Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :
Les parties au conflit doivent faire la distinction entre civils et combattants. Les attaques ne peuvent être dirigées que contre des combattants ou des objectifs militaires (principe de distinction).
Les attaques sans discrimination sont interdites, de même que les attaques dont on peut attendre qu’elles causent incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu.
Les opérations militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population civile, les personnes civiles et les biens de caractère civil. Toutes les précautions pratiquement possibles doivent être prises en vue d’éviter et, en tout cas, de réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile, les blessures aux personnes civiles et les dommages aux biens de caractère civil, notamment quant au choix des moyens et méthodes de guerre (principe de précautions dans l’attaque).
Les États et les parties au conflit doivent dispenser une instruction en DIH à leurs forces armées.
Résumé du cas d’étude
La Force internationale de sécurité et d’assistance (FIAS), dirigée par l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) est intervenue en Afghanistan entre 2001 et 2014. Son mandat, délivré par les Nations Unies, était d’apporter un soutien au gouvernement afghan pour restaurer la sécurité dans le pays et former les forces afghanes. En 2008, des allégations de dommages causés aux populations civiles par les forces de la FIAS ont failli remettre en cause sa mission.
En réponse à ces allégations, la FIAS a créé une Cellule de suivi des victimes civiles (CCTC) pour faire le suivi des pertes en vies humaines au sein de la population civile. Grâce aux renseignements fournis par les rapports de la CCTC, la FIAS et l’OTAN ont publié de nouvelles directives et orientations tactiques pour réduire les pertes en vies humaines dans la population civile. Grâce à l’action du CCTC, le nombre de pertes civiles causées par les forces qui soutenaient le gouvernement serait passé de 828 en 2008 à 316 en 2012.
Respect du DIH : les points à retenir
- En 2008, en vertu de ses obligations à l’égard des populations civiles, le commandement de la FIAS a créé la Cellule de suivi des victimes civiles (CCTC) pour recueillir et analyser des données relatives aux dommages causés par la FIAS à la population civile. La CCTC s’est appuyée sur ces données pour identifier des pratiques et a fourni des recommandations sur des méthodes à adopter pour que la force puisse revoir ses tactiques et ses procédures, afin de limiter les dommages causés aux civils.
- Entre 2009 et 2011, les commandants successifs de la FIAS se sont appuyés sur les conclusions de la CCTC pour publier des directives tactiques afin de répondre à certaines difficultés, en particulier :
- mettre l’accent sur la nécessité d’évaluer les conséquences possibles sur les civils de chaque action et limiter, si nécessaire, le recours à la force.
- restreindre les tirs indirects, les frappes aériennes et les raids nocturnes sur les zones résidentielles
- mettre en place des formations à intervalles réguliers pour renforcer le respect des règles d’engagement.
- En août 2010, les États membres de l’OTAN ont convenu de mettre en place des orientations pour répondre aux allégations relatives à des pertes en vies humaines dans la population civile, lesquelles énonçaient des dispositions prévoyant de fournir des informations à la CCTC de la FIAS.
Ce cas pratique a été élaboré par Cécile Lecolle, Sunethra Sathyanarayanan et Clémence Volle-Marvaldi, étudiantes en droit (LL.M) à l’université de Leiden, sous la supervision du professeur Robert Heinsch ainsi que de Sofia Poulopoulou, chercheuse doctorante au sein du Forum Kalshoven-Gieskes de l’université de Leiden.
A. SUIVI DES DOMMAGES COLLATÉRAUX ET RECENSEMENT DES VICTIMES PAR LA FIAS ET LA MANUA
[Source: CIVIC, « Examining Civilian Harm Tracking and Casualty Recording in Afghanistan », 19 mai 2014, [traduction CICR] disponible sur : https : //civiliansinconflict.org/wp-content/uploads/2017/09/CCCERP_4_page_FINAL_May_19.pdf]
[…]
Le suivi et le recensement des victimes constituent deux approches distinctes pour obtenir des informations sur les dommages causés aux civils. Elles tendent à devenir des pratiques de plus en plus reconnues par les États, les parties au conflit, les organisations internationales et la société civile. En Afghanistan, la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS), dirigée par l’OTAN, ainsi que l’unité des droits de l’homme de la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan, utilisent ces deux méthodes.
