Assistance et secours humanitaires

Prêter assistance aux populations civiles affectées par le conflit au Soudan du Sud : 2014-2017

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Les parties au conflit doivent autoriser et faciliter le passage rapide et sans encombre de secours humanitaires destinés aux personnes civiles dans le besoin, de caractère impartial et fournis sans aucune distinction de caractère défavorable, sous réserve de leur droit de contrôle.

Les parties au conflit doivent assurer au personnel de secours autorisé la liberté de déplacement essentielle à l’exercice de ses fonctions. Ses déplacements ne peuvent être temporairement restreints qu’en cas de nécessité militaire impérieuse.

Résumé du cas d’étude

En décembre 2013, un conflit armé a éclaté au Soudan du Sud et ses conséquences sur les populations civiles ont été catastrophiques. En août 2014, les organes des Nations Unies (NU) estimaient que plus d’1,3 million de personnes, situées pour la plupart dans les régions frontalières du Soudan, avaient besoin d’une aide humanitaire. Accéder aux régions affectées par le conflit par voie terrestre était trop risqué et le coût du largage aérien d’aide humanitaire était bien trop élevé. 

Au vu de la situation humanitaire, les gouvernements du Soudan du Sud et du Soudan voisin ont convenu d’ouvrir un corridor humanitaire entre les deux pays pour permettre la délivrance de l’aide humanitaire dans les zones affectées par le conflit. Avec l’assistance du Programme alimentaire mondial des NU (PAM), plusieurs convois humanitaires ont pu atteindre le Soudan du Sud en toute sécurité en passant par ce corridor.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. En juillet 2014, les gouvernements du Soudan du Sud et du Soudan ont signé un Mémorandum d’entente pour autoriser le transport transfrontalier de l’aide humanitaire, du Soudan vers le Soudan du Sud. En août, après des négociations menées avec les NU, les deux gouvernements ont approuvé le plan du PAM visant à délivrer des produits alimentaires de première nécessité aux populations affectées par le conflit, en passant par un corridor humanitaire.
  2. Le corridor humanitaire a été établi en novembre 2014, tel que prévu par l’accord. En janvier 2016, grâce au maintien de la coopération entre les deux gouvernements, le PAM avait réussi à transporter 27 000 tonnes métriques de produits alimentaires, par camion et voie fluviale, à près de 300 000 personnes dans l’État du Nil Supérieur au Soudan du Sud.
  3. En 2017, à la suite d’alertes faisant état de plus d’un million de personnes affectées par le conflit menacées par la famine, le gouvernement soudanais a facilité l’ouverture d’un deuxième corridor humanitaire, du Soudan central jusqu’à l’État d’Unité au Soudan du Sud et a également proposé l’établissement d’un troisième corridor.

Ce cas pratique a été élaboré par Pierpaolo Castiglioni, Yiota Constantinidi, Fiammetta Ferioli, étudiants en droit (LL.M) à l’université de Rome III, sous la supervision de Giulio Bertolini (professeur) et de Tommaso Natoli (assistant de recherche), de la clinique de DIH de l’université de Rome III et Clara Burkard, Ashwin Manoharan et Yildiz Miller, étudiants en droit (LL.M) à l’université de Leiden, sous la supervision du professeur Robert Heinsch ainsi que de Sofia Poulopoulou et de Christine Tremblay (chercheuse doctorante et assistante de recherche) au sein du Kalshoven-Gieskes Forum de l’université de Leiden; avec le concours de Jemma Arman et d’Isabelle Gallino, étudiantes en droit (LL.M) à l’Académie de Genève.

 

A.   UN ACCORD POUR CRÉER UN CORRIDOR HUMANITAIRE ENTRE LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

[Source : Sudan Tribune, Juba, Khartoum approve plan to open humanitarian corridor: UN, 27 août 2014, [traduction CICR] disponible sur : http : //www.sudantribune.com/spip.php?article52188]

 

26 août 2014 (KHARTOUM) — Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) au Soudan, a déclaré que les représentants des gouvernements du Soudan et du Soudan du Sud ont convenu d’un accord sur le plan opérationnel, en inaugurant un couloir humanitaire entre leurs deux territoires.

 

Ce plan, qui a été élaboré et présenté par le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM), lui permettra de distribuer près de 63000 tonnes de vivres de première nécessité, à 744000 sud-soudanais vivant la partie nord du pays, affectée par le conflit au Soudan du Sud depuis décembre 2013.

 

À la suite d’une réunion qui s’est tenue en juin dernier avec Hilde Johnson, alors à la tête de la mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), le premier vice-président du Soudan, Bakri Hassan Saleh, a accepté de faciliter l’acheminement de l’aide alimentaire au Soudan du Sud.

 

Le mois dernier, les deux pays ont signé un Mémorandum d’entente pour autoriser l’acheminement de l’aide entre leurs frontières, notamment par voie fluviale, afin de nourrir les milliers de civils affectés.

