Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :
Il est interdit d’employer des moyens ou des méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus.
Lorsque des mines terrestres sont employées, des précautions particulières doivent être prises afin de réduire au minimum leurs effets indiscriminés.
Une partie au conflit qui emploie des mines terrestres doit, dans toute la mesure possible, enregistrer leur emplacement.
Après la cessation des hostilités actives, une partie au conflit qui a employé des mines terrestres doit les enlever ou les neutraliser d’une autre manière afin qu’elles ne puissent porter atteinte à des civils, ou faciliter leur enlèvement.
Résumé du cas d’étude
En Thaïlande, la contamination par les mines touche en particulier les régions limitrophes du Cambodge, de la République démocratique populaire lao, de la Malaisie et de Myanmar, en raison de conflits passés. En plus de causer des morts et des blessés, les mines nuisent au développement et à la croissance économiques dans les communautés affectées.
Après que la Thaïlande a ratifié la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel sur leur destruction (Convention d’Ottawa) de 1997 le gouvernement a pris d’importantes mesures pour déminer les terres contaminées, détruire les stocks de mines terrestres et promouvoir la sensibilisation sur le danger que représentent les mines. En conséquence, le nombre de morts/blessés causés par les mines terrestres a considérablement chuté.
Respect du DIH : les points à retenir
- En 1998, le gouvernement thaï a demandé à ce que soit établi un Comité national de lutte contre les mines (NMAC) pour assurer que la Thaïlande mette en œuvre les obligations lui incombant en vertu de la Convention d’Ottawa. Le gouvernement a chargé le Comité national de lutte contre les mines de :
- mettre en œuvre une législation interdisant l’utilisation de mines terrestres antipersonnel.
- conduire des opérations de déminage et faire de la sensibilisation aux risques liés aux mines
- détruire les stocks de mines terrestres antipersonnel.
- En 1999, les forces armées de Thaïlande ont détruit 10 000 mines antipersonnel. En 2002, la Thaïlande poursuivait ses efforts pour honorer son engagement à détruire la totalité des stocks de mines d’ici 2003.
- Le Comité a débuté ses activités en 2000, en créant un plan d’action humanitaire sur les mines et en commandant une étude pour déterminer l’étendue de la contamination. En coopération avec des organisations non-gouvernementales, le Comité a déployé une équipe de démineurs pour effectuer des opérations de déminage, et une équipe d’éducateurs pour sensibiliser les populations affectées sur le danger que représentent les mines.
- En conséquence, le nombre de morts ou blessés causés par les mines terrestres en Thaïlande est passé de 350 entre 1999 et 2001 à 24 en 2011. Entre 2001 et 2015, la surface estimée de contamination par les mines est passée de 2 557 km2 à 450 km2.
Ce cas pratique a été élaboré par Jennifer Hickey et Nicole Schladt, étudiantes (Juris Doctor) à la faculté de droit d’Emory, sous la supervision de Laurie Blank, professeure de la faculté de droit d’Emory ; avec le concours de Jemma Arman et d’Isabelle Gallino, étudiantes en droit (LL.M) à l’Académie de Genève.
A. LE CENTRE THAÏLANDAIS DE LUTTE CONTRE LES MINES
[Source : Centre international de déminage humanitaire Genève, « Thailand Mine Action Center (TMAC) », 11 octobre 2011, [traduction CICR] lien non disponible]
Le gouvernement thaïlandais reconnaît que les mines terrestres et les munitions non explosées sont un obstacle majeur au développement et à la croissance économique des régions rurales frontalières. L’armée de terre et la marine royales thaïlandaises mènent des opérations de déminage dans les zones frontalières depuis 1987. En août 1998, le Bureau du Premier ministre thaïlandais, par le décret no 151/1998, a établi le Comité national de lutte contre les mines, présidé par le Premier ministre et intégrant les principaux ministères et services du gouvernement, dans le but d’élaborer des politiques et de respecter les obligations prévues par le traité, notamment :
1. La mise en œuvre du droit interdisant l’emploi de mines antipersonnel ;
2. La mise en œuvre d’opérations de déminage et l’éducation au risque des mines (ER) ;
3. Évaluer la quantité restreinte de mines antipersonnel qui doivent être conservées en Thaïlande à des fins d’éducation et pour le déminage et détruire l’intégralité des stocks de mines antipersonnel au-delà de cette quantité restreinte ;
