Soudan du Sud : libération et démobilisation des enfants soldats

Libération des enfants recrutés au Soudan du Sud : 2012-2015

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Les enfants ne doivent pas être recrutés dans des forces armées ni dans des groupes armés. 

Les enfants ne doivent pas être autorisés à participer aux hostilités.

Les enfants touchés par les conflits armés ont droit à un respect et à une protection particuliers. 

Les États ne peuvent pas encourager les parties à un conflit armé à commettre des violations du droit international humanitaire. Ils doivent dans la mesure du possible exercer leur influence pour faire cesser les violations du DIH.

Résumé du cas d’étude

Depuis 2003, l’Armée Populaire de libération du Soudan (SPLA) est inscrite sur la liste du Secrétaire-général des Nations Unies (NU) relative aux parties au conflit qui recrutent et utilisent des enfants. En 2009, le SPLA, qui était un groupe armé non étatique à l’époque, a signé un Plan d’action avec les NU visant à libérer tous les enfants qu’il comptait parmi ses forces.

Au moment de l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, les forces du SPLA sont devenues l’armée du pays. Les combats entre les forces du SPLA et des groupes armés non étatiques ont continué. Le recrutement de milliers d’enfants se serait poursuivi, tant par des groupes armés que par les forces armées du SPLA. 

Le Soudan du Sud est partie au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés  qui comprend des obligations concernant la démobilisation et la réintégration des enfants qui ont été recrutés illicitement.

En 2012, en qualité d’armée nationale, le SPLA a signé un nouvel accord avec les NU pour mettre fin au recrutement d’enfants. Cet accord prévoyait que chaque groupe armé ayant accepté l’amnistie du gouvernement libère également les enfants recrutés parmi ses forces. En 2015, cet engagement a permis « la plus grande opération de démobilisation d’enfants jamais organisée ».

Respect du DIH : les points à retenir

  1. En mars 2012, les forces armées du Soudan du Sud (le SPLA) ont signé un accord avec les NU pour réaffirmer leur engagement à mettre un terme à l’utilisation et au recrutement d’enfants.
  2. Avec le soutien du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le SPLA a créé un service de protection de l’enfance ayant bénéficié de formations sur les droits des enfants.
  3. En 2015, 1 775 enfants ont été libéré et remis à l’UNICEF en coordination avec la Commission nationale de désarmement, démobilisation et réintégration du Soudan du Sud.
  4. Reconnaissant la nécessité d’accorder une protection spéciale aux enfants démobilisés, l’UNICEF a développé des programmes pour leur permettre d’accéder à l’éducation, à des formations professionnelles et leur fournir un soutien psychologique, tout en travaillant avec les communautés pour aider à leur réintégration.

Ce cas pratique a été élaboré par Clara Burkard, Ashwin Manoharan et Yildiz Miller, étudiants en droit (LL.M.) à l'université de Leiden, sous la supervision du professeur Robert Heinsch ainsi que de Sofia Poulopoulou et Christine Tremblay, doctorantes au Kalshoven-Gieskes Forum de l’université de Leiden ; avec la contribution de Jemma Arman et Isabelle Gallino, étudiantes en droit (LL.M.) à l'Académie de Genève.

 

A. L'ONU ET L'ARMÉE DE LIBÉRATION DU PEUPLE SOUDANAIS (SPLA) SIGNENT UN ACCORD HISTORIQUE POUR METTRE FIN AU RECRUTEMENT DES ENFANTS

[Source : Reliefweb, « UN and Sudan People’s Liberation Army (SPLA) sign historic agreement to stop child recruitment and release all children from national army », 13 mars 2012, [traduction Croix-Rouge française et CICR], disponible sur : https://reliefweb.int/report/south-sudan-republic/un-and-sudan-people’s-liberation-army-spla-sign-historic-agreement-stop]

 

Djouba, Soudan du Sud, 13 mars 2012 - L'ONU et l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) ont signé lundi un accord par lequel l'armée a renouvelé son engagement à libérer tous les enfants de ses rangs [...].

 

Depuis 2003, la SPLA figure sur la liste des Nations Unies relative aux parties qui recrutent et utilisent des enfants. L'armée s'était déjà engagée en 2009, avant l'indépendance du Soudan du Sud, à mettre en oeuvre ce Plan d'action, mais c'est ici la première fois que la SPLA affirme son engagement à ne pas recruter ou utiliser des enfants en sa qualité d'armée nationale. […]

 

Lors d’une prise de parole à Djouba, la capitale du Soudan du Sud, Mme Coomaraswamy [Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés (RSSG)] a souligné que la signature de ce Plan d'action était essentielle pour la SPLA, qui n'est plus un mouvement mais désormais une armée nationale officielle.

