Libye : apporter une aide humanitaire dans le sud du pays

Apporter une aide humanitaire en Libye : 2016

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Les parties au conflit doivent autoriser et faciliter le passage rapide et sans encombre de secours humanitaires destinés aux personnes civiles dans le besoin, sans aucune distinction de caractère défavorable, sous réserve de leur droit de contrôle.

Les parties au conflit doivent assurer au personnel de secours autorisé la liberté de déplacement essentielle à l’exercice de ses fonctions. Ses déplacements ne peuvent être temporairement restreints qu’en cas de nécessité militaire impérieuse. 

Résumé du cas d’étude

Le Fezzan, une région reculée dans le sud-ouest de la Libye, est peuplée de différents groupes ethniques et tribaux. Des affrontements entre les forces armées et des groupes armés non étatiques rivalisant pour le contrôle des ressources, du territoire et du trafic aux frontières, ont entrainé une forte augmentation des activités criminelles et de l’insécurité. Dans un tel contexte, les services de santé n’ont pas été en mesure de s’approvisionner pour dispenser les soins nécessaires, ce qui a contribué à engendrer une situation humanitaire catastrophique.

En juin 2016, la Communauté de Sant’Egidio, une organisation internationale non-gouvernementale, a réuni des représentants de groupes ethniques et politiques du Fezzan, qui se sont engagés à coopérer pour faciliter la délivrance de l’aide humanitaire en toute sécurité dans la région. Ainsi, le personnel humanitaire a été en mesure d’approvisionner un des principaux hôpitaux du Fezzan en fournitures médicales essentielles.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. Le 16 juin 2016, reconnaissant la nécessité de répondre à la crise humanitaire, des représentants de tous les groupes ethniques et politiques du Fezzan ont signé un accord, avec l’intermédiaire de la Communauté de Sant’Egidio. Les signataires se sont engagés :
    • à faciliter la délivrance d’une aide humanitaire essentielle à tous habitants du Fezzan « sans distinction », en garantissant que les organisations humanitaires pourraient travailler en toute sécurité
    • à coopérer pour obtenir le soutien nécessaire des autorités libyennes, de la communauté internationale et d’organisations humanitaires, afin d’apporter une aide humanitaire au Fezzan
    • à faciliter, en premier lieu, la délivrance d’une aide de toute urgence à huit centres médicaux, en considérant que cela permet d’instaurer un climat de confiance entre les parties et renforcer la coopération pour de futures initiatives humanitaires.
  2. Grâce à l’accord et à la coopération efficace entre les autorités libyennes, la Communauté Sant’Egidio et le Programme alimentaire mondial, en juillet, une première cargaison de fournitures médicales a été délivrée en toute sécurité à un des principaux hôpitaux du Fezzan.

Ce cas pratique a été élaboré par Clara Delarue, Claudia Langianese, Giovanni Medici Tornaquinci et Eleanor Umeyor, étudiants en droit (LL.M) à l’université de Rome III, sous la supervision de Giulio Bartolini (professeur de DIH), Tommaso Natoli et Alice Riccardi (assistants de recherche) de la clinique de DIH de l’université de Rome III.

 

A. LIBYE : ACCORD HUMANITAIRE POUR LE FEZZAN SIGNÉ À SANT’EGIDIO LE 16 JUIN 2016

[Source : Communauté de Sant’Egidio, « Libye : signature à Sant’Egidio d’un accord humanitaire entre tous les groupes politiques et ethniques du sud du pays », 18 juin 2016, [traduction CICR] disponible sur : http://www.santegidio.org/pageID/1165/langID/it/itemID/860/Libia-L-accordo-umanitario-per-il-Fezzan-firmato-a-Sant-Egidio-il-16-giugno-2016.html]

 

Accord humanitaire pour le Fezzan et la Libye

Sant’Egidio, Rome, 16 juin 2016

 

[...]

 

Nous, fils et filles du sud de la Libye, réunis à Rome par la Communauté de Sant’Egidio, signataires du présent document, ayant à l’esprit la situation tragique dans laquelle se trouve l’ensemble de la population libyenne, nous déclarons particulièrement préoccupés par la souffrance de la population du Fezzan et la dégradation de la situation humanitaire.

 

À cet égard, nous ferons tout notre possible, en œuvrant dans l'unité, pour faciliter la distribution de l’aide d’urgence à l’ensemble des habitants, sans exclusion, conformément au principe de justice et sans distinction aucune, tout en donnant priorité aux populations les plus fragiles, telles que les femmes, les enfants et les personnes âgées.

 

La première étape essentielle est d’acheminer une aide d’urgence jusqu’aux centres de santé dans les villes de Oubari, Burak ash-Shati, Traghen, Sebha, Ghat, Al Gatrun, Murzuq et Hun. Nous nous chargerons des travaux et du suivi nécessaires pour garantir que tous les habitants en bénéficient. Nous nous proposons d’intervenir en tant qu'intermédiaires, pour susciter l’attention des autorités libyennes, de la communauté internationale, des institutions, des organismes humanitaires et des pays donateurs sur les besoins de ces centres. Conscients de l’importance de cette première étape visant à instaurer un climat de confiance pour la coordination entre les villes et les tribus, nous sommes déterminés à identifier les étapes et initiatives successives qui permettront d’alléger les souffrances de la population.

