Tombe d'un jeune homme qui a été tué au combat pendant le conflit du Haut-Karabakh

Échange de dépouilles mortelles, Arménie et Azerbaïdjan : 2020

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Chaque fois que les circonstances le permettent, chaque partie au conflit doit prendre sans tarder toutes les mesures possibles pour rechercher, recueillir et évacuer les morts, sans distinction de caractère défavorable.

Les parties au conflit doivent s’efforcer de faciliter le retour des restes des personnes décédées, à la demande de la partie à laquelle ils appartiennent ou à la demande de leur famille.

Afin de permettre l’identification des morts, chaque partie au conflit doit enregistrer toutes les informations disponibles avant l’inhumation, et marquer l’emplacement des sépultures.

 Chaque partie au conflit doit prendre toutes les mesures pratiquement possibles pour élucider le sort des personnes portées disparues par suite d’un conflit armé, et doit transmettre aux membres de leur famille toutes les informations dont elle dispose à leur sujet.

Résumé du cas d’étude

En 2020, des tensions de longue date entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan concernant le contrôle de la région de Nagorno-Karabakh ont déclenché un nouveau conflit armé. Des milliers de soldats ont été tués et des deux côtés de la frontière, les familles n’ont pas pu retrouver et enterrer les corps de leurs proches défunts.

Les 29 octobre et 14 novembre 2020, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont échangé des dépouilles mortelles après avoir trouvé un accord. Le soutien et la facilitation proposés par des gouvernements étrangers et des organisations telles que le CICR et l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) ont pu encourager les parties à respecter le DIH.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. Le 10 octobre 2020, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont signé un accord grâce à l’intermédiaire de la Fédération de Russie, les engageant à respecter un cessez-le-feu temporaire pour des raisons humanitaires. Grâce à l’intermédiaire de l’OSCE, les deux pays se sont également engagés à poursuivre le dialogue afin de parvenir à un accord de paix définitif. Le cessez-le-feu avait notamment pour objectif de permettre aux parties de faciliter la restitution sûre et le rapatriement des corps de ceux qui avaient été tués au combat, en coopération avec le CICR et l’OSCE.

  2. Le 29 octobre, sous les auspices du CICR, intermédiaire neutre, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont procédé comme prévu au premier échange de dépouilles mortelles. Un second échange a eu lieu le 14 novembre, à la suite d’un accord entre les deux parties pour la cessation définitive des hostilités.

Ce cas pratique a été élaboré par Maria Querol Guillen et Eliza Walsh, étudiantes en droit (LL.M.) à l’université de Leiden, sous la supervision du professeur Robert Heinsch et de Ashley Peltier (chercheuse) du Kalshoven-Gieskes Forum de l’université de Leiden.

 

A. PREMIER ACCORD ET ÉCHANGE DES CORPS DES DÉFUNTS

[Source : ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, « Statement by the foreign ministers of the Russian Federation, the Republic of Azerbaijan and the Republic of Armenia », 10 octobre 2020, [traduction CICR] disponible sur : https://www.politicalsettlements.org/wp-content/uploads/2020/10/Armenia-Azerbaijan_Statement-by-the-foreign-ministers-of-the-Russian-Federation-the-Republic-of-Azerbaijan-and-the-Republic-of-Armenia.pdf]

 

Suite à la déclaration du président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine et conformément aux accords conclus entre le président de la Fédération Vladimir Poutine, le président de la République d’Azerbaïdjan Ilham Aliyev et le Premier ministre de la République d’Arménie Nikol Pashinyan, il a été convenu des mesures suivantes :

 

1. Un cessez-le-feu humanitaire est déclaré à minuit, le 10 octobre 2020, afin d’échanger les prisonniers de guerre et les autres détenus, ainsi que les restes des personnes décédées, conformément aux conditions fixées par le médiateur, le Comité international de la Croix-Rouge.

 

[…]

 

3. La République d’Azerbaïdjan et la République d’Arménie procèdent à des négociations par l’intermédiaire des coprésidents du Groupe de Minsk à l’OSCE [Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe], afin de parvenir à accord de paix aussi rapidement que possible, en vertu de principes fondamentaux relatifs au règlement du conflit.

 

[…]

 

[Source : CICR, « Conflit du Haut-Karabakh : le CICR facilite le rapatriement des corps de combattants tués », 29 octobre 2020, disponible sur : https://www.icrc.org/fr/document/conflit-du-haut-karabakh-le-cicr-facilite-le-rapatriement-des-corps-de-combattants-tues]

 

L'opération a eu lieu aujourd'hui aux termes d'un accord conclu entre les parties. Les dépouilles ont été transférées à travers la frontière internationale entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Le CICR a participé à l'opération humanitaire en sa qualité d'intermédiaire neutre.

 

[…]

 

« Même dans les conflits les plus meurtriers, le CICR, qui possède une longue expérience en tant qu'intermédiaire neutre, constate comment des objectifs humanitaires communs peuvent aider des parties adverses à trouver un terrain d'entente, que ce soit pour le transfert ou le rapatriement de prisonniers, l'évacuation de blessés, la conduite d'activités humanitaires à travers les lignes de front, ou la restitution de dépouilles dans le respect et la dignité », déclare Martin Schüepp, directeur régional du CICR pour l'Europe et l'Asie, basé à Genève.

