Bosnie-Herzégovine, les objets trouvés près des corps sont enregistrés pour faciliter l'identification

Répondre au problème des personnes portées disparues en Bosnie-Herzégovine : 1996–2019

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Chaque fois que les circonstances le permettent, chaque partie au conflit doit prendre sans tarder toutes les mesures possibles pour rechercher, recueillir et évacuer les morts, sans distinction de caractère défavorable.

Les parties au conflit doivent s’efforcer de faciliter le retour des restes des personnes décédées, à la demande de la partie à laquelle ils appartiennent ou à la demande de leur famille.

Les morts doivent être inhumés de manière respectueuse, et leurs tombes doivent être respectées et dûment entretenues.

Afin de permettre l’identification des morts, chaque partie au conflit doit enregistrer toutes les informations disponibles avant l’inhumation, et marquer l’emplacement des sépultures.

Chaque partie au conflit doit prendre toutes les mesures pratiquement possibles pour élucider le sort des personnes portées disparues par suite d’un conflit armé, et doit transmettre aux membres de leur famille toutes les informations dont elle dispose à leur sujet.

Résumé du cas d’étude

Entre 1992 et 1995, le conflit armé en Bosnie-Herzégovine a entrainé la disparition de dizaines de milliers de personnes, plongeant leurs familles dans l’incertitude quant à leur sort. Les discriminations dues aux origines ethniques du conflit avaient alors empêché de rechercher les disparus.

Depuis la fin des années 1990, le gouvernement de Bosnie-Herzégovine a pris des mesures sans précédent pour renforcer sa capacité à répondre au problème des personnes disparues. En coopération avec la Commission internationale pour les personnes disparues (ICMP) et le CICR, mais aussi d’autres organisations et avec les familles des disparus, il a créé un cadre législatif et institutionnel qui a permis d’identifier des milliers de personnes disparues en raison du conflit.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. En 2014 et grâce à l’aide du CICR, le gouvernement de Bosnie-Herzégovine a entériné la loi sur les personnes disparues. Cette loi a notamment permis :

    • d’établir l’Institut des personnes disparues (MPI), dont l’objectif est de rechercher et d’identifier les personnes portées disparues dans tout le pays, permettant ainsi de faire cesser les pratiques discriminantes consistant à rechercher les personnes en fonction de leur origine ethnique.
    • de mieux définir :
      • le droit des familles de connaitre le sort réservé à leur proche disparu

      • l’obligation des autorités d’élucider le sort des personnes portées disparues en fournissant des informations et apportant leur soutien aux activités de l’Institut.  

    • d’obtenir la création d’une base de données centralisée sur les personnes disparues afin d’accélérer le processus de recherche.

  2. L’Institut des personnes disparues a constitué une base de données centralisée sur les personnes disparues en coopération avec l’ICMP et d’autres organisations. Cette base de données a été finalisée en 2011.

  3. En août 2019, l’Institut a mis en ligne une autre base de données contenant les noms de 27 085 personnes officiellement disparues.

 

 

Ce cas pratique a été élaboré par Zuhra Aziz, James Pitman et Luke Anderson, étudiants Juris Doctor (J.D) à la faculté de droit de l’université d’Emory sous la supervision de Laurie Blank, professeure à la faculté de droit de l’université d’Emory.

 

A. RÉPONDRE À LA QUESTION DES PERSONNES DISPARUES PAR LE DÉVELOPPEMENT DES CAPACITÉS INSTITUTIONNELLES EN BOSNIE-HERZÉGOVINE

[Source : Commission internationale pour les personnes disparues, Bosnia and Herzegovina, [traduction CICR] disponible sur : https://www.icmp.int/where-we-work/europe/western-balkans/bosnia-and-herzegovina/]

 

Depuis 1996, la Commission internationale pour les personnes disparues a joué un rôle crucial en ce sens, en aidant la Bosnie-Herzégovine à développer ses capacités institutionnelles afin de répondre à la question des personnes disparues d’une manière qui ne soit pas discriminante, en élaborant une législation qui protège les droits des familles, en adoptant une approche médico-légale systématique (notamment par l’ADN) et en faisant respecter les procédures fondées sur l’état de droit qui ont permis de fournir des preuves aux cours nationales et au TPIY  [Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie]. Enfin, en encourageant la participation active des familles des disparus.

 

Les progrès de la Bosnie-Herzégovine sur cette question devraient être considérés comme intrinsèquement liés à une amélioration des politiques, qui ont incorporé des normes internationales en matière de capacités administrative et technique. Pour parvenir à ce résultat, il a fallu introduire de nouvelles procédures institutionnelles et législatives et favoriser la coopération. Ceci a été renforcé par la création de l’Institut des personnes portées disparues de Bosnie-Herzégovine (MPI) et celle du Registre central, mais également par l’adoption d’une législation relative aux personnes disparues et la création de mécanismes de coopération inter-institutionnels afin de répondre à la question des restes non identifiés de personnes décédées dans les morgues du pays, sous les auspices des cours nationales et des procureurs.

