Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :
Les personnes civiles et les personnes hors de combat doivent être traitées avec humanité.
Les personnes privées de liberté doivent se voir fournir de la nourriture, de l’eau et des vêtements en suffisance, ainsi qu’un logement et des soins médicaux convenables.
Dans les conflits armés non internationaux, le CICR peut offrir ses services aux parties au conflit afin de visiter toutes les personnes privées de liberté pour des raisons liées au conflit, dans le but de vérifier leurs conditions de détention et de rétablir le contact entre ces personnes et leur famille.
Les personnes privées de liberté doivent être autorisées à entretenir une correspondance avec leur famille.
Les personnes privées de liberté doivent être autorisés, dans la mesure du possible, à recevoir des visites.
Les personnes privées de leur liberté en relation avec un conflit armé non international doivent être libérées dès que les causes qui ont motivé leur privation de liberté cessent d’exister. La privation de liberté de ces personnes peut se poursuivre si des procédures pénales sont en cours à leur encontre ou si elles purgent une peine qui a été prononcée dans le respect de la loi.
Résumé du cas d’étude
Aux Philippines, le conflit armé entre le gouvernement des Philippines et la Nouvelle Armée Populaire (NPA), un groupe armé non étatique affilié au Parti communiste des Philippines et à son organe politique, le Front National Démocratique des Philippines (NDFP), est ancien. Il est arrivé que des membres des forces armées et de police soient faits prisonniers par la NPA.
En 1998, les parties au conflit ont convenu officiellement de respecter les droits humains et les principes du DIH. La NPA a soigné les personnes qui avaient été placées en détention en raison du conflit, conformément à l’accord de 1998 et, en 1999 et en 2004, elle a libéré plusieurs détenus, faisant vraisemblablement acte de bonne foi dans l’objectif de reprendre les négociations de paix qui avaient été stoppées.
Respect du DIH : les points à retenir
- En 1998, en vertu de « l’Accord global de 1998 sur le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire », le gouvernement des Philippines et la NPA ont pris l’engagement de traiter toutes les personnes détenues en raison du conflit avec humanité et à leur fournir une nourriture suffisante, un accès à l’eau potable, à la santé, à l’hygiène et à la sécurité.
- En avril 1999, après des négociations permises par l’intermédiaire d’une mission humanitaire indépendante, la NPA a libéré cinq détenus.
- En 2004, le CICR a rappelé à la NPA les obligations lui incombant en vertu du DIH, suite à quoi la NPA a libéré quatre membres des forces armées des Philippines. La NPA a assuré avoir traité les prisonniers de guerre conformément au droit applicable en leur apportant « une attention médicale régulière » et en les traitant « avec humanité ».
Ce cas d’étude a été élaboré par Enrica Giunta, Ada Seelinger et Nina Steinmetz, étudiantes à l’université de Rome III, sous la supervision de Giulio Bartolini (professeur), Laura Di Gianfrancesco (doctorante) de la clinique juridique de DIH de l’université de Rome III.
A. SÉRIE DE LIBÉRATIONS DE PERSONNES DÉTENUES PAR LA NOUVELLE ARMÉE POPULAIRE
[Source : Philippine Peace Center, « The GRP-NDFP Peace Negotiations - Historical Overview », [traduction CICR], lien non disponible]
Le conflit armé entre le gouvernement philippin et le Front National Démocratique des Philippines fait rage depuis plus de quatre décennies. Le 26 décembre 1968, le Parti communiste des Philippines (PCP) a été rétabli dans l’objectif assumé de prendre le pouvoir en passant par une guerre populaire prolongée, entrainant la mise en place d’un État démocratique populaire et d’une société socialiste. Le PCP a créé la Nouvelle Armée populaire (NPA), sa branche militaire, en mars 1969 et le Front National Démocratique des Philippines (NDF ou NDFP) en 1973, une vaste alliance d’organisations de masse luttant pour la liberté nationale et la démocratie. […]
Le Président du GRP [gouvernement de la République des Philippines], le président Estrada, a suspendu les négociations officielles de façon unilatérale […] en février 1999, après que la Nouvelle Armée populaire (NPA) a capturé et fait prisonnier quatre membres des forces armées des Philippines puis de la Police nationale à Mindanao et Bicol : le Général Obillo et le Major Montealto dans le Davao du Nord, le P/Major Bernal dans la région de Bicol et le sergent Lozada dans la province du Surigao du Sud.