 

Johnson a déclaré que les Nations Unies comptaient beaucoup sur le Soudan pour apporter une assistance humanitaire à la population sud-soudanaise, tout en contribuant à la résolution du conflit se déroulant dans le jeune État.

 

Elle a également salué la participation du gouvernement soudanais à la médiation menée par l’IGAD (Autorité intergouvernementale pour le développement en Afrique de l’Est) entre les parties belligérantes du Soudan du Sud, déclarant que le Soudan pouvait jouer un rôle de premier plan dans la recherche d’une solution à la crise qui touche le Soudan du Sud.

 

La situation humanitaire au Soudan du Sud s’est considérablement détériorée, en raison des violences ayant éclaté dans le pays depuis le 15 décembre 2013. Les agences des Nations Unies estiment que plus de 1,3 million de personnes ont été affectées par ce conflit et ont besoin d’une assistance.

 

Le représentant résident et coordonnateur de l’action humanitaire des Nations unies à Karthoum, Ali Al-Za’tari, a déclaré mardi dernier que l’approbation de ce plan opérationnel permettrait aux Nations Unies de mieux répondre aux besoins humanitaires croissants des personnes vulnérables et affectées par le conflit au Soudan du Sud, en particulier celles qui habitent dans les États sud-soudanais frontaliers du Soudan, à savoir Les États de Jonglei, d’Unité et du Haut-Nil.

 

Il a ajouté que la coopération entre les deux gouvernements permettrait de mieux servir les intérêts des deux peuples. […]

 

 

B.    MISE EN ŒUVRE DE L’ACCORD

[Source : Programme alimentaire mondial, communiqué de presse, WFP Welcomes Cross-Border Humanitarian Deliveries to South Sudan Via Sudan, 10 novembre 2014, [traduction CICR] disponible sur : https://www.wfp.org/news/news-release/wfp-welcomes-cross-border-humanitarian-deliveries-south-sudan-sudan]

 

 

Le Programme alimentaire mondial (PAM) salue l’arrivée du premier convoi d’aide alimentaire au Soudan du Sud via le Soudan.

 

Dix-huit camions transportant 700 tonnes de vivres, suffisant à nourrir 45000 personnes pendant un mois, sont arrivés dans l’État du Haut-Nil en provenance de Kosti, marquant l’ouverture d’un corridor humanitaire permettant la livraison d’aide alimentaire au Soudan du Sud en passant par le Soudan.

 

La PAM a fait remarquer que ceci permettra de réduire le recours à de coûteuses opérations aériennes pour apporter de l’aide dans les zones du Soudan du Sud affectées par le conflit et d’atteindre un plus grand nombre de personnes vulnérables.

 

L’opération transfrontalière permettra au PAM d’utiliser des camions et des barges pour livrer un total de 4650 tonnes de vivres, permettant de nourrir environ 275000 personnes pendant un mois dans la région nord du Soudan du Sud. Les largages et les transports aériens sont essentiels pour maintenir l’aide alimentaire dans les zones éloignées, mais coûtent six à sept fois plus cher que le transport par barge ou par route.

 

Depuis décembre 2013, soit le début de la crise au Soudan du Sud, le PAM a apporté une aide alimentaire et nutritionnelle de première nécessité à 2,5 millions de personnes.

 

 

C.    EXTENSION DE L’ACCORD SUR L’OUVERTURE D’UN COULOIR HUMANITAIRE

[Source : OCHA, Bulletin humanitaire, Agreement on humanitarian Corridor to South Sudan through Sudan extended for six months, janvier 2016, [traduction CICR] Lien indisponible]

 

Le 10 janvier, le Soudan, le Soudan du Sud et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont prolongé de six mois l’accord sur le transit de l’aide humanitaire via le Soudan vers le Soudan du Sud, jusqu’au 30 juin 2016. En juillet 2014, Juba et Khartoum ont signé un Mémorandum d’entente autorisant l’acheminement de l’aide entre les frontières et par voie fluviale afin de nourrir des milliers de civils affectés au Soudan du Sud.

 

L’écrasante majorité des civils sud-soudanais qui ont besoin d’une aide humanitaire viennent des États frontaliers du Soudan, c’est-à-dire Jonglei, Unité et le Haut-Nil. L’acheminement de l’aide via le Soudan est de ce fait plus facile sur le plan logistique. Depuis juillet 2014, le PAM a livré 27 00 tonnes d’aide alimentaire à environ 300000 personnes dans les États du nord du Soudan du Sud (Maban, Melut, Renk et Wadakona) en passant par les voies routière, fluviale et aérienne du Soudan. Les personnes situées dans ces zones dépendent en grande partie de l’aide alimentaire délivrée en empruntant ce couloir.

 

D.   UTILISATION D’UNE NOUVELLE ROUTE POUR GARANTIR UNE PLUS GRANDE ASSISTANCE

[Source : Sudan Tribune, Seventh food aid caravan dispatched from Sudan to South Sudan, 8 mai 2017, [traduction CICR] disponible sur : http : //www.sudantribune.com/spip.php?article62391]

 

 

7 mai 2017 (KHARTOUM) — Ce dimanche, un septième convoi d’aide humanitaire transportant 1752 tonnes de sorgho est parti en direction d’El-Obeid, la capitale régionale de l’État de Kordofan au nord du Soudan du Sud, afin de porter assistance aux populations vulnérables.