[…]
FIAS – Le suivi des victimes civiles en pratique
En 2008, les dirigeants de la FIAS ont créé la cellule de suivi des victimes civiles (CCTC) pour réagir aux accusations selon lesquelles la FIAS aurait été responsable de pertes civiles. Au départ, l'ambition de ce mécanisme était assez limitée. Il ne nécessitait pas de stratégie complexe ni de moyens importants. Une petite équipe de la CCTC collectait et centralisait les données rapportées du terrain, puis les interprétait pour vérifier si les allégations relatives au nombre de victimes civiles étaient fondées. Elle tenait ensuite les dirigeants de la FIAS informés. Fin 2009, la CCTC avait récolté assez de données pour être en mesure d’établir des statistiques. Ces données rassemblées ont été utilisées pour rédiger des rapports et formuler des recommandations à l’intention des dirigeants de la FIAS, dans l'objectif de réduire le nombre de victimes civiles.
Le travail de la CCTC s’est avéré très utile et a encouragé la FIAS à déléguer la gestion de ce mécanisme à toute une équipe, alors en charge de la réduction du nombre de pertes civiles. Cet extension a permis d’allouer plus de moyens financiers et de personnel à ce mécanisme, tout en le dotant de plus grandes responsabilités, avec, notamment, un engagement renforcé envers la société civile sur la question des victimes civiles. Les données ont été utilisées pour influencer les recommandations relatives aux directives tactiques et les formations préalables au déploiement des forces armées.
Lors de la mise en place de la CCTC puis du déploiement de l’équipe en charge de la réduction du nombre de victimes civiles, la FIAS a souligné à plusieurs reprises l’importance de faire un suivi des victimes, ce qui a permis de faire de cette question une priorité sur toute la chaîne de commandement.
[…]
B. DE NOUVELLES DIRECTIVES TACTIQUES DE LA FIAS POUR UNE MEILLEURE PROTECTION DE LA POPULATION CIVILE
[Source : Reliefweb, « General Petraeus Issues Updated Tactical Directive: Emphasizes Disciplined Use of Force », 04 août 2010, [traduction CICR] disponible sur : https : //reliefweb.int/report/afghanistan/afghanistan-general-petraeus-issues-updated-tactical-directive-emphasizes]
[…]
Le commandant de la Force internationale d’assistance et de sécurité, le général David Petraeus, a publié de nouvelles directives tactiques qui établissent des lignes de conduite et de nouvelles orientations relatives au recours à la force armée par la FIAS et les unités de l’USFOR-A (forces armées américaines en Afghanistan), qui mènent des opérations en Afghanistan.
« Les directives tactiques réaffirment la notion de « recours à la force discipliné » dans notre coopération avec les Forces de sécurité afghanes, pour vaincre la rébellion en Afghanistan ».
Les nouvelles directives sont confidentielles ; les parties non confidentielles du document sont incluses ci-après.
« Les directives s’appliquent à toutes les forces armées américaines (USFOR-A) et de la FIAS qui sont placées sous un contrôle opérationnel ou tactique… Les commandants qui sont sous mes ordres ne sont pas autorisés à limiter l’impact de ces directives sans avoir obtenu mon autorisation.
Notre stratégie pour lutter contre la rébellion a prouvé son efficacité, face à des ennemis tenaces et aux autres difficultés que nous avons rencontrées. Le fait de concentrer nos efforts sur la protection de la population à d'importantes conséquences. Nous avons augmenté la sécurité dans certaines zones stratégiques et avons réduit le nombre de victimes civiles causées par les forces de la coalition.
[…]
Nous devons continuer : il faut redoubler d’efforts pour réduire les pertes civiles à un minimum absolu. Chaque mort d’un civil afghan affaiblit notre cause. Si nous faisons un usage excessif de la force ou si nous agissons à l’encontre de nos principes pour lutter contre la rébellion, les victoires tactiques peuvent se mouvoir en défaites stratégiques.
