Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :
Les enfants touchés par les conflits armés ont droit à un respect et à une protection particuliers.
Les enfants ne doivent pas être recrutés dans des forces armées ni dans des groupes armés.
Les enfants ne doivent pas être autorisés à participer aux hostilités.
Résumé du cas d’étude
Entre 1991 et 2002, la Sierra Leone a été dévastée par un conflit armé opposant les forces armées étatiques à des groupes armés non étatiques. Des milliers d’enfants ont été recrutés dans les rangs des diverses parties au conflit. Beaucoup d’entre eux ne sont jamais allés à l’école.
Entre mai 2001 et janvier 2002, dans le cadre d’un programme de démobilisation, de désarmement et de réintégration (DDR) de grande ampleur visant à restaurer la paix et la sécurité dans le pays, les parties au conflit ont libéré plus de 6 500 enfants. La coopération entre les parties et la communauté internationale, en particulier la Mission des Nations Unies en Sierra Leone (UNAMSIL) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), a été garante du succès de ce processus, permettant d’aider les enfants à retourner à la vie civile.
Respect du DIH : les points à retenir
- En mai 2001, dans le cadre des négociations pour la paix et grâce à un programme de DDR élaboré par les Nations Unies, les parties au conflit ont publié une déclaration conjointe, dans laquelle elles s’engageaient à libérer tous les enfants qu’elles avaient recrutés.
- Dans le cadre de ce programme, en janvier 2002, les parties avaient libéré 6 845 enfants.
- Les mesures qui suivent ont contribué au succès de l’opération de démobilisation des enfants, qui a été mise en œuvre grâce à la coopération entre les parties au conflit et la communauté internationale :
- Des campagnes de sensibilisation du grand public et des groupes armés sur l’accord de paix, afin de renforcer le soutien apporté au programme de DDR
- Le déploiement de 17 500 casques bleus par l’UNAMSIL, pour assurer la sécurité
- Des groupes de défense des droits de l’enfant, y compris l’UNICEF, pour aider à préparer la réintégration des enfants au sein de leurs communautés via des centres d’accueil de transition ; 3 000 enfants ont bénéficié des programmes éducatifs communautaires de l’UNICEF, afin de soutenir leur réintégration et prévenir le recrutement d’autres enfants à l’avenir.
Ce cas pratique a été élaboré par Romina Liberman, juriste et assistante de recherche pro bono, sous la supervision de Yael Vias Gvirsman, juriste et directrice de la clinique juridique du centre interdisciplinaire d’Herzliya (IDC) ; avec la contribution de Jemma Arman et Isabelle Gallino, étudiantes en droit (LL.M) à l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève.
A. LE FRONT RÉVOLUTIONNAIRE UNI LIBÈRE DES ENFANTS SOLDATS
[Source : BBC News, Sierra rebels free child soldiers, 26 mai 2001, [traduction CICR] disponible sur : http://news.bbc.co.uk/2/hi/africa/1352801.stm]
En Sierra Leone, les rebelles libèrent des enfants soldats
Les rebelles sierra-léonais du Front révolutionnaire uni (FRU) ont libéré près de 600 enfants soldats dans le cadre d’un processus visant à mettre un terme à la guerre civile, qui fait rage dans ce pays d’Afrique de l’Ouest depuis une décennie.
Oluyemi Adeniji, le chef de la Mission des Nations Unies en Sierra Leone, a déclaré que ces remises en liberté « démontraient clairement l’engagement du FRU à mettre définitivement fin à la guerre ».
Ces nouveaux événements interviennent une semaine après la libération de plus de 200 enfants soldats par le FRU. Néanmoins, ce sont des milliers d’enfants qui ont été enrôlés de force ou incités à rejoindre le conflit de manière fallacieuse. Certaines des pires atrocités commises lors de la guerre, notamment le fait de trancher les membres d’ennemis ou de civils à la machette, ont été perpétrées par ces mêmes enfants.
« Nous sommes heureux du fait que ces enfants, qui auraient dû se trouver sur les bancs de l’école et dans les cours de récréation à jouer avec leurs camarades, aient désormais déposé les armes », a déclaré M. Adeniji. Les correspondants sur place affirment cependant que ces enfants, certains à peine âgés de six ans, seront traumatisés pendant très longtemps par les expériences atroces qu’ils ont vécues.
Des signes encourageants
La libération des enfants soldats vient confirmer de manière tangible que l’on se rapproche de la fin de la guerre civile dans le pays, suite à l’annonce de l’accord de désarmement entre les rebelles et les milices progouvernementales, il y a 10 jours.
Dans une déclaration commune à l’issue des pourparlers, les deux camps affirmaient avoir convenu de renvoyer les enfants soldats qui avaient combattu dans leurs rangs après avoir été enlevés ou incités à quitter leurs villages de manière fallacieuse.
Le FRU, qui a semé le chaos dans le pays depuis qu’il s’est engagé dans la rébellion, a annoncé qu’il commencerait sans tarder à mettre en œuvre un programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration de ces enfants dans la société (DDR).
Les deux camps remettront leurs armes à des Casques bleus des Nations Unies.
La force de maintien de la paix de l’ONU présente dans le pays compte environ 12 000 Casques bleus ; c’est la plus importante du monde.
Les Accords de paix de Lomé, signés en 1999, se sont soldés par un échec l’an dernier après la prise d’otage par les rebelles de centaines de Casques bleus.
Les perspectives ont toutefois semblé plus favorables au cours des derniers mois, avec l’avancée des Casques bleus jusque dans certains bastions de la rébellion.