 

En février, trois agences des Nations Unies avaient signalé que la famine avait rapidement augmenté dans la jeune nation, alors qu'un million de personnes supplémentaires étaient en train de mourir de faim.

 

Le 30 juin, le Programme alimentaire mondial (PAM) a commencé à fournir une aide humanitaire au Soudan du Sud en passant par le nouveau couloir humanitaire après avoir reçu l'accord du Soudan. Ce corridor permet de transporter des vivres par voie terrestre, en partant d’El-Obeid, située au centre du Soudan, jusqu’à Bentiu, dans l’État d’Unité, au Soudan du Sud.

 

Le Commissaire de l’Aide humanitaire, Ahmed Babiker al-Hassan, a déclaré à l’agence de presse officielle SUNA que le sixième convoi transportait 1068 tonnes de sorgho, rappelant qu’un accord était en cours de négociation pour permettre l’ouverture d’un nouveau corridor humanitaire, d’El-Obeid à la ville d’Aweil au Soudan du Sud, en passant par El-Muglad.

 

Il a également déclaré que ce nouveau couloir faciliterait de manière significative l’acheminement de l’aide, avec l’élaboration d’un plan prévoyant le transit de 2000 tonnes de vivres, chaque semaine, vers le Soudan du Sud. […]

 

Le mois dernier, le Soudan a déclaré qu’il n’excluait pas la possibilité d’ouvrir un pont aérien pour acheminer l’aide alimentaire au Soudan du Sud durant la saison des pluies, officialisant ainsi une proposition d’ouverture d’un troisième couloir pour acheminer l’aide aux populations vulnérables, dans cette nation déchirée par la guerre. […]

 

Discussion

 

I. Qualification de la situation et droit applicable

1. Comment qualifieriez-vous la situation au Soudan du Sud? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification? Sous quelles conditions le protocole additionnel II serait-il applicable? (CG I-IV, art. 3PA II, art. 1)

 

II. Assistance humanitaire

2. En vertu du droit international humanitaire, qui a l’obligation première d’approvisionner la population en vivres de première nécessité lorsque les ressources du territoire sont insuffisantes? Les États sont-ils tenus de se conformer aux mêmes obligations dans les conflits armés internationaux et dans les conflits armés non internationaux qui se déroulent sur leur territoire ? (CG IV, art. 55, al. 1; PA I, art. 69; PA II, art. 18, par. 2; DIHC, règle 55)

3. Les États tiers, comme le Soudan dans cette situation, ont-ils l’obligation, en vertu du DIH, de faciliter l’accès de l’assistance humanitaire? (CG I-IV, art. 1; CG IV, art. 23; PA I, art. 70, par. 2; voir Conseil de sécurité des Nations Unies, Rés. 1296; Assemblée générale des Nations Unies, Rés. 46/182)

4. Les corridors humanitaires sont-ils prévus par le DIH? Sont-ils similaires aux zones protégées prévues par le DIH? Ces zones protégées pourraient-elles être utilisées dans les CANI? (CG I, art. 23CG IV, art 14 et 15PA I, art 59 et 60DIH coutumier, règles 35-37)

5. Est-il toujours nécessaire d’obtenir le consentement de l’État concerné pour assurer un accès humanitaire? Quand peut-on considérer que le consentement a été refusé pour des raisons arbitraires ? Dans les conflits armés non internationaux, consentir à l’accès humanitaire devrait-il relever de l’autorité du groupe armé qui contrôle cette partie du territoire? (CG IV, art 235559PA I, art 69 et 70PA II, art. 18, par. 2; DIHC, règle 55)

6. L’accès à l’assistance humanitaire prend-il également en compte la liberté de déplacement du personnel humanitaire en charge des secours ? Dans quelles situations cette liberté peut-elle être limitée? (DIHC, règle 56)

 

III. Éléments contribuant au respect du DIH

7. Quel est l’objectif du corridor humanitaire créé par les parties? Selon vous, quels sont les avantages à ouvrir ce couloir avec l’aide d’une entité telle que le Programme alimentaire mondial des Nations Unies? Cette coopération fait-elle une différence en termes d’efficacité? De visibilité? De soutien matériel?

8. (Document A) Le coordonnateur de l’action humanitaire des Nations Unies à Khartoum a affirmé quela coopération entre les deux gouvernements permettrait de mieux servir les intérêts des deux peuples. Selon vous, quels peuvent-être en être les bénéfices pour le Soudan du Sud? Pour le Soudan?  

9. Quel accueil la communauté internationale peut-elle réserver au plan opérationnel de 2014 et à l'ouverture des couloirs humanitaires qu’il prévoit ? Qu'en est-il de la population du Soudan du Sud? Pourquoi? Pensez-vous que ce type d'initiative puisse favoriser la bonne réputation d’un État?