Entre le 9 et le 27 avril 1999, le NDFP a libéré cinq membres des forces armées des Philippines et de la Police nationale (les quatre agents susmentionnés et un agent du renseignement de l’Armée des Philippines, le sergent Wilfredo Demol, qui avait été arrêté par la NPA une année auparavant), pour prouver sa bonne foi, restaurer la confiance et pour des raisons humanitaires.
[…]
[Source : UCA News, « Release Of Captives Rekindles Hopes Of Peace Talks », 13 avril 1999, [traduction CICR] disponible sur https://www.ucanews.com/story-archive/?post_name=/1999/04/13/release-of-captives-rekindles-hopes-of-peace-talks&post_id=13431]
[…]
La Nouvelle Armée populaire (NPA) dirigée par les communistes a libéré l’inspecteur-chef de police Roberto Bernal et le sergent Alipio Lozada, ravivant l’espoir que le dialogue en faveur de la paix instauré avec le gouvernement puisse reprendre.
Les deux captifs ont été libérés séparément et remis à une délégation dirigée par [un] représentant du Comité international de la Croix-Rouge […].
Il était prévu que Roberto Bernal, arrêté le 20 février [1999], soit le premier des cinq prisonniers de la NPA à être libéré. Il a été relâché le 9 avril à 7h00 du matin à El Retiro Retreat House, à Sorsogon, à 370 kilomètres au sud-est de Manille.
Roberto Bernal a passé des examens médicaux et s’est entretenu avec Romeo Capulong, consultant juridique du Front National Démocratique, un groupe ancré à gauche. Il a ensuite vu d’autres personnes, dont sa femme, l’une de ses filles, l’évêque Jesus Varela de Sorsogon et la sénatrice Loren Legarda.
Alipio Lozada, capturé le 5 mars, a été libéré le 11 avril à 15h30 dans le village de Diacogon, à Llanga, dans la province du Surigao du Sud, à 800 kilomètres au sud-est de Manille. Il a été accueilli par Loren Legarda et l’évêque rédemptoriste Ireneo Amantillo de Tandag.
[…]
Les libérations ont été négociées lors de discussions s’étant tenues aux Pays-Bas entre des leaders de gauche en exil et une mission humanitaire indépendante dirigée par l’archevêque Fernando Capalla de Davao et l’évêque Wilfredo Manlapaz de Tagum. Elles étaient conditionnées à une interruption des opérations militaires pour libérer les hommes.
Alipio Lozada, qui a déclaré avoir été bien traité par ses ravisseurs, a été transporté dans un camp de l’armée dans la ville de Cagayan de Oro pour passer des examens médicaux et témoigner de ce qu’il avait vécu.
[…]
[Source : Philstar, « Two NPA captives freed in Bicol », 19 avril 2004, [traduction CICR], disponible sur : https://www.philstar.com/headlines/2004/08/19/261824/two-npa-captives-freed-bicol ]
[…] Les deux soldats qui étaient détenus par la Nouvelle Armée populaire (NPA) communiste à Bicol depuis cinq mois ont finalement été relâchés hier, après plus de trois semaines de négociations pour obtenir leur libération.
Le porte-parole de la NPA, Gregorio Rosal, a déclaré que le 1er lieutenant de l’armée Ronaldo Fidelino et le Pfc. Ronel Nemeño, appartenant tous les deux au 452e bataillon d’infanterie, ont été libérés après que la police et l’armée ont signé un accord pour suspendre les opérations de lutte contre l’insurrection pendant 10 jours dans les provinces d’Albay et de Camarines du Sud.
[…]
Les deux soldats ont été officiellement remis par la NPA au négociateur de paix en chef du gouvernement, Silvestre Bello III, lors d’une simple cérémonie qui s’est tenue hier vers 17h50 à Tanauan.
[…]
De son côté, Gregorio Rosal a indiqué que la libération de Ronaldo Fidelino et Ronel Nemeño était prévu dans le cadre de l’accord conclu entre la délégation en charge des négociations pour le gouvernement philippin et le NDF.