[…]
Avant de tirer, le commandant qui autorise une frappe doit s'assurer qu’aucun civil n’est présent. S’il n’est pas possible de d'établir avec certitude le risque de présence de civils dans la zone, les frappes sont interdites, sauf dans deux conditions [conditions spécifiques non mentionnées pour des raisons de sécurité opérationnelles, elles sont toutefois liées aux situations dans lesquelles la FIAS et les forces afghanes sont mises en danger].
[…]
Nous devons former nos forces afin qu’elles connaissent et comprennent les règles d’engagement et l’objectif visé par notre directive tactique. Nous devons communiquer à nos troupes le degré de certitude nécessaire pour qu’elles prennent toutes les mesures requises dans les moments fatidiques, tout en comprenant la portée des répercussions stratégiques en cas de pertes civiles.
[…]
Certaines pertes civiles sont dues à une mauvaise compréhension ou une ignorance des coutumes et des comportements des autochtones. Aucun d'entre nous n’est plus familier avec les coutumes afghanes que nos alliés afghans. Par conséquent, il est essentiel que toutes les opérations soient menées en coopération avec les unités des Forces nationales de sécurité afghanes et que nos alliés afghans participent aux phases de planification et d’exécution. Leur présence permettra de mieux appréhender la situation. Elle servira également à atténuer les craintes de la population locale et à instaurer un climat de confiance vis-à-vis des forces de sécurité afghanes ».
[…]
La directive a été publiée le 1er août 2010 et remplace la version du 1er juillet 2009.
C. LES PAYS MEMBRES DE L’OTAN APPROUVENT LES DIRECTIVES RELATIVES AUX PERTES CIVILES POUR PERMETTRE DE LIMITER LES RÉPERCUSSIONS DU CONFLIT SUR LA POPULATION
[Source : NATO, « NATO Nations Approve Civilian Casualty Guidelines », [traduction CICR] 6 août 2010, disponible sur : https : //www.nato.int/cps/su/natohq/official_texts_65114.htm]
Dans le souci de trouver des méthodes d'action communes, pour faire face à la tragédie que représentent les pertes au sein de la population civile, les nations de l’OTAN ont convenu d’un ensemble de directives qui ont été promulguées au niveau de la chaîne de commandement. Ces directives illustrent l’initiative de l’OTAN/FIAS pour limiter les répercussions du conflit sur la population afghane. L’élément central de la mission de l’OTAN reste la protection du peuple afghan et la FIAS fait tout son possible pour éviter de toucher des civils. En cas de pertes civiles ou de dommages causés aux biens civils, l’OTAN/FIAS considère qu’il est extrêmement important d’alléger les souffrances des civils. En Afghanistan, la douleur que provoque la perte d’un membre de la famille peut également avoir des conséquences financières, qui pourraient être atténuées par des dédommagements. En cas de décès de civils à la suite des combats, ou de dommages causés aux propriétés privées, il semblerait qu'un dédommagement financier aux familles concernées soit une réponse appropriée sur le plan culturel, pour les Afghans. Ainsi, les alliés de l’OTAN ont convenu des directives suivantes, non contraignantes, qui s’appliquent en cas de pertes civiles liées aux combats.
1. Reconnaître rapidement la responsabilité à la suite de dommages collatéraux ou de dommages causés à un bien civil pendant les combats.
2. Continuer à appliquer pleinement les procédures opérationnelles permanentes de la FIAS dans le cadre d’une enquête sur d’éventuels cas de dommages collatéraux ou de dommages causés à un bien civil et s’efforcer de fournir les informations nécessaires à la cellule de suivi des victimes civiles de la FIAS.
3. Offrir, dans une démarche volontaire, une assistance en cas de dommages collatéraux ou de dommages causés à un bien civil, afin d’atténuer autant que possible les souffrances humaines. Il peut s’agir, par exemple, d’indemniser les populations ou d'offrir un soutien autre que de nature financière, tel que des soins de santé, le don de nouveaux animaux ou de terres agricoles, etc.
