Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :
La privation arbitraire de liberté est interdite.
Les personnes privées de leur liberté en relation avec un conflit armé non international doivent être libérées dès que les causes qui ont motivé leur privation de liberté cessent d’exister. La privation de liberté de ces personnes peut se poursuivre si des procédures pénales sont en cours à leur encontre ou si elles purgent une peine qui a été prononcée dans le respect de la loi.
À la cessation des hostilités, les autorités au pouvoir doivent s’efforcer d’accorder la plus large amnistie possible aux personnes qui auront pris part à un conflit armé non international ou qui auront été privées de liberté pour des motifs en relation avec le conflit armé, à l’exception des personnes soupçonnées ou accusées de crimes de guerre ou condamnées pour crimes de guerre.
Résumé du cas d’étude
Entre 1996 et 2006, le gouvernement népalais a été partie à un conflit armé l’opposant au Parti communiste du Népal maoïste (PCN-M), ce qui a donné lieu à des centaines d’arrestations.
Après plusieurs tentatives échouées d’instaurer un dialogue de paix et des manifestations contre le gouvernement, un changement de gouvernement en avril 2006 a permis de reprendre les négociations pour garantir une paix durable. Avant les discussions, le gouvernement népalais a libéré des centaines de membres du PCN-M et certains de leurs partisans qui avaient été placés en détention pendant le conflit.
Respect du DIH : les points à retenir
1.En 2003, dans le but de relancer les négociations pour la paix qui avaient été stoppées, le gouvernement népalais a libéré trois membres haut-placés du PCN-M qui avaient été faits prisonniers, répondant ainsi à la condition imposée par celui-ci pour reprendre le dialogue de paix.
2. En février 2006, la Cour Suprême du Népal a ordonné au gouvernement de libérer 37 prisonniers politiques, au motif que leur détention était illégale.
3. Avant de nouvelles négociations avec le PCN-M en mai et juin 2006, le nouveau gouvernement népalais a libéré des centaines de personnes placées en détention par le précédent gouvernement, après avoir abandonné toutes les charges à leur encontre.
4. Dans le cadre des négociations pour la paix, le gouvernement et le PCN-M ont signé un Code de conduite pour un cessez-le-feu et les parties ont réitéré leur engagement à faire respecter les principes et les normes fondamentales relatives au DIH et aux droits de l’homme. Elles se sont engagées à abandonner toutes les charges à l’encontre des détenus et à les libérer.
Ce cas d’étude a été élaboré par Pierpaolo Castiglioni, Yiota Constantinidi et Fiammetta Ferioli, étudiants en droit (LL.M.) à l’Université Rome III, sous la supervision de Giulio Bartolini (professeur) et de Tommaso Natoli (assistant de recherche) de la Clinique de DIH de l’Université Rome III ; avec le concours de Jemma Arman et d’Isabelle Gallino, étudiantes en droit (LL.M.) à l’Académie de Genève.
A. LE NÉPAL LIBÈRE DES HAUTS RESPONSABLES DU MOUVEMENT REBELLE
[Source : « Nepal frees rebel leaders », 29 juillet 2003, BBC News, [traduction CICR] disponible sur http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/3107275.stm]
Les autorités népalaises ont annoncé avoir libéré trois responsables maoïstes dans l’espoir de convaincre les rebelles de prendre à nouveau part aux négociations pour rétablir la paix.
La libération de ces trois individus était une condition non négociable des rebelles, communiquée lundi dernier dans un ultimatum. Un porte-parole du gouvernement a indiqué que les maoïstes devraient désormais revenir à la table des négociations, qui ont été interrompues en mai.
Les rebelles ont également demandé des renseignements sur le sort de leurs camarades disparus et un recul du déploiement de l’armée.
Kamal Thapa, le négociateur du gouvernement et ministre de premier plan, a exclu la demande visant à faire reculer l’armée ou l’abandon d’un accord de lutte contre le terrorisme conclu avec les États-Unis.
Mais il a affirmé qu’il n’y aurait pas de nouvelle offensive de l’armée contre les rebelles.
Un franc-parler
L’identité des trois rebelles libérés a été établie, il s’agit de Rabindra Sheshtra, Bamdev Chhetri et Mumaram Khanal.
Il n’y a pas encore eu de réaction officielle des rebelles à la libération des prisonniers.
Le gouvernement souhaite que les maoïstes reviennent à la table des négociations pour rétablir la paix d’ici la mi-août.
