pdf]

 

Préambule

 

[…] Considérant la volonté de tous les acteurs de la vie politique et de la société civile centrafricaine de faire la paix,

 

Considérant l’engagement de la communauté internationale et la prise en charge globale des accords du Forum de Bangui,

 

Considérant les recommandations du groupe thématique « Paix et sécurité » du Forum national de Bangui,

 

Fermement résolu à consolider l’état de droit et bâtir une armée républicaine inclusive de toutes les composantes de la société centrafricaine,

 

Le Gouvernement de transition de la République centrafricaine et les groupes armés sus désignés, en présence de la classe politique, de la société civile, et de la communauté internationale, conviennent de ce qui suit : […]

 

Article 2

 

Le présent Accord couvre le désarmement, la démobilisation, la réintégration et le rapatriement des combattants, membres de tous les groupes armés à l’échelle du territoire centrafricain.

 

Article 3

 

Les critères d’éligibilité pour l’accession au présent programme de DDRR sont les suivants :

 

1) Les combattants doivent être membres des groupes armés signataires du présent accord ;

 

2) Chaque combattant doit déposer toutes armes de guerre en état de fonctionnement ou non, explosifs, mines et l’intégralité des effets militaires en leur possession ;

 

3) Les enfants associés aux forces et groupes armés sont éligibles au DDRR qu’ils soient porteurs d’armes ou pas. […]

 

Article 5

 

Considérant l’Accord d’engagement entre le Gouvernement et les groupes politico militaires, le DDRR se composera des opérations suivantes conduites sur des sites où les candidats au DDRR se présenteront :

 

1) L’identification des enfants associés aux groupes politico-militaires, qu’ils soient ou pas en possession d’une arme de guerre en état de fonctionnement, en vue de les rediriger immédiatement vers des programmes spécifiques du Gouvernement avec l’appui des partenaires, sera la première opération à conduire ;

 

2) La deuxième opération est la vérification des critères d’éligibilité ;

 

3) Les combattants éligibles seront alors identifiés et enregistrés dans une base de données. Ils recevront une carte de démobilisé. À ce stade, les femmes seront séparées des hommes. Elles bénéficieront des mêmes opportunités ;

 

4) Les combattants éligibles seront sensibilisés et seront informés du contenu du plan national de DDRR. Ils pourront opter pour la réintégration communautaire ou se porter volontaire pour une intégration conditionnée dans les corps en uniforme de l’État dans les conditions définies par l’article 4 du présent accord ;

 

5) Les combattants qui auront choisi la réintégration communautaire seront reconduits dans leur communauté d’accueil avec un minimum de mesures d’accompagnement, pour participer avec les autres membres des communautés à des programmes de développement communautaire générateurs de revenus, de formation, d’emplois et de revenus dans le cadre de la mise en place du programme de réintégration communautaire. […]

 

D. PLAN NATIONAL DE RELÈVEMENT ET DE CONSOLIDATION DE LA PAIX

[Source : République centrafricaine, Union européenne, Nations Unies et représentants de la Banque Mondiale : Plan national de relèvement et de consolidation de la paix 2017-202, disponible sur : https://eeas.europa.eu/sites/eeas/files/car_main_report-a4-french-web.pdf]

 

Aperçu général des besoins et des priorités

 

[…] La priorité à court terme consistera à adopter une stratégie nationale de DDRR [Désarmement, Démobilisation, Réintégration et Rapatriement] sur la base de l’accord-cadre signé en mai 2015. Elle permettra de désarmer, de démobiliser et de réinsérer les anciens combattants qui répondent aux critères d’éligibilité, y compris ceux relatifs au respect des droits de l’Homme, de réduire la violence dans les communautés, de rapatrier les quelque 500 combattants étrangers et de neutraliser et/ou de détruire les armes de guerre collectées auprès des 14 groupes armés ciblés par le programme DDRR. À court et moyen termes, les activités de réintégration communautaires de quelques 7 000 ex-combattants éligibles seront mises en œuvre de même que les interventions ciblant les enfants et les femmes associés aux groupes armés, ainsi que les groupes vulnérables (anciens combattants handicapés ou traumatisés). Enfin, un programme de réduction de la violence communautaire sera appliqué à l’intention des ex-combattants qui ne sont pas éligibles au programme national de DDRR.

 

Discussion

 

I. Qualification de la situation et droit applicable

1. Comment qualifieriez-vous le conflit en RCA ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? Sous quelles conditions le Protocole additionnel II serait-il applicable ?  (CG I-IV, art. 3 PA II, art. 1)

 

II. Libération des prisonniers détenus et des combattants

2. (Document A) Comment qualifieriez-vous le statut des 18 personnes détenues par le Front Populaire pour le redressement ?  La distinction traditionnelle entre combattants et civils est-elle applicable ?

3. (Document C) Les parties au conflit ont-elles des obligations spécifiques envers les enfants ?  Que dit le DIH à propos des « enfants associés aux forces armées » ?  Que prévoit le DIH sur la réintégration des enfants ayant pris part aux hostilités ?  (PA II, art. 4, par. 3 et art. 6, par. 4 ; DIHC, règles 135-137)

4. À la lumière du document C et en particulier de l'article 5, il semble que les combattants démobilisés sont réintégrés dans la communauté mais qu’ils ne risquent ni sanction ni condamnation pour les actes qu'ils ont commis.  Diriez-vous que ceci est conforme au paragraphe 5 de l’article 5 du Protocole II ?  Cette disposition couvre-t-elle également les crimes de guerre ?  (PA II, art. 6, par. 5)

5. Le DIH couvre-t-il la démobilisation et le rapatriement des combattants qui ne sont pas détenus ?

 

III. Éléments contribuant au respect du DIH

6. (Document A) Selon vous, la libération de ces 18 personnes aurait-t-elle été possible sans la coopération du groupe rebelle (Armée populaire pour la restauration de la République et la démocratie) et des autorités de RCA ?  Quels éléments ont pu conduire les deux parties à signer un tel accord ?  Quels sont les bénéfices d'une telle coopération ?  Quel est l’intérêt de disposer d’une organisation comme le CICR pour jouer le rôle d'intermédiaire ?

7. À votre avis, quels facteurs ont incité la RCA ou les groupes armés de RCA à démobiliser des combattants et à les réintégrer dans leur communauté ?  Pensez-vous que la démobilisation permet de créer un environnement propice à la paix ?  Ceci renforce-t-il également le respect du DIH tout au long du processus ?  Comment ?  Pourquoi ?

8. Pensez-vous que les amnisties accordées aux anciens combattants sont bénéfiques à l'État ? À la société ?  Pourquoi ? Pourquoi pas ?  Qu’est-ce qui pourrait motiver un État à accorder des amnisties ?