 

« C'est un jour important pour le Soudan du Sud - le pays le plus récent du monde. Non seulement ce Plan d'action garantit que le gouvernement s’engage à ce que la SPLA ne recrute plus d'enfants dans ses rangs, mais il garantit aussi que tous les groupes armés qui ont accepté l'amnistie du gouvernement libèrent les enfants qu’ils ont recrutés », a déclaré Mme Coomaraswamy. […]

 

Le chef adjoint de l'état-major général pour l'administration de la SPLA a déclaré que le Plan d'action permettra de montrer au monde entier que le Soudan du Sud est déterminé à protéger les enfants et à mettre fin à leur recrutement. […]

 

Avec l'appui de l'UNICEF, la SPLA a créé des organismes de protection de l'enfance qui sont formés aux droits de l'enfant. […]

 

Abraham Mapour, seize ans, qui fut recruté par l'armée, a partagé sa vision des besoins des enfants qui, comme lui, ont été recrutés.

 

« Au début, je pensais qu'il n'y avait pas de vie en dehors de l'armée. Maintenant, j'ai réalisé que le fait d'aller à l'école me donne les moyens et la confiance nécessaires pour envisager l'avenir avec le sourire », a-t-il dit. « Je peux maintenant profiter de mon enfance », a-t-il ajouté.

 

 

B. 280 ENFANTS SOLDATS LIBÉRÉS À LA SUITE D'UN ACCORD AVEC L'ETAT ET LES REBELLES

[Source : Sam Jones, The Guardian, South Sudan: child soldiers released following deal with state and rebels, 27 janvier 2015, [traduction Croix-Rouge française et CICR], disponible sur : https://www.theguardian.com/global-development/2015/jan/27/south-sudan-child-soldiers-released-deal-government-and-rebels]

 

Trois mille enfants du Soudan du Sud, recrutés comme soldats dans la situation de violence qui caractérisait le jeune pays ces dernières années, ont dû déposer leurs armes et rentrer chez eux dans le cadre de l'une des plus importantes démobilisations d'enfants jamais réalisée.

 

Pour certains de ces enfants, âgés de 11 à 17 ans, les combats durent depuis quatre ans et beaucoup d’entre eux ne sont jamais allés à l'école.

 

Au cours de l'année écoulée, 12 000 enfants - en grande majorité des garçons - ont été utilisés comme soldats par des groupes armés, alors que le Soudan du Sud s’enfonçait davantage dans les violences interethniques et la guerre civile.

 

Mardi, 280 garçons ont été libérés des rangs de la Faction Cobra de l'Armée démocratique du Soudan du Sud (SSDA) et remis à l'UNICEF, dans le village de Gumuruk de l'État de Jonglei, dans l'est du pays.

 

La faction rebelle, menée par David Yau Yau et composée de membres de l'ethnie Murle, se bat contre le gouvernement du président Salva Kiir depuis 2010.

 

Lors d'une cérémonie supervisée par la Commission nationale de désarmement, démobilisation et réintégration du Soudan du Sud et la SSDA, soutenue par l'UNICEF, les garçons ont remis leurs armes et uniformes. Les autres enfants seront progressivement démobilisés dans les prochaines semaines. […]

 

Les garçons ont exprimé à l'UNICEF leur envie de déposer les armes et de pouvoir aller à l’école. « Je sais ce que c'est que d'être soldat et c'est tellement misérable », dit l'un d'eux. « Je veux juste aller à l'école ». […]

 

Selon l'UNICEF, les enfants n'ont pas été enrôlés sous la menace d'une arme à feu ou forcés de commettre de graves violations des droits humains. La plupart d’entre eux semblent avoir été recrutés pour protéger leur communauté et leur famille, beaucoup ayant déclaré s'être joints à la faction pour défendre les Murles contre la discrimination du gouvernement central. […]

 

L'UNICEF a déclaré que cette libération annonçait le début de « l'une des plus grandes démobilisations d'enfants jamais réalisée ». L’UNICEF fournit aux enfants libérés de la nourriture, de l'eau, des vêtements et une assistance médicale, et met en place des programmes de soutien psychologique pour les préparer au retour dans leur famille. Des démarches sont en cours pour retrouver leurs proches et l’UNICEF espère être en capacité de les ramener chez eux dans un délai qui n’excédera pas les trois mois.