 

 

[…]

 

La loi sur les personnes disparues en BIH [Bosnie-Herzégovine], adoptée en 2004, constituait le premier texte législatif relatif aux personnes disparues à échelle mondiale et à l’initiative d’un pays ayant participé au conflit. Le texte prévoit un « droit de connaitre la vérité concernant le sort de ses proches disparus », de même que le droit d’être informé de l’avancement des recherches. Cela a aussi permis d’établir l’Institut des personnes portées disparues de Bosnie-Herzégovine (MPI), en tant qu’institution publique dont le mandat est de rechercher et d’identifier les personnes disparues sur l’ensemble du territoire bosniaque, pour mettre un terme à des pratiques discriminantes, qui fondaient la recherche des personnes disparues sur leur appartenance ethnique. Ce texte de loi a aussi permis de créer à la fois le Registre central sur les personnes disparues (CEN) et le Fonds pour les familles des disparus. La loi prévoyait également des dispositions pour sanctionner les individus ou institutions qui refusent de communiquer des renseignements relatifs au sort des personnes disparues.

 

[…]

 

L’élaboration d’une base de données commune pour le Registre central a été achevée en février 2011. Elle est composée de 12 bases de données distinctes, avec des renseignements sur les personnes disparues collectés par l’ancienne Commission fédérale de recherche des personnes disparues de la Fédération de Bosnie-Herzégovine, le Bureau de recherche des personnes détenues et disparues de la République de Serbie et la Commission d’État pour la recherche des personnes disparues. Elle s’est aussi appuyée sur les données du CICR et de la Commission internationale pour les personnes disparues.

 

L’achèvement du Registre central a impact à échelle régionale. En 2011, à la demande des autorités en Bosnie-Herzégovine, en Serbie, en Croatie, au Monténégro et au Kosovo, l’ICMP a commencé à recueillir les informations de tous les pays pour dresser une liste régionale unique de personnes portées disparues dans les Balkans de l’Ouest. Cette liste a pour objectif d’obtenir un nombre précis de personnes disparues dans ces pays. Elle aidera aussi à identifier les limites des instances chargées de rechercher les personnes signalées disparues dans bien des pays. En plus de ses résultats immédiats et concrets, la liste représente un accomplissement historique.

 

 […]

 

 B. BOSNIE-HERZÉGOVINE : LES FAMILLES DES DISPARUS NE BAISSENT PAS LES BRAS

[Source : CICR, Bosnie-Herzégovine : Les familles des disparus ne baissent pas les bras, 30 août 2013, disponible sur : https://web.archive.org/web/20221209090548/https://www.icrc.org/fr/doc/…]

 

 

[…]

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a toujours été associé au processus. Nous avons réussi à inclure un article dans l'accord de paix, qui oblige les anciennes parties belligérantes à contribuer à élucider le sort des personnes portées disparues au cours du conflit de 1992-1995. Le CICR a aidé les familles à se constituer en associations et a défendu leur droit de connaître le sort de leurs proches. Nous avons aussi créé un forum dans lequel les anciennes parties au conflit peuvent échanger des informations sur les disparus.

Le CICR a en outre apporté son soutien à une autre institution, la Commission internationale des personnes disparues, qui a donné naissance à l’Institut des personnes portées disparues (Missing Persons Institute – MPI). Nous avons également contribué à l’établissement de la loi de Bosnie-Herzégovine sur les personnes portées disparues, qui définit clairement le statut et les droits de leurs familles et l'obligation qui incombe aux autorités d’élucider le sort de toutes ces personnes en fournissant des informations et un appui au MPI.

Le MPI a reconnu l'importance des familles en créant un conseil consultatif de six représentants des 52 associations de familles des personnes portées disparues du pays. Ce conseil, dans lequel les différents groupes ethniques et régionaux sont largement représentés, incarne la voix des familles et assure la communication entre elles et le MPI. Le CICR continue d’apporter un soutien au conseil consultatif.

 […]

 

Les efforts déployés en Bosnie-Herzégovine pour faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues sont sans équivalent. Ils vont de l’établissement de définitions juridiques à l'identification de restes humains en passant par l’exhumation de fosses communes et de tombes individuelles. Des familles ont soumis au CICR des demandes de recherche concernant 22 438 personnes. Au total, 14 552 de ces familles ont reçu des informations, mais 7 886 sont toujours en quête de renseignements. Les exhumations sont un moyen important d'aider les familles à trouver une paix intérieure. Toutefois, le rythme auquel elles sont menées a considérablement ralenti l'année dernière. Sur les 12 derniers mois, seuls 650 ensembles de restes humains ont été identifiés, contre parfois jusqu’à 2 000 par an il y a quelques années. Le CICR et ses partenaires veillent à ce que la volonté politique d’apporter de nouvelles informations sur la localisation des tombes soit constante.

Un nouveau fichier central sur les personnes portées disparues a été établi pour accélérer le processus de recherche. D'aucuns voient dans ce type de registres les dernières preuves de l’existence de leurs proches ou un hommage à ceux qui sont morts et dont les restes n’ont pas encore été retrouvés.