4. Les offres d’assistance, si elles sont envisagées, doivent faire l’objet de discussions et être mises en place en coordination avec les anciens des villages ou avec d’autres structures tribales, ainsi qu’avec les autorités gouvernementales au niveau local, dans toute la mesure du possible. L’assistance devrait également être, si possible, coordonnée avec les autres acteurs civils impliqués sur le terrain.
5. Cette assistance devraient tenir compte de la meilleure façon de limiter tout risque supplémentaire pour la sécurité des civils affectés et du personnel de la FIAS/EPR (équipe provinciale de reconstruction).
6. Les coutumes locales et les normes varient en fonction des différentes régions d’Afghanistan et devraient être prises en compte à part entière au moment de déterminer la marche à suivre après une attaque spécifique, y compris dans le cas d’éventuelles indemnisations à titre gracieux.
7. Le personnel chargé d’agir après un dommage collatéral ou un dommage causé à un bien civil doit être accessible aux populations, en particulier dans les zones de conflit, sous réserve de considération de sécurité, et les communautés locales doivent être pleinement informées du processus d’enquête et d’indemnisation.
8. Le système qui permet de déterminer le montant de l’indemnisation doit être le plus simple possible, rapide et transparent. Il doit impliquer les civils affectés par le conflit à chaque fois que cela est possible.
9. L’indemnisation et le soutien autre que de nature financière seront effectués indépendamment de l’attribution de la responsabilité juridique.
D. LE RAPPORT DE LA MANUA CONFIRME UNE BAISSE DU NOMBRE DE PERTES CIVILES CAUSÉES PAR LES FORCES PROGOUVERNEMENTALES EN 2009
[Source : MANUA, « UNAMA Calls for Safety First, as Civilian Casualties Rise by 14% in 2009 », 13 janvier 2010, [traduction CICR] disponible sur : https://unama.unmissions.org/unama-calls-safety-first-civilian-casualties-rise-14-2009]
Les conclusions du service des droits de l’homme de la MANUA […] indiquent qu’en 2009, une réduction de 28 % du nombre de pertes civiles causées par les forces progouvernementales a été constaté par rapport à l’année précédente. Cette baisse est due aux mesures mises en place par les forces militaires internationales pour réduire la menace que représentent les opérations militaires pour la population civile.
[…]
E. BAISSE DU NOMBRE DE VICTIMES CIVILES CAUSÉES PAR LES FORCES PROGOUVERNEMENTALES À LA SUITE DE NOUVELLES DIRECTIVES TACTIQUES
[Source : Peacekeeping and Stability Operations Institute, « Civilian Casualty Tracking in Afghanistan », 13 novembre 2014, [traduction CICR] Lien indisponible]
[…]
Fin 2008, le général McKiernan, commandant de la FIAS en Afghanistan, a créé la première cellule de suivi des victimes civiles (CSVC) de la FIAS — pour permettre à ses commandants et à son personnel de faire un meilleur suivi des dommages causés aux civils. Au milieu de l’année 2009, alors que les dirigeants prenaient peu à peu conscience du fait que la pérennité de la mission était directement menacée par les conséquences néfastes des dommages collatéraux, le commandant de la FIAS, le général McChrystal, a publié une directive tactique (le 6 juillet 2009) qui stipule :
« Nous devons éviter le piège qui consiste à remporter des victoires tactiques – tout en subissant des défaites sur le plan stratégique – en étant responsables de dommages collatéraux ou de dommages excessifs qui laissent la population démunie. J’attends des dirigeants à tous les niveaux qu’ils examinent et limitent le recours à la force, comme la couverture aérienne rapprochée (CAS) contre des habitations ou d’autres zones susceptibles de causer des dommages collatéraux… L’utilisation de munitions air-sol et de tirs indirects contre des habitations sont uniquement autorisées dans des conditions très limitées et réglementées » [siège de la FIAS, 6 juillet 2009].