 

Outre l'accès à l'éducation et aux programmes de formation professionnelle, l'UNICEF travaille avec près de 3 000 autres garçons et filles issus des communautés dans lesquelles les enfants soldats s’apprêtent à être libérés, afin de réduire la discrimination dont ils sont victimes et d’éviter qu'ils soient à nouveau recrutés. […]

 

C. LA NÉCESSITÉ D'UN ENGAGEMENT CONSTANT ET CONTINU

[Source : UNICEF, Communiqué de presse, Des centaines d'enfants recrutés par les groupes armés au Soudan du Sud, et les violations contre les femmes et les enfants augmentent, 19 août 2016, disponible sur : https://www.unicef.org/fr/communiqués-de-presse/des-centaines-denfants-recrutés-par-les-groupes-armés-au-soudan-du-sud-et-les]

 

Quelque 16000 enfants ont été recrutés par les groupes et forces armés depuis le début de la crise au Soudan du Sud en décembre 2013. Selon l'UNICEF, des enfants continuent d'être recrutés et utilisés par les groupes et forces armés en dépit de l'engagement politique général pour mettre fin à cette pratique. […]

 

En 2015, l'UNICEF a supervisé la libération de 1775 anciens enfants soldats à travers la plus grande opération de démobilisation d'enfants jamais organisée. La reprise des combats et des recrutements risque d'impacter les progrès accomplis. […]

 

Discussion

 

I. Qualification de la situation et droit applicable

 

1. Comment qualifieriez-vous la situation au Soudan du Sud ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? Sous quelles conditions le Protocole additionnel II serait-il applicable ? (CG I-IV, art. 3 ; PA II, art. 1)

 

II. Protection des enfants dans les conflits armés

 

2. À partir de quel âge une personne peut-elle être recrutée par les forces armées d'un État ? En tant que membre d'un groupe armé ? Sur ce point, existe-t-il une différence entre les forces étatiques et les groupes armés non étatiques ? Si oui, laquelle ? Selon le droit applicable, à quel âge les enfants peuvent-ils être recrutés ? (PA I, art. 77, par. 2 ; PA II, art. 4, par. 3, lettre c) ; DIHC, règles 136 et 137 ; Convention relative aux droits de l'enfant de 1989, art. 38, par. 2 ; Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, art. 1 à 4) Un enfant peut-il s'engager volontairement ? Pourquoi ou pourquoi pas ? À quel âge ?

 

3. Les enfants bénéficient-ils d'un droit à l'éducation en période de conflit armé non international et en vertu du DIH ? (PA II, art. 4, par. 3, lettre a) ; DIHC, règle 135)

 

III. Éléments contribuant au respect du DIH

 

4. Les groupes armés non étatiques, tels que la SSDA, ont-ils des obligations au regard du DIH ? Qu’est-ce qui peut motiver un acteur non étatique à conclure un accord tel que celui conclu par la Faction Cobra ? Quels sont les « accords spéciaux » auxquels l’article 3 commun fait référence ? Quelles sont les initiatives proposées pour assurer un plus grand respect du DIH par toutes les parties (CG I-IV, art. 3) ?

 

5. Les États parties, en l'occurrence le Soudan du Sud, ont-ils l'obligation de respecter le DIH durant un conflit armé non international ? Y compris faire respecter le DIH par les groupes armés non étatiques ? (CG I-IV, art. 1 ; DIHC, règle 144) Les groupes armés non étatiques sont-ils soumis à cette obligation ? Pourquoi ou pourquoi pas ? Quels sont avantages et inconvénients d’une telle obligation, selon vous ?

 

6. D'après vous, comment la communauté internationale accueillera-t-elle le Plan d'action du Soudan du Sud ? Qu'en est-il de la population ? Pourquoi ? Le fait que la Faction Cobra de la SSDA ait libéré des enfants lors d'une cérémonie publique joue-t-il un rôle, en particulier pour ce qui est du respect du DIH ? Si oui, lequel ?

 

7. Pensez-vous que le respect du DIH renforce la légitimité d'une partie au conflit ? Si oui, seulement sa légitimité ? Quels arguments proposeriez-vous pour convaincre une partie de se conformer au DIH ? Le fait que la SPLA ait signé le Plan d'action a-t-il servi d'exemple pour la décision ultérieure de la Faction Cobra de la SSDA de démobiliser les enfants ? Pourquoi ?