« Le processus de libération des PG (prisonniers de guerre) a été convenu entre la délégation en charge des négociations pour le gouvernement et le Front National Démocratique des Philippines », a déclaré Gregorio Rosal.
Les deux soldats ont été arrêtés dans la province de Camarines Sud le 1er mars à la suite d’un différend. Au départ, le gouvernement avait refusé de négocier leur libération malgré le dialogue de paix en cours.
Un acte de bonne foi
La présidente Arroyo a affirmé que la libération des deux soldats par la NPA était de bon augure et redonnait confiance dans les deux camps, afin de poursuivre le dialogue en faveur de la paix.
« Je remercie Dieu car ces soldats sont sains et saufs et leurs proches ont à nouveau la conscience tranquille », a déclaré Mme Arroyo.
« Nous devons continuer à surmonter les obstacles à la paix grâce au dialogue et en construisant la confiance, tout en essayant de panser les blessures du passé et de poursuivre notre travail en cette période d’incertitude », a-t-elle déclaré.
Mme Arroyo a reconnu que la libération de Ronaldo Fidelino et Ronel Nemeño constituait l’apogée des « efforts patients » consentis dans les deux camps afin de surmonter les obstacles à la paix nationale et à l’unité.
Le porte-parole présidentiel, Ignacio Bunye, a déclaré que la libération des deux soldats augmenterait sûrement les chances de reprendre le dialogue de paix en Norvège, qui étaient à l’origine prévus plus tard ce mois-ci.
Le ministre de la Défense, Eduardo Ermita, a également affirmé que la libération des soldats pourrait être une « mesure visant à redonner confiance » afin de pouvoir reprendre les discussions pour la paix.
[…]
« Cela doit être considéré comme une étape positive dans l’avancée des discussions officielles en faveur de la paix », a déclaré Gregorio Rosal.
Gregorio Rosal a souligné que Ronaldo Fidelino et Ronel Nemeño avaient été traités avec humanité par la NPA en tant que « prisonniers de guerre » pendant leur détention qui a duré cinq mois.
Gregorio Rosal a déclaré que les guérillas de la NPA, placés sous le commandement de Romulo Jallores, avaient respecté les droits fondamentaux des deux soldats en tant que prisonniers de guerre, conformément aux « politiques du mouvement rebelle, aux lois du gouvernement révolutionnaire populaire, à l’Accord global sur le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire (ACRDHDIH), aux considérations humanitaires et aux règles internationales de la guerre. »
Il a ajouté que Ronaldo Fidelino et Ronel Nemeño avaient même reçu « une attention médicale régulière et avaient été traités avec humanité. »
[…]
[Source : CICR, « Philippines : deux détenus libérés sous les auspices du CICR », 19 août 2004, disponible à la p. 209, https://library.icrc.org/library/docs/DOC/CDP_2004_FRE.pdf]
Le 18 août, en sa qualité d'intermédiaire neutre, le CICR a facilité la libération de deux membres des Forces armées de Philippines (AFP) retenus par la Nouvelle Armée du peuple (NPA) depuis le 1er mars 2004.
Les deux détenus ont été remis par la NPA dans la province de Camarines del Sur à des délégués du CICR qui les ont ensuite escortés à travers le territoire qui sépare les forces de la NPA et de l'AFP. Ils ont été ultérieurement remis par le CICR à des représentants du gouvernement philippin.
La délégation du CICR aux Philippines a pris des contacts avec la NPA au début mars pour lui rappeler les obligations qui lui incombent au titre du droit international humanitaire et pour lui faire part de sa préoccupation au sujet des conditions de traitement des détenus.
Le CICR a été sollicité par les deux parties pour faciliter la libération des détenus.