Après avoir rassemblé des données pendant plusieurs mois, la cellule de suivi des victimes civiles a pu identifier/évaluer l’évolution temporelle des dommages collatéraux. En s'appuyant sur cette analyse, le commandant de la FIAS a développé et publié une directive supplémentaire à l’intention de ses forces – en ajustant les tactiques et les procédures de la FIAS afin de diminuer davantage la souffrance causée aux civils. Par exemple, lorsque que les données ont permis de montrer que des civils afghans étaient tués lors d’accidents de la route causés par les forces et les conducteurs de la FIAS, le commandant de la FIAS a élaboré une directive sur la conduite (30 août 2009), qui recommandait aux conducteurs d’éviter de conduire dangereusement et d’adopter une conduite plus prudente. De même, lorsqu’il a été observé que les raids nocturnes causaient des dommages collatéraux et qu’ils constituaient une grande source de mécontentement et de colère chez les citoyens du pays hôte, le commandant de la FIAS a publié une directive sur les raids nocturnes (5 mars 2010). Cette directive demandait aux commandants et aux unités d’explorer toutes les autres options possibles avant de mener à bien un raid nocturne à proximité d’habitations. La directive a précisé, en outre, ce qui suit :
« La politique de la FIAS en matière de raids nocturnes s’appuie sur des directives antérieures qui fixent des orientations relatives à l’intrusion au sein d’infrastructures médicales afghanes pour respecter et protéger les civils innocents ; sur la conduite, en demandant au personnel de la FIAS de respecter les règles de conduite et d’adopter un comportement approprié et qui respecte le droit en Afghanistan ; et sur une directive tactique globale qui fournit des orientations et des objectifs concernant le recours à la force pour soutenir les opérations de la FIAS, dans un souci de gagner et de conserver le soutien de la population, en faisant la distinction entre rebelles et innocents et en évitant les dommages collatéraux par une application juste du recours à la force » (Siège, FIAS, 5 mars 2010)
Les nouveaux commandants de la FIAS ont continué à accorder une attention particulière à la prévention relative aux dommages collatéraux. Par exemple, le général Petraeus a modifié la directive tactique (4 août 2010) pour protéger de manière plus efficace les civils dans toutes les situations où ils pourraient être affectés. Le général Allen a quant à lui publié sa directive tactique (30 novembre 2011) — appelant à une application plus judicieuse de la force, à la discipline des soldats, à la patience tactique et à la mise en place de formations renforcées régulières – en vertu des règles d’engagement (ROE). Une carte à puce pour les dommages collatéraux dans le cadre de l’OEF (Opération Liberté Immuable) et un manuel sur les dommages collatéraux OEF ont également été produits pour favoriser la bonne compréhension et l’éducation sur ces questions au sein de la force. À ces directives s’ajoute la cellule de suivi des victimes civiles, qui a fourni aux commandants de la FIAS toutes les données et les analyses dont ils avaient besoin. Ces analyses ont permis aux commandants de prendre des décisions en étant pleinement renseignés et d’ajuster les tactiques et les procédures selon les besoins.
Les résultats parlent d’eux-mêmes. Le nombre de victimes civiles a chuté de manière significative sur une période de quatre ans. Selon la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA), 828 civils ont été tués par les forces progouvernementales (FIAS et forces de sécurité du pays hôte) en 2008. Un an plus tard, en 2009 (Note : la cellule de suivi des victimes civiles a été mise en place fin 2008 et la directive tactique du général McChrystal a été publiée en juillet 2009), le nombre de victimes civiles causées par les forces progouvernementales était tombé à 596. En 2012, le nombre de victimes civiles causées par les forces progouvernementales atteignait 316 personnes. Dans l’ensemble, grâce à ce suivi, à l’analyse et à la reconnaissance de l’ampleur des dommages causés aux civils et de leur origine, les commandants de la FIAS ont pu s’adapter et encourager un changement positif, tant en termes de nombre de victimes civiles, qu’en ce qui concerne la relation avec le pays hôte.