Dans son ultimatum de lundi, le négociateur en chef des rebelles, Baburam Bhattarai, a fixé au 31 juillet le délai pour que le gouvernement réponde aux demandes des rebelles.
[…]
Les négociations pour rétablir la paix entre le gouvernement et les rebelles maoïstes s’étaient interrompues en mai, après deux rencontres.
Un cessez-le-feu a été convenu en janvier pour tenter de mettre un terme au conflit armé qui dure depuis sept ans et qui a coûté la vie à au moins 7 000 personnes.
B. LA COUR NÉPALAISE ORDONNE LA LIBÉRATION DES DÉTENUS
[Source : « Nepal court orders release of detainees », 18 février 2006, StarNews Online, [traduction CICR] disponible sur https://eu.starnewsonline.com/story/news/2006/02/18/nepal-court-orders-release-of-detainees/30257575007/]
La Cour Suprême du Népal a enjoint vendredi au gouvernement royaliste de libérer 37 détenus politiques qui s’opposaient au régime du roi. De leur côté, les rebelles communistes ont libéré deux hauts responsables qui avaient été kidnappés lors d’une importante offensive de l’armée dans le sud-ouest.
Les politiciens libérés ont déclaré que la décision de la cour était une « victoire pour la démocratie » et se sont engagés à intensifier leur campagne contre le Roi Gyanendra, qui s’est emparé du pouvoir en février 2005.
Les juges ont décrété qu’ils n’avaient pas trouvé de motif légitime justifiant ces détentions et ont demandé au gouvernement de libérer immédiatement les prisonniers.
Les détenus libérés vendredi incluaient des membres haut-placés des sept partis politiques ayant formé une alliance pour encourager la démocratie dans cette nation de l’Himalaya. Treize d’entre eux ont comparu devant la cour, tandis que les autres ont été libérés des différents centres de détention de Katmandou, la capitale.
« Il s’agit d’une victoire pour les personnes qui croient en la démocratie. Nous poursuivrons notre lutte pour la démocratie et reprendront immédiatement notre mouvement », a déclaré Raghuji Pant, du Parti communiste du Népal.
Raghuji Pant a été arrêté lors d’une opération policière, le 1er février, alors que le gouvernement tentait de déjouer l’objectif de l’opposition visant à boycotter et à perturber le déroulé des élections municipales, prévues le jour même.
Des centaines de personnes ont été incarcérées depuis que le roi a pris le pouvoir et déclaré l’état d’urgence, affirmant agir pour réprimer la rébellion maoïste et rétablir l’ordre dans un pays en proie au chaos politique.
Les rebelles, qui disent s’inspirer du révolutionnaire chinois Mao Zedong, se sont battus pendant dix ans pour établir un État communiste au Népal.
Les prisonniers ont été détenus pendant des durées allant de quelques jours à plusieurs mois.
Ces dernières semaines, les autorités ont arrêté un certain nombre de politiciens et d’activistes, dans le cadre de la répression des rassemblements par le gouvernement. Bon nombre d’entre eux ont été libérés la semaine dernière, grâce à des actions en justice déposées par des associations de défense des droits de l’homme.
C. DES REBELLES NÉPALAIS LIBÉRÉS DE PRISON
[Source : « Nepalese rebels freed from jail »,13 juin 2006, BBC News, [traduction CICR] disponible sur : http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/5075594.stm]
Le gouvernement népalais a commencé à libérer des rebelles maoïstes détenus en vertu d'une loi antiterroriste controversée.
Cette démarche fait suite à la décision de lundi d’abandonner les charges contre eux et de ne pas renouveler la législation.
La loi visait les rebelles maoïstes qui étaient considérés comme des terroristes par les gouvernements précédents.
Le nouveau gouvernement du Népal a commencé négocier avec les rebelles en faveur de la paix après que des mouvements massifs de protestation ont contraint le Roi Gyanendra à céder le pouvoir à une coalition de l’opposition, en avril dernier.
« Longue vie à la république ! »
Plus de 60 rebelles sont ressortis libres d’une prison de haute sécurité dans la banlieue de Katmandou, a annoncé l’agence de presse Reuters.
Ils ont été accueillis par des foules d’amis et de parents portant des colliers de fleurs.