 

Nous saluons le rôle joué par la Communauté de Sant’Egidio dans la médiation et l’organisation d’un dialogue approfondi et transparent, et sommes reconnaissants de l’opportunité qui nous a été donnée d’établir la confiance nécessaire pour coordonner nos efforts afin de parvenir à la réconciliation entre les différentes villes et tribus du sud de la Libye. Nous sommes également sensibles à l’engagement de la Communauté de Sant’Egidio à poursuivre ces efforts jusqu’au rétablissement d’une pleine stabilité et d’une paix durable en Libye. [...]

 

B. LIBYE : ARRIVÉE DE L’AIDE HUMANITAIRE DE SANT’EGIDIO DANS LA RÉGION DU FEZZAN

[Source : ONU Italia, « Libya: Sant’Egidio, Humanitarian aids reaches the Fezzan region », 4 juillet 2016, [traduction CICR] Lien indisponbile]

 

Oubari (Libya), 4 juillet – Un premier conteneur de médicaments est arrivé à l’hôpital d’Oubari, dans les zones reculées du sud-ouest de la Libye, suite à l’accord humanitaire signé le 18 juin au siège de Sant’Egidio, à Rome, par des activistes et politiciens du Fezzan et des représentants de différentes tribus de la région.

 

Les médicaments ont pu être acheminés grâce à la coopération entre la Communauté de Sant’Egidio, le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, ainsi que le Programme alimentaire mondial à Brindisi. L’hôpital d’Oubari fournit des soins à 100 000 patients et demeure une infrastructure essentielle pour les populations de l’ensemble de la province.

 

Selon les informations publiées sur le site de la Communauté, de nouvelles expéditions sont prévues pour approvisionner d’autres hôpitaux de la région ayant besoin de toute urgence de médicaments et de matériel médical. L’accord relatif à l’approvisionnement de l’aide a été signé le 18 juin au siège de « la petite ONU du Trastevere » : l’objectif était de garantir, pour la première fois, une présence de la coopération italienne, […] et de certaines ONG dans la région du Fezzan, zone de transit pour les migrants en route vers l’Europe.

 

[…]

 

Discussion

 

I. Qualification de la situation et droit applicable

1. Comment qualifieriez-vous la situation en Libye en 2016 ? De quelles informations supplémentaires avez auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG I-IV, art. 3 ; PA II, art. 1)

2. L’existence d’un conflit armé est-elle importante pour déterminer si le DIH a été respecté dans ce cas précis ?

 

II. Aide humanitaire

3. Les parties au conflit ont-elles l’obligation de fournir une assistance humanitaire aux populations civiles en période de conflit armé ? Si tel est le cas, cette obligation dépend-elle de la qualification du conflit ? Le DIH impose-t-il aux parties au conflit d’autoriser l’aide d’organisations telles que la Communauté de Sant’Egidio, pour permettre aux civils d’avoir accès à une aide humanitaire ? Est-il toujours nécessaire pour ces acteurs d’obtenir le consentement de l’État avant de fournir une assistance ? Les populations civiles bénéficient-elles du droit à l’assistance humanitaire ? (CG I-IV, art. 3 ; CG IV, art. 23 ; PA I, art. 70 ; PA II, art. 18 ; DIHC, règle 55)

4. Quels types d’activités relèvent de la notion d’aide humanitaire, et qu’est-ce qu’il est possible de fournir aux populations dans le besoin ? (CG I-IV, art. 3 ; CG IV, art. 23 ; PA I, art. 70 ; PA II, art. 18 ; DIHC, règle 55)

5. Quel est le rôle des organisations humanitaires impartiales en vertu du DIH ? Quelles activités peuvent être menées en période de conflit armé ? L’accès à l’aide humanitaire inclut-il également la liberté de circulation du personnel des organismes de secours humanitaires à l’intérieur des territoires concernés ? Dans l’affirmative, cette liberté peut-elle être restreinte ? Sous quelles conditions ? (CG IV, art. 10 ; DIHC, règle 56)

 

III. Éléments contribuant au respect du DIH

6. Quel est l’objectif de l’accord humanitaire conclu avec le concours de la Communauté de Sant’Egidio ? Selon vous, les organisations humanitaires peuvent-elles jouer un rôle pour promouvoir le respect du DIH ? De quelle manière ?

7. Quel rôle les dirigeants locaux et les chefs tribaux peuvent-ils jouer vis-à-vis des autorités nationales en vue de faciliter l’accès aux victimes dans les zones sous leur contrôle ? Êtes-vous d’accord avec l'affirmation selon laquelle un accord humanitaire peut conduire à un meilleur respect des autres dispositions du DIH par les parties au conflit ?

8. (Document A) D’après vous, le respect du DIH qu'on peut observer dans cette situation, avec une facilitation de l’acheminement de l’aide humanitaire, peut-il contribuer au processus de réconciliation nationale ? Comment décririez-vous le lien entre respect du DIH et processus de paix ?

9. (Document B) À votre avis, quels peuvent être les avantages à concevoir des programmes d’assistance avec l’appui d’un organisme tel que le Programme alimentaire mondial des Nations Unies ou d’un État tiers non partie au conflit ? Une telle coopération fait-elle une différence en termes d’efficacité ?