Discussion
I. Qualification de la situation et droit applicable
1. Comment qualifieriez-vous la situation en Afghanistan en 2008 ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG I-IV, art. 3, PA II, art 1)
2. L’OTAN était-elle partie à un conflit armé en Afghanistan en 2008 ? Les pays membres de l’OTAN qui fournissaient des troupes étaient-ils parties au conflit ? L’implication de l’OTAN en Afghanistan influence-t-elle la qualification du conflit ?
3. Quelles règles du DIH s’appliquent aux parties au conflit ? Le PA II est-il applicable ? (CG I-IV, art. 3 ; PA II, art. 1)
II. Conduite des hostilités
4. Le DIH prévoit-il une obligation de renseigner les souffrances causées aux victimes à la suite d’attaques lancées par les parties au conflit ? Les parties au conflit doivent-elles évaluer le risque de dommage collatéral avant de lancer une attaque ? Après une attaque ? (PA I, art 51, 57 ; PA II, art. 13 ; DIHC, règles 1, 14, 15)
5. Les attaques ne sont-elles licites que si elles n’entraînent pas de morts ni de blessés parmi la population ? Le fait qu’il y ait des pertes civiles et des destructions de biens civils signifie-t-il que le DIH est violé ? Le DIH oblige-t-il une partie à éviter à tout prix les pertes civiles ? Quelles orientations, le cas échéant, le DIH fournit-il sur l’évaluation des objectifs militaires par rapport aux pertes civiles prévues ? Les attaques indiscriminées sont-elles interdites par le DIH ? (PA I, art 51, 57 ; DIHC, règles 11, 14, 15)
6. La directive de la FIAS fait-elle référence au DIH de manière explicite ou implicite ? Quels principes relatifs au DIH met-elle en exergue ? La directive peut-elle être considérée comme allant au-delà des obligations fixées par ces principes ? PA I, art. 48, 51, 57 ; PA II, art. 13 ; DIHC, règles 1, 14, 15)
7. Le DIH oblige-t-il les parties au conflit à s’assurer que leur personnel militaire connaît les règles du DIH ? Est-il pertinent d'organiser des formations avant le déploiement ? Le DIH prévoit-il l’obligation d’identifier l’étendue des dommages collatéraux à la suite d’opérations antérieures et d’intégrer les conclusions obtenues dans de futurs programmes de formation ? (PA I, art. 83, 87 ; PA II, art. 19 ; DIHC, règles 142)
III. Éléments contribuant au respect du DIH
8. (Document A) Pourquoi la FIAS a-t-elle considéré comme nécessaire de « réagir aux accusations selon lesquelles la FIAS aurait causé des victimes civiles » en créant le mécanisme de la CCTC, et de renforcer « un engagement […] envers la société civile sur la question des victimes civiles » ? Dans quelle mesure les pressions extérieures ou l’opinion publique peuvent-elles avoir une influence sur le comportement des forces armées ?
9. (Documents B et C) Selon vous, que voulait dire le commandant de la Force, lorsqu'il a déclaré que « chaque mort d’un civil afghan affaiblit [leur] cause » ou en affirmant que « les victoires tactiques peuvent se mouvoir en défaites stratégiques » ? Aussi, pourquoi estime-t-on qu’il est important de comprendre les coutumes locales et les normes au sein de la population afghane dans la conduite des hostilités ?
10. (Document C) Y a-t-il un intérêt militaire à reconnaître les dommages collatéraux ou dommages causés à un bien civil à la suite des combats ?
11. (Documents B et C) Pourquoi est-il important que les forces étrangères ou de la coalition s’associent aux forces locales ? Selon vous, pourquoi la FIAS et les Forces américaines en Afghanistan veulent-elles « instaurer un climat de confiance vis-à-vis des forces de sécurité afghanes » ?
12. (Document B et C) L’existence de règles d’engagement communes entre les forces de la coalition peut-elle contribuer au respect du DIH ?
13. (Document B) Pourquoi pensez-vous que la FIAS et les forces américaines en Afghanistan cherchent à promouvoir « un recours à la force discipliné » dans le cadre de leur partenariat avec les forces de sécurité afghanes ? Un État a-t-il l’obligation de veiller à ce que ses partenaires respectent les règles fixées par le droit ?