 

« Inhumer un mari, un père ou un fils est essentiel pour qu'une famille puisse faire son deuil. »

 

La restitution des corps a eu lieu en coordination avec les coprésidents du Groupe de Minsk et le représentant personnel du président en exercice de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

 

[…]

 

M. Schüepp ajoute : « Les opérations de cette nature revêtent une immense importance pour les familles concernées. Si la dépouille de l'être cher ne leur est pas restituée, la douleur de l'incertitude s'ajoute à celle de la perte. Ne pas savoir ce qu'il est advenu d'un proche ni où il se trouve est une expérience atroce.



« Nous espérons que cette opération permettra aux familles de trouver un peu d'apaisement. Elles pourront faire leurs adieux à leurs proches en leur donnant une sépulture digne et conforme à leurs traditions ».

 

B. DEUXIÈME ACCORD ET ÉCHANGE DES CORPS DES DÉFUNTS

[Source : Conseil de Sécurité des Nations Unies, « Déclaration du Président de la République d’Azerbaïdjan, du Premier Ministre de la République d’Arménie et du Président de la Fédération de Russie (S/2020/1104) », 11 novembre 2020, disponible sur : https://digitallibrary.un.org/record/3891171?ln=fr]

 

Nous, Ilham Aliev, Président de la République d’Azerbaïdjan, Nikol Pachinian, Premier Ministre de la République d’Arménie, et Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie, déclarons ce qui suit :

 

1.     Il est décrété un cessez-le-feu complet et la cessation de toutes les opérations militaires dans la zone de conflit du Haut-Karabakh à minuit, heure de Moscou, le 10 novembre 2020. La République d’Azerbaïdjan et la République d’Arménie, ci-après dénommées « les Parties », demeurent sur les positions qu’elles occupent.

 

[…]

 

8. Les deux Parties procèdent à l’échange des prisonniers de guerre, des otages et autres personnes détenues, ainsi que des corps des défunts.

 

[Source : South China Morning Post, « Armenia and Azerbaijan exchange their dead during ceasefire », 15 novembre 2020, [traduction CICR], disponible sur : https://www.scmp.com/news/world/russia-central-asia/article/3109898/armenia-and-azerbaijan-exchange-bodies-dead-soldiers?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_content=article&utm_source=Twitter#Echobox=1605397769]

 

Samedi [14 novembre 2020], L'Arménie et l’Azerbaïdjan ont échangé les corps de plusieurs soldats décédés après l’arrivée des troupes russes qui devaient veiller au respect du cessez-le-feu dans la région du Haut-Karabakh, en proie au conflit.

 

L’Azerbaïdjan a remis à l’Arménie les corps des soldats, sans que l’on connaisse leur nombre. Ces derniers ont été tués lors des combats dans la ville de Chouchi – Shusha en azéri- une place stratégique importante, qui a été reprise par l’Azerbaïdjan, selon le ministère de la Défense du pays.

 

En retour, l’Arménie a remis les corps de six soldats à l’Azerbaïdjan. L’échange des corps des défunts a été convenu au début de la semaine par un accord visant à mettre un terme à tous les combats.

 

[…]

C. INFLUENCE ET ASSISTANCE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE

[Source : Secrétariat Général des Nations Unies, « Nagorno-Karabakh : le Secrétaire général salue la déclaration des États-Unis, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan annonçant l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu humanitaire », 25 octobre 2020, disponible sur : https://press.un.org/fr/2020/sgsm20367.doc.htm]

 

Le Secrétaire général se félicite de la déclaration conjointe publiée aujourd’hui par les Gouvernements des États-Unis, de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan annonçant que le cessez-le-feu humanitaire conclu à Moscou le 10 octobre et réaffirmé à Paris le 17 octobre entrera en vigueur à 8 heures, heure locale, lundi 26 octobre.  Il salue les efforts de facilitation déployés par les États-Unis, avec le soutien des coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE.

 

Le Secrétaire général réitère son appel aux parties pour qu’elles mettent pleinement en œuvre leur accord sans délai sur la base de cette déclaration et qu’elles reprennent les négociations de fond sans conditions préalables sous les auspices des coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE.  Il appelle également les parties à garantir un accès sûr et sans entrave aux travailleurs humanitaires ainsi que la fourniture d’aide humanitaire et de services aux civils dans la zone de conflit du Nagorno-Karabakh et aux alentours.

 

Le Secrétaire général attend des parties qu’elles respectent tous leurs engagements et qu’elles collaborent avec les coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE pour prendre des mesures concrètes en vue d’un règlement pacifique du conflit du Nagorno-Karabakh. 

 

 

[Source : France Diplomatie, « Communiqué de presse des coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE », 30 octobre 2020, disponible sur : https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/azerbaidjan/evenements/article/communique-de-presse-des-copresidents-du-groupe-de-minsk-de-l-osce-30-10-20]

 

Les coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE (Igor Popov, pour la Fédération de Russie, Stéphane Visconti, pour la France, et Andrew Schofer, pour les États-Unis d’Amérique) ont publié ce jour la déclaration suivante.