[…]
Le porte-parole du Ministère de l’Intérieur, Banan Prasad Naupani, a déclaré à la BBC que les prisonniers - la plupart étant des membres de rang inférieur du mouvement maoïste - ont été libérés des prisons dans tout le pays.
Il a affirmé que le nombre exact de détenus libérés n’avait pas encore été communiqué.
Sushil Sharma, de la BBC à Katmandou, a annoncé que plus de 300 rebelles devraient être libérés suite à la décision du gouvernement.
Ces libérations ont lieu juste avant un deuxième cycle de négociations qui devraient rapidement commencer, selon le gouvernement et les rebelles.
Environ 700 prisonniers maoïstes, y compris de hauts responsables détenus en vertu d’une autre loi, ont été libérés avant le premier cycle de négociations le mois dernier.
D. LE CODE DE CONDUITE POUR UN CESSEZ-LE-FEU A FAIT L’OBJET D’UN ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT NÉPALAIS ET LE PCN (MAOISTE) LE 25 MAI 2006 À GOKARNA
[Source : « The Code of Conduct for Ceasefire agreed between the Government of Nepal and the CPN (Maoist) on 25 May 2006 at Gokarna », 25 mai 2006, [traduction CICR] disponible sur https://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/NP_060525_25%20Point%20Ceasefire%20Code%20of%20Conduct.pdf]
Préambule
[...]
Demeurant attachés à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et aux principes et normes fondamentaux relatifs au droit international humanitaire et aux droits de l’homme ;
[…]
Le Code de Conduite ci-après a été rédigé en vertu de la volonté du peuple népalais de faire du cessez-le-feu entre le gouvernement népalais et le PCN (maoïste) un accord de paix permanent et de résoudre la question de manière pacifique lors des négociations.
[...]
16. Retirer les chefs d’accusation, abandonner les poursuites et les affaires intentées à l’encontre de divers individus par les deux parties et libérer les détenus progressivement.
[...]
19. Restituer les biens qui ont été saisis, confisqués ou dont l’utilisation a été interdite pendant le conflit, appartenant à des dirigeants et des membres de partis politiques et à la population en général, aux personnes et familles concernées et les autoriser à en faire usage. Résoudre les problèmes, par le biais d’un accord mutuel, susceptibles de survenir lors de la restitution des biens.
[...]
Discussion
I. Qualification de la situation et droit applicable
1. Comment qualifieriez-vous la situation entre les maoïstes et le gouvernement du Népal ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG I-IV, art. 3 ; PA II, art. 1)
2. Quand un conflit armé non international prend-il fin ?
II. Détention dans le cadre de conflits armés non internationaux
3. Le DIH réglemente-il la détention dans le cadre de conflits armés non internationaux ? Sur quels fondements une personne peut-elle être détenue ? Quand doit-elle être libérée ? (CG I-IV, art. 3 ; PA II, art. 5 ; DIHC, Règle 128)
4. Lors d’un conflit armé non international, les personnes peuvent-elles être poursuivies par l’État pour leur simple participation aux hostilités ? L’État est-il tenu d’accorder une amnistie aux personnes qui participent aux hostilités ? (PA II, art.6, par. 5 ; DIHC, Règle 159)
5. Le principe de l’Habeas Corpus doit-il être respecté lorsque l’État détient une personne dans un conflit armé non international ? (Principes en matière de procédure et mesures de protection pour l’internement/la détention administrative dans le cadre d’un conflit armé et d’autres situations de violence, Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 87, n° 858, Sélection française, 2005)
III. Éléments contribuant au respect du DIH
6. Selon vous, quel est le lien entre les négociations en faveur de la paix et le respect du DIH dans ce cas pratique ? Les négociations en faveur de la paix peuvent-elles générer le respect du DIH et inversement ?
7. Qu’est-ce qui pourrait inciter un État à accorder des amnisties aux personnes qui ont participé aux hostilités, mais qui n’ont commis aucun crime de guerre par ailleurs ? Pourquoi l’octroi d’amnisties serait-il si nécessaire pour les groupes armés non étatiques à la fin des hostilités ? Comment les négociations en faveur de la paix peuvent-elles encourager l’amnistie ?
8. Quel rôle le système judiciaire peut-il jouer pour garantir le respect du DIH en milieu carcéral ? Pourquoi le système judiciaire est-il en principe bien placé pour assumer cette fonction ? Quelles sont ses limites ? Quelles qualités le système judiciaire doit-il avoir pour assumer efficacement cette fonction ?