B. ACCORD GLOBAL de 1998 SUR LE RESPECT DES DROITS DE L’HOMME ET DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE CONCLU ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DES PHILIPPINES ET LE FRONT NATIONAL DÉMOCRATIQUE DES PHILIPPINES
[Source : « Agreement between the government and the NDFP », 16 mars 1998, [traduction CICR] disponible sur : https://ihl-databases.icrc.org/en/national-practice/comprehensive-agreement-respect-human-rights-and-international-humanitarian-law-0]
LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DES PHILIPPINES, y compris les ministères de l’exécutif et leurs cabinets, ci-après dénommé le GRP, et
LE FRONT NATIONAL DÉMOCRATIQUE DES PHILIPPINES, y compris le Parti Communiste des Philippines (CPP) et la Nouvelle Armée populaire (NPA), ci-après dénommé le NDFP,
ci-après dénommés « les Parties », […] signent officiellement, sans réserve, le présent Accord global sur le respect des droits de l’homme et du droit international humanitaire.
[…]
Partie IV
Respect du droit international humanitaire
Article 1. Dans l’exercice de leurs droits légitimes, les Parties au conflit armé auront l’obligation de respecter les principes généralement acceptés et les normes du droit international humanitaire.
Article 2. Ces principes et ces normes s’appliquent aux personnes suivantes : […]
3. les personnes mises hors de combat pour cause de maladie, blessures ou toute autre cause ;
4. les personnes privées de leur liberté en raison du conflit armé […]
Article 4.
[…]
6. Toutes les personnes privées de leur liberté en raison du conflit armé seront traitées avec humanité, recevront une nourriture adéquate ainsi que de l’eau potable, feront l’objet de mesures de protection en ce qui concerne leur santé et leur hygiène, et seront confinées en lieu sûr. Des informations suffisantes seront mises à disposition concernant les personnes ayant été privées de leur liberté. […]
Article 5. Les Parties condamnent toutes les violations des principes du droit international humanitaire. […]
Discussion
I. Qualification de la situation et droit applicable
1. (Documents A et B) Comment classeriez-vous la situation aux Philippines ? Y avait-il un conflit armé ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG I-IV, art. 3)
2. La qualification de la situation est-elle importante pour déterminer si le DIH a été respecté dans cette situation ?
II. Traitement et libération des détenus
3. Le DIH réglemente-il la détention de personnes ? Les règles sont-elles différentes dans les conflits armés internationaux et les conflits armés non internationaux ? Si oui, quelles sont les principales différences ? (CG I-IV, art. 3 ; CG III, art. 21 ; CG IV, art. 42, 43, 78 ; PA I, art. 44)
4. Quelles protections sont garanties par le DIH pour les personnes privées de liberté ? (CG I-IV, art. 3 ; PA II, art. 4, art. 5, art. 6 ; DIHC, Règles 118-128 ; voir aussi Principes en matière de procédure et mesures de protection pour l’internement/la détention administrative dans le cadre d’un conflit armé et d’autres situations de violence)
5. Quand les personnes privées de liberté dans le cadre d’un conflit armé doivent-elles être libérées ? (CG III, art. 118 ; CG IV, art. 132-133 ; DIHC, Règle 128)
III. Éléments contribuant au respect du DIH
6. (Document A) La libération des personnes privées de liberté et, en général, le respect des règles du DIH peuvent-elles permettre d’instaurer un dialogue entre les parties au conflit et de trouver une solution pacifique au conflit ? Quels facteurs ont permis de rendre possible la libération des personnes privées de liberté ?
7. (Document A) Quelles organisations/entités ont pris part à la libération de ces personnes ? Quel a été le rôle des représentants de la société civile ou des communautés religieuses dans la médiation relative à la libération des personnes privées de leur liberté et globalement, pour faciliter l’application du DIH ?
8. L’intervention d’un intermédiaire neutre tel que le CICR peut-elle contribuer à créer un environnement propice au respect du DIH par les belligérants ? Dans quelle mesure le fait d’avoir un tel intermédiaire peut-il être utile en ce qui concerne la libération des détenus ?
9. (Document B) Quelle a été l’influence, le cas échéant, de l’Accord global sur le traitement des personnes privées de liberté par la NPA ? Pensez-vous que « l’appropriation » des règles du DIH par ces entités par le biais de déclarations ou d’accords unilatéraux, alors qu’elles n’avaient pas signé ni ratifié les traités du DIH, assure un meilleur respect de ce dernier ?
10. La libération des détenus par une Partie au conflit peut-elle renforcer le soutien politique que lui apporte la population locale ? la communauté internationale ?