 

[…]

Ils ont à nouveau appelé les parties à mettre en œuvre intégralement leurs engagements, réaffirmés à Paris le 17 octobre et à Washington le 25 octobre, notamment la mise en place immédiate d’un cessez-le-feu humanitaire, conformément à la Déclaration conjointe de Moscou du 10 octobre.

 

Sans préjuger de la mise en œuvre du cessez-le-feu ou d’autres engagements, les parties sont convenues de prendre un certain nombre de mesures de manière urgente, notamment les mesures suivantes :

 

[…]

Les parties se mobiliseront de manière active pour permettre la récupération des dépouilles sur le terrain et leur échange, en offrant au CICR et au représentant personnel du président en exercice de l’OSCE les garanties de sécurité nécessaires pour faciliter leur action.

 

[…]

 

[Source : OSCE, « With new agreement over Nagorno-Karabakh war, PA President hopes for long-lasting peace, condemns violence against parliamentarians », 10 novembre 2020, [traduction CICR] disponible ici]

Suite à la signature l’accord trilatéral entre l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Fédération de Russie visant à faire cesser les combats dans la région de Nagorno-Karabakh, le président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, George Tsereteli (Premier ministre de la Géorgie) a fait la déclaration suivante :

 

« J’ai l’espoir que la signature d’un accord qui mette un terme à la guerre dans la région de Nagorno-Karabakh permettra par la suite de protéger la vie des civils pris au piège dans la zone de conflit. Je regrette sincèrement que des vies aient été perdues ces dernières semaines et, puisque les armes se sont tues, j’encourage les parties au conflit à procéder sans délai aux échanges de prisonniers de guerre, de détenus et de dépouilles des combattants tombés au combat. »

 

« Le chemin vers une paix durable est souvent plus ardu que la guerre. C’est pourquoi j’exhorte toutes les parties au conflit à réaffirmer leur engagement à poursuivre les négociations pour la paix, de bonne foi, à permettre le retour sûr des personnes déplacées internes et des réfugiés, à parvenir à un accord durable et global mettant un terme à ce conflit et, à long-terme, à construire un avenir ensemble ».

 

[…] 

 

Discussion

I. Qualification de la situation et droit applicable

1.     Comment qualifieriez-vous le conflit dans le Haut-Karabakh ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG I-IV, art. 3 ; PA I, art. 1)

2.     Un accord de cessez-le-feu peut-il mettre un terme à un conflit ? Les obligations prévues par le DIH ne sont-elles applicables que dans une temporalité bien définie ? (PA I, art. 3, par. b, art. 34 ; CG I, art. 15 et art. 17)

 

II. Obligations relatives aux morts

3.     Quelles obligations incombent aux parties au conflit concernant les morts ? Votre réponse serait-elle différente si le conflit était qualifié autrement ? (CG I-IV, art. 3 ; CG I, art. 15 ; CG IV, art. 16 ; PA I, art. 1, art. 34 ; DIHC, règle 112)

4.     Il est écrit dans le document A (source 2) : « Inhumer un mari, un père ou un fils est essentiel pour qu'une famille puisse faire son deuil. » Quels sont les droits des familles des personnes décédées conformément aux DIH ? (DIHC, règle 114 ; DIHC, règle 117 ; PA I, art. 32 et art. 34, par. 2, al. c.)

 

III. Éléments contribuant au respect du DIH

5.     (Documents A, B et C) Les coprésidents de l’OSCE et le Secrétaire général des Nations Unies ont appelé l’Arménie et l’Azerbaïdjan à mettre en œuvre le cessez-le-feu humanitaire et à se conformer à leurs obligations au regard du DIH. Pensez-vous que l’influence de l’opinion publique ait pu encourager les parties à respecter le DIH ? Pensez-vous que le respect du DIH puisse avoir un impact positif sur la réputation internationale d’une partie à un conflit armé ?

6.     (Documents A, B et C) Quel a été le rôle des médiateurs, tels que l’OSCE ou le CICR, pour cet exemple de situation où le DIH a été respecté ? Quelle est l’importance de la méditation dans ce cas précis ? De surcroît, Quelle a été l’influence de la médiation et l’assistance proposées par d'autres États sur l’échange des corps des défunts ?

7.     (Document A, source 2) Martin Schüepp, directeur régional du CICR pour l’Europe et l’Asie, a déclaré : « Les opérations de cette nature revêtent une immense importance pour les familles concernées ». Pensez-vous que la décision de l’Arménie et l’Azerbaïdjan d’échanger les restes des personnes décédées ait été motivée par la nécessité de permettre aux familles de faire leur deuil ?

8.     (Document C, source 3) Le président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE, George Tsereteli, a déclaré : « Le chemin vers une paix durable est souvent plus ardu que la guerre [traduction CICR] ». Selon vous, comment les exhumations et les identifications des morts peuvent-elles contribuer à réconcilier les sociétés après un conflit ? D’après vous, existe-il une corrélation entre l’échange des corps des défunts et le processus de paix entre les États ?