4. La mise en œuvre des activités d’assistance aux victimes des mines antipersonnel.
B. RAPPORT SUR LES MINES ANTIPERSONNEL EN THAILANDE (2000)
[Source : « Landmine Report 2000 : Thailand », 2000, Landmine and Cluster Munition Monitor, [traduction CICR] disponible sur : http://archives.the-monitor.org/index.php/publications/display?url=lm/2000/thailand.html]
Principales avancées depuis mars 1999 : En Thaïlande, la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel est entrée en vigueur le 1er mai 1999. La Thaïlande a créé un Comité national pour l’action humanitaire contre les mines en février 2000. Une stratégie générale a été élaborée pour l’action humanitaire contre les mines pour la période 2000-2004 et le pays a demandé qu’une évaluation de niveau 1 soit réalisée. En mai 1999, la Thaïlande a détruit 10 000 mines antipersonnel et a élaboré une stratégie visant la destruction de l’intégralité des stocks de mines antipersonnel.
[…]
Difficultés liées aux mines terrestres
D’après le gouvernement, environ 400 000 personnes dans au moins 148 villages et 48 districts thaïlandais sont affectées par les mines antipersonnel. Les zones polluées par les mines sont majoritairement des terres agricoles, des villages et des portions de forêts nationales.
Comme indiqué dans le Rapport relatif à l’évaluation des mines antipersonnel de 1999 (Landmine Monitor Report 1999), une évaluation menée par l’Armée de terre royale et la Marine royale thaïlandaises en 1998 a établi que 796 kilomètres carrés de zones frontalières étaient pollués par des mines.
[…]
Victimes des mines terrestres
Le Centre d’action thaïlandais contre les mines a publié une liste des victimes des mines terrestres, dénombrant cinquante-six décès sur la période 1969-1999. Ce n’est que récemment que des mesures ont été prises pour rassembler les données dans tout le pays afin de déterminer le nombre total de victimes des mines antipersonnel, aussi bien militaires que civiles. D’après le centre, sur 32 provinces et sur une période de 30 ans, les mines ont blessé ou tué 1 849 personnes au total, parmi lesquelles 502 personnes blessées dans la zone occupée par la Troisième région militaire. Le centre a aussi demandé au ministère de la Santé d’établir des rapports officiels sur cette question. Il semblerait que les premiers rapports disponibles concernant les décès de militaires et de civils soient incomplets.
[…]
Récemment, des cas de blessures et de décès causés par des mines antipersonnel ont été rapportés par la presse nationale, permettant de mieux sensibiliser le grand public sur les difficultés liées aux mines et sur les souffrances des victimes. […] Un éléphant qui était exploité dans une forêt près de la frontière occidentale, dans la province de Tak et qui a eu besoin d’une prothèse après avoir marché sur une mine a bénéficié d’une large couverture médiatique. […]
C. SENSIBILISATION SUR LES MINES EN THAÏLANDE : EXAMEN DES BESOINS ET DE LA STRATÉGIE
[Source : Centre international de déminage humanitaire, « Mine Awareness in Thailand: A Review of Needs and Strategy », 9 mai 2002, [traduction CICR] disponible sur : http://www.gichd.org/fileadmin/GICHD-resources/rec-documents/GICHD-Assessment-MRE-Thailand-May2002.pdf]
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Contamination par les mines et les munitions non explosées
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Article 1. L’impact des mines et des munitions non explosées
En Thaïlande, les mines et les munitions non explosées ont des répercussions directes et de nature socio-économique. Les Thaïlandais qui vivent dans les régions affectées le long des frontières ont été contraintes de vivre avec cette contamination par les mines et les munitions non explosées depuis de nombreuses années ; elles ont donc mis en place certaines stratégies d’adaptation.
L’étude sur l’impact des mines (LIS) a dénombré 3 472 victimes des mines et des munitions non explosées en Thaïlande sur toutes les périodes de conflit armé, dont 1 500 personnes tuées. Au moins 350 personnes ont été tuées ou blessées entre mai 1999 et mai 2001, la plupart le long de la frontière avec le Cambodge. La vaste majorité des incidents seraient dus à des mines et non des munitions non explosées.