B. L’UNICEF CONFIRME LA DEMOBILISATION DE 6 845 ENFANTS
[Source : UNICEF, The Disarmament and demobilization and reintegration of children associated with the fighting forces, Lessons Learned in Sierra Leone, 1998-2002, publié en 2005, [traduction CICR] disponible sur : http://www.unicefinemergencies.com/downloads/eresource/docs/Adolescents/The_disarmament,_demobilization_and_reintegration.2.pdf]
[…]
Au terme du processus, en janvier 2002, 72 500 combattants au total avaient été démobilisés, parmi lesquels 6 845 enfants (92 % de garçons et 8 % de filles). Le pourcentage officiel d’enfants démobilisés par rapport au nombre d’adultes était de 9,5 %. Le nombre d’enfants ayant contourné les systèmes officiels pour passer des forces armées à la vie civile demeure inconnu. Du fait de la longue durée du conflit, la majorité des enfants recrutés, en particulier dans le RFU, étaient devenus adultes lorsque les opérations officielles de démobilisation ont démarré.
L’UNICEF et les organismes de protection de l’enfance continuent à réévaluer leur rôle et la meilleure manière dont ils peuvent défendre l’intérêt supérieur de l’enfant dans les processus de DDR. L’un des éléments essentiels, pour y parvenir, est d’améliorer la coordination avec les autres organismes impliqués de manière régulière dans le processus et de définir clairement les responsabilités avec les gouvernements en place.
[…]
C. LA MINUSIL ASSURE LA SÉCURITÉ PENDANT LA DÉMOBILISATION
[Source : Mission des Nations Unies en Sierra Leone, Fact Sheet 1: Disarmament, Demobilization and Reintegration, décembre 2005, [traduction CICR] disponible sur : https://peacekeeping.un.org/mission/past/unamsil/press_kit.htm]
[…]
Un contingent de 17 500 Casques bleus a assuré la sécurité lors du déroulement des opérations de DDR, permettant ainsi de renforcer de manière significative l’efficacité du programme et d’améliorer sa rapidité d’exécution. La MINUSIL a ainsi pu équilibrer avec précaution les procédures flexibles et décentralisées de désarmement et la démobilisation accélérée. Des dispositifs spéciaux ont été mis sur pied au niveau des centres d’accueil avec l’aide de l’UNICEF et d’autres groupes de défense des droits de l'enfant pour procurer des services aux enfants soldats et aux personnes à charge des combattants. Le programme de DDR s’est également caractérisé par l’utilisation de campagnes d’information du public visant à faire connaître les détails des accords de paix et des opérations de DDR, et à susciter une prise de conscience parmi les des groupes rebelles.
Sur plus de 6 800 enfants soldats démobilisés, la majorité ont pu retrouver leurs familles. Environ 3 000 d’entre eux ont été intégrés aux programmes éducatifs communautaires menés par l’UNICEF. De telles dispositions ont contribué à faire en sorte que le modèle sierra léonais de démobilisation et de réintégration des enfants soldats soit généralement considéré comme une réussite et pourrait être appliqué dans d’autres opérations de maintien de la paix.
[…]
Discussion
I. Qualification de la situation et droit applicable
1. Comment qualifieriez-vous la situation entre le gouvernement de Sierra Leone et le Front révolutionnaire uni ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? Sous quelles conditions le Protocole additionnel II serait-il applicable ? (CG I-IV, art. 3 ; PA II, art. 1)
II. Les enfants dans les conflits armés
2. Quelles protections spéciales sont prévues pour les enfants dans les conflits armés non internationaux ? Diffèrent-elles de celles prescrites dans les conflits armés internationaux ? (PA I, art. 77 ; PA II, art. 4, par. 3) et art. 6, par. 4) ; DIHC, règles 135-137)
3. Au regard du DIH, les enfants jouissent-ils d'un droit à l’éducation en temps de conflit armé non international ? (PA II, art. 4, par. 3), lettre a) ; DIHC, règle 135)
4. À quel âge une personne peut-elle être recrutée dans les forces armées ou les groupes armés dans le cadre d’un conflit armé non international ? Cette limite d’âge est-elle différente pour les forces armées étatiques et les groupes armés ? La Sierra Leone avait-elle ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant au moment du conflit armé ? (PA II, art. 4, par. 3) lettre c) ; DIHC, règles 136-137 ; Convention relative aux droits de l’enfant de 1989, art. 38, par. 2) ; Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, art. 1)
III. Éléments contribuant au respect du DIH
5. (Document A) Quels facteurs peuvent avoir encouragé le Front révolutionnaire uni à libérer les enfants soldats ? Était-ce lié au processus global de désarmement et de paix ?
6. À en juger par les réactions publiées par les différentes entités émanant des Nations Unies, comment la communauté internationale a-t-elle interprété la libération des enfants par le groupe rebelle ? Comment la population locale a-t-elle pu percevoir ce geste ?
7. Quelle a été l’influence des Casques bleus et de la MINUSIL sur la démobilisation des enfants soldats en Sierra Leone ? Quel a été le rôle de l’UNICEF ? D’après vous, la coordination entre ces différentes organisations a-t-elle été efficace ?
8. (Document C) Pourquoi le processus de DDR en Sierra Leone a-t-il été considéré comme une « réussite » ? Quels semblent être les facteurs qui ont contribué à une telle issue positive ? À votre avis, dans quelle mesure est-il important de sensibiliser les groupes rebelles et de faire connaître le contenu du programme de DDR ?