 

C. SOUTENIR LA BOSNIE-HERZÉGOVINE DANS LA RECHERCHE DES DISPARUS

[Source : « Bosnie : une recherche exemplaire des disparus », JusticeInfo.net, 28 mai 2015, disponible sur : https://www.justiceinfo.net/fr/375-bosnie-une-recherche-exemplaire-des-disparus.html]

 

[…]

 

L’Organisation des Nations Unies, l’OTAN, l’OSCE, l’Union européenne ainsi qu’un certain nombre d’organisations humanitaires aussi bien locales qu’internationales se penchèrent tout particulièrement sur la situation de l’après-guerre en BiH et investirent des ressources importantes dans les efforts de reconstruction. Selon le FMI, l’aide extérieure par habitant pour la BiH est bien plus importante que celle allouée à tout autre pays européen après la seconde guerre mondiale (rien que durant la période allant de 1996 à 1999, la BiH a reçu 3.7 milliards de Dollars). […]

 

 

D. LA BOSNIE PUBLIE UNE BASE DE DONNÉES RECUEILLANT DES RENSEIGNEMENTS SUR 27 000 PERSONNES DISPARUES PENDANT LA GUERRE

[Source : Bosnia Publishes Database of 27,000 Wartime Missing Persons, par Albina Sorguc, 29 août 2019, [traduction CICR], disponible sur : https://balkaninsight.com/2019/08/29/bosnia-publishes-database-of-27000…]]

 

La base de données, qui contient environ 27 000 noms certifiés de personnes qui ont disparu pendant la guerre de 1992-1995, a été publiée à l’occasion de la Journée internationale des personnes disparues.

 

L’Institut des personnes portées disparues de Bosnie-Herzégovine a annoncé jeudi dernier la publication d’une nouvelle base de données contenant les noms de toutes les personnes dont on a établi la disparition jusqu’ici.

 

« Jusqu’à maintenant, 27 085 personnes disparues ont été identifiées », a déclaré Marko Jurisic, un membre du conseil d’administration de l’Institut des personnes portées disparues, lors d’une conférence à Sarajevo.

 

« On a extrait près de 25 500 restes de personnes décédées, alors que la recherche de 7 206 nouvelles personnes portées disparues poursuit son cours en Bosnie-Herzégovine », a-t-il ajouté.

 

Il a également souligné que cette année, une base de données régionale des personnes disparues avait également été créée, contenant les noms de 11 765 personnes, de Bosnie-Herzégovine, Croatie, Kosovo, Monténégro et Serbie.

 

« La base de données est active. Elle est mise à jour quotidiennement et devrait servir d’outil pour élucider le sort des personnes disparues dans la région », a-t-il affirmé.

 

 […]

 

Discussion

 

I. Qualification de la situation et droit applicable

1. Comment qualifieriez-vous le conflit en Bosnie-Herzégovine entre 1991 et 1995 ? S’agissait-il d’un conflit armé ? Quelles étaient les parties au conflit ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG I-IV, art. 2, art. 3 ; PA I, art. 1 ; PA II, art. 1)

 

II. Identification des personnes disparues

2.      Conformément au DIH, quelles sont les responsabilités qui incombent aux parties au conflit concernant les personnes disparues ? (PA I, art. 33 ; CG IV, art. 26 ; DIHC, règle 117)

3.      Quels sont les droits des familles de disparus en vertu du DIH ? Ont-elles le droit de connaitre le sort de leurs proches ? (PA I, art. 32 ; DIHC, règle 117)

4.      Que doit-on faire des restes des personnes qui sont décédées ? À qui faut-il les retourner ? Ces règles s’appliquent-elles également en cas de conflit armé non international ? (CG I, art. 15, 16, 17 ; CG III, art. 120 ; CG IV, art. 16, 129, 130 ; PA I, art. 34 ; PA II, art. 8 ; DIHC, règles 112, 113, 114, 115 et 116)

 

III. Élément contribuant au respect du DIH

5.      (Document A) En quoi la Commission internationale pour les personnes disparues (ICMP) a-t-elle joué un rôle important pour soutenir le développement des capacités institutionnelles en Bosnie-Herzégovine permettant de mettre en place un programme visant à identifier les personnes disparues ?

6.      (Document B) De quelle façon les citoyens bosniaques ont-ils influencé les mesures prises pour trouver et identifier les disparus ? Quelle fut l’aide apportée par le CICR à la population pour renforcer son droit à connaitre le sort des personnes disparues ?

7.      (Documents B et C) Selon vous, l’identification des personnes disparues contribue-t-elle au processus de réconciliation dans la région ? Si oui, aurait-elle pu en partie expliquer la volonté de la Bosnie-Herzégovine de respecter le DIH ?

8.     (Document C) L’investissement de ressources de la part Nations Unies, de l’OTAN, de l’OSCE, de l’Union européenne et d’autres organisations a-t-il pu avoir une influence pour que la Bosnie-Herzégovine respecte ses obligations conformément au DIH, y compris en matière d’identification des personnes portées disparues ?