Environ 90 pour cent des victimes étaient des hommes adultes, fermiers et ouvriers agricoles pour la plupart, qui exploitaient les ressources de la forêt ou travaillaient dans les champs le long de la frontière ; quelques femmes ont aussi été tuées ou blessées. Une brève analyse des 195 cas recensés au cours de ces 18 mois jusqu’à mai 2001 montre que 56 personnes sont mortes et 72 personnes ont été amputées. Les deux tiers de ces 195 victimes auraient été tuées ou blessées alors qu’elles allaient chercher de l’eau ou de la nourriture.
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Déminage humanitaire
Les opérations de déminage humanitaire en Thaïlande associent le déminage mécanique, l’intervention d’équipes cynophiles pour la détection des mines et le déminage manuel. À ce jour, c’est le Centre thaïlandais d’action contre les mines qui a réalisé la majorité des opérations de déminage, avec l’appui de la fondation Chatichai Choonhavan lorsqu’elle était en capacité de le faire. Le centre dispose de deux unités d’action contre les mines qui sont opérationnelles à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge. Chacune est composée de 100 employés, dont des démineurs, qui ont été formés par l’Académie royale militaire de Thaïlande, avec le soutien des États-Unis et de RONCO. Il est prévu de former, d’équiper et de déployer trois unités d’action supplémentaires pour dépolluer d’autres zones frontalières affectées en Thaïlande, plus précisément aux frontières avec le Myanmar, le Lao et la Malaisie.
Destruction des stocks de mines antipersonnel
La Thaïlande met efficacement en œuvre les obligations qui lui incombent de détruire les stocks de mines antipersonnel qui se trouvent sous sa juridiction ou sous son contrôle et le pays devrait avoir détruit toutes les mines avant le délai fixé à mai 2003. Le pays gardera uniquement quelques 5 000 mines antipersonnel dans l’objectif de dispenser des formations sur la détection et sur l’élimination des mines, ce qui est autorisé.
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D. IMPACT DES MINES ANTIPERSONNEL SUR LES ENFANTS DE LA RÉGION ASIE DE L’EST ET PACIFIQUE
[Source : UNICEF, « Impact of Landmines on Children in the East Asia and Pacific Region », septembre 2003, [traduction CICR] disponible sur : https://www.files.ethz.ch/isn/10241/doc_10271_290_en.pdf]
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« En Thaïlande, le Centre d’action contre les mines et trois ONG ont procédé à des activités d’éducation au risque des mines (ER) auprès de 77 000 personnes. »
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E. FICHE PAR PAYS DES PRATIQUES EN MATIÈRE DE DROITS DE L’HOMME : THAÏLANDE (2001)
[Source : Département d’État des États-Unis, « Country Reports on Human Rights Practices: Thailand », 4 mars 2002, [traduction CICR] disponible sur : https://www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/2001/eap/8378.htm]
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Ces dernières années, les conflits qui ont éclaté le long des quatre frontières du pays, ainsi que l’insurrection dans la population civile, ont conduit à recourir aux mines antipersonnel qui, avec les munitions non explosées, ont tué ou blessé 346 personnes au cours de ces deux dernières années. Le gouvernement s’engage activement pour éliminer l’intégralité des mines et des munitions non explosées et les forces de sécurité nationales ont cessé d’utiliser des mines antipersonnel il y a plusieurs années.
[…]
F. FICHE PAR PAYS DES PRATIQUES EN MATIÈRE DE DROITS DE L’HOMME : THAÏLANDE (2010)
[Source : Département d’État des États-Unis, « Country Reports on Human Rights Practices: Thailand », 8 avril 2011, [traduction CICR] disponible sur : https://www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/2010/eap/154403.htm]
[…]
D’après le Centre thaïlandais d’action contre les mines, cette année, une personne a été tuée et 23 ont été blessées par des mines antipersonnel dans les provinces de Buriram, Chanthaburi, Sakaew, Sisaket, Ubon Ratchatani, Tak et de Trat. Le gouvernement a poursuivi sa campagne de sensibilisation du grand public, notamment en envoyant des équipes spécialisées dans les villages affectés et des équipes éducatives dans les écoles locales pour informer les élèves des risques liés aux mines et leur expliquer comment éviter de se blesser.
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G. ÉLIMINATION DES MINES EN 2016
[Source : Mine Action Review, « Clearing the Mines 2016: A Report by Mine Action Review for the Fifteenth Meeting of State Parties to the Anti-Personnel Mine Ban Convention », novembre 2016, [traduction CICR] disponible sur : http://www.mineactionreview.org/assets/downloads/NPA-Clearing-the-Mines-2016.pdf]
[…]
Une étude d’impact des mines (LIS) menée en 2001 a conclu que 27 des 76 provinces de la Thaïlande, et plus de 500 000 personnes, étaient affectées par les mines et les restes explosifs de guerre, estimant que la superficie polluée représente 2 557 km². En 2008, la Thaïlande a déposé une demande de prolongation du délai qui lui était accordé pour s’acquitter de ses obligations au titre de l’article 5 [de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel], expliquant avoir dépollué une superficie de 1 355 km². Parmi les 1 202 km² de zones soupçonnées dangereuses (ZSD) restant à décontaminer, on estime que 528 km² correspondaient à de « vrais champs de mines » exigeant des opérations de déminage manuel.
En 2015, la Thaïlande a déclaré que 16 de ses 77 provinces étaient polluées par les mines (…), mais on ignore l’ampleur de la contamination. À la fin de l’année, la Thaïlande a estimé qu’au total, 450 km² étaient minés, répartis sur 314 zones. En 2014, les chiffres étaient de 474 km² pollués sur 328 zones, soit une baisse de 23 km², même si le centre thaïlandais d’action contre les mines a indiqué avoir déminé presque le double de cette valeur en 2015 […].
Remise à disposition des terres
En 2016, la Thaïlande a remis à disposition 41,72 km² de terres, soit deux tiers de plus que l’année précédente, ce qui témoigne d’une application plus efficace de la procédure de remise à disposition des terres et d’une augmentation de la cadence pour l’élimination des mines. Le nouveau directeur du centre d’action contre les mines, le général Wittaya, s’est montré confiant en affirmant que la Thaïlande était en mesure de remettre à disposition 35 km² de terres chaque année.
[...]
Discussion
I. Qualification de la situation et droit applicable
1. Est-il important de déterminer la qualification de la situation au moment où les mines ont été déposées - et de savoir par qui elles ont été déposées – pour établir les obligations de la Thaïlande en relatives aux activités de déminage ? Pourquoi ?
II. Conduite des hostilités
2. Les mines antipersonnel sont-elles, en soi, illicites au regard du DIH ? Sous quelles circonstances l’emploi de mines antipersonnel constituerait-elle une méthode de guerre illicite ? (PA I art. 35, 51 ; DIHC, règles 1, 11, 12, 70, et 71).
3. Qu’énonce le droit coutumier concernant l’emploi de mines antipersonnel ? (DIHC, règles 81-83). L’État a-t-il l’obligation d’enlever les mines terrestres après la fin des hostilités actives ? À cet égard, existe-t-il une différence entre le droit coutumier applicable aux conflits armés internationaux et le droit coutumier applicable aux conflits armés non internationaux ?
4. Quels sont les autres traités qui réglementent l’emploi (ou le non-emploi) des mines antipersonnel ? (Convention d'Ottawa, 1997 ; Protocole (II) à la CAC sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines, pièges et autres dispositifs, tel qu’il a été modifié le 3 mai 1996). Ces traités ont-ils un caractère contraignant pour les groupes armés non étatiques ?
5. Quelles sont les différences entre la Convention d’Ottawa et le Protocole II à la CAC concernant la réglementation des mines terrestres antipersonnel ? Pourquoi, selon vous, certains États ont choisi de ratifier un seul de ces deux instruments et pas l’autre ? (Convention d'Ottawa, 1997 ; Protocole (II) à la CAC sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines, pièges et autres dispositifs, tel qu’il a été modifié le 3 mai 1996)
III. Éléments contribuant au respect du droit international humanitaire
6. Qu’est-ce qui peut motiver un État à interdire les mines antipersonnel ? Quelles sont les répercussions à long terme de l’emploi de mines antipersonnel ? Sur la population civile ? Sur le développement ? Sur l’économie d’une région ?
7. (Document B) Comment la presse locale peut-elle contribuer au respect du DIH ? Selon vous, quelle influence a-t-elle eue dans le cas d’étude examiné ?
8. Comment convaincre un acteur non étatique de ne pas employer de mines antipersonnel ? Que pensez-vous de l’éducation au risque des mines (ER) à large échelle, telle qu’évoquée dans le Document D ? Les mines terrestres peuvent-elles être employées de manière discriminatoire ?