Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :
Les enfants touchés par les conflits armés ont droit à un respect et à une protection particuliers.
Les enfants ne doivent pas être recrutés dans des forces armées ni dans des groupes armés.
Les enfants ne doivent pas être autorisés à participer aux hostilités.
Résumé du cas d’étude
Après un conflit armé qui a duré 52 ans, depuis 2012, le gouvernement colombien et les Forces armées révolutionnaires de Colombie – Armée populaire (FARC-EP), un groupe armé d’opposition, participent à des négociations de paix sous les auspices des Nations Unies (NU). Dans un premier temps, dans le rapport annuel du Secrétaire général des NU sur les enfants et les conflits armés de 2003, les FARC avaient été identifiés comme une partie au conflit qui recrute et utilise illicitement des enfants.
La Colombie est partie au Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, qui prévoit des obligations relatives à la démobilisation et la réintégration des enfants qui ont été recrutés de manière illicite.
Dans le cadre du processus de paix, le gouvernement colombien et les FARC-EP ont commencé à démobiliser des enfants associés aux FARC-EP et les ont aidés à réintégrer la vie civile.
Respect du DIH : les points à retenir
- En mai 2016, le gouvernement colombien et les FARC-EP ont signé un accord pour démobiliser les enfants qui avaient été recrutés dans les rangs des FARC-EP et les réintégrer dans la société.
- Dès le 11 septembre 2016 et conformément à l’accord, les FARC-EP ont commencé à libérer des enfants, par petits groupes, en suivant soigneusement un protocole prédéfini en coopération avec le gouvernement, les organes des NU impliqués et le CICR.
- Honorant ses engagements, le gouvernement colombien a pris des mesures pour que la réintégration des enfants démobilisés soient prise en charge dans des centres de transition spécialisés, dans lesquels ils ont pu bénéficier d’un soutien matériel et psychologique adapté, assuré par les services de l’État appropriés, des agences des NU et des organisations issues de la société civile, pour se préparer à retourner à la vie civile.
Ce cas pratique a été élaboré par Angèle Jeangeorge, Cristina San Juan Serrano et Eva Vaz Nave, étudiants en droit (LL.M.) à l’université de Leiden, sous la supervision du professeur Robert Heinsch ainsi que de Sofia Poulopoulou et Christine Tremblay, chercheuses doctorantes au Forum Kalshoven-Gieskes de université de Leiden, avec la participation de Jemma Arman et Isabelle Gallino, étudiantes en droit (LL.M.) à l’Académie de Genève.
A. ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT COLOMBIEN ET LES FARC POUR LA LIBÉRATION DE LEURS ENFANTS SOLDATS
[Source : ONU Info, Colombie ; Une responsable de l’ONU se félicite de l’accord pour réinsérer les enfants libérés par les FARC, 16 mai 2016, [traduction CICR] disponible sur : https://news.un.org/en/story/2016/05/529362]
Colombie : une responsable de l’ONU se félicite de l’accord pour réinsérer les enfants libérés par les FARC dans la société
16 mai 2016 – La Représentante spéciale de l’ONU pour les enfants et les conflits armés, Leila Zerrougui, a assisté dimanche à la Havane, à Cuba, à la signature d’un accord entre le gouvernement colombien et les rebelles des Forces armées révolutionnaires de Colombie -Armée populaire (FARC-EP) pour la libération et la réinsertion des enfants associés aux FARC-EP.
« C'est un privilège pour moi d'être ici aujourd'hui avec les Colombiens et je salue cet engagement important, qui met la question des enfants au cœur du processus de paix et promet de changer leur vie. Ceci est une étape nécessaire et urgente pour les enfants qui n'ont jamais connu un pays en paix », a déclaré Leila Zerrougui, Représentante spéciale de l’ONU pour les enfants et les conflits armés, dans un communiqué de presse, lors d’une réunion qui s’est tenue à la Havane, ville dans laquelle depuis 2012, des pourparlers avaient été engagés entre le gouvernement colombien et les FARC.
La Représentante spéciale a félicité les parties qui ont mené ce processus, ainsi que les garants et les autres partenaires, en particulier le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) et le Bureau du Coordonnateur résident en Colombie qui ont soutenu ces négociations dès leur début […].
[...]
Dans le cadre de cet engagement, les enfants âgés de moins de quinze ans seront libérés les premiers, suivis par tous les enfants de moins 18 ans. L'accord prévoit que les enfants libérés seront traités avant tout comme des victimes, et que leur intérêt sera considéré comme une priorité dans le cadre de leur réinsertion dans leurs communautés. [...]
Selon les Nations Unies, les hostilités en Colombie entre le gouvernement et les FARC ont chamboulé les vies de plus d’un quart de million d’enfants depuis que les parties au conflit ont entamé les négociations pour la paix, il y a trois ans.
Plus tard, dans cette même journée, l’UNICEF s’est félicité de l’accord signé entre le gouvernement colombien et les FARC, le principal groupe armé d’opposition en Colombie, en vue de libérer des rangs des FARCS tous les enfants âgés de moins de 15 ans.
« C’est un moment historique pour les enfants colombiens » a déclaré Roberto de Bernardi, représentant d’UNICEF Colombie. « L’UNICEF est prêt à soutenir la libération de tous les enfants et leur réintégration dans leurs familles et communautés, dans le respect des lois nationales et internationales ».
Initiés il y a 3 ans, ces pourparlers de paix entre le gouvernement et les FARC mettront fin à plus de 50 ans de conflit et montrent déjà des résultats prometteurs sur le terrain : entre 2013 et 2015, le nombre d’enfants tués ou blessés par des mines ou des engins non explosés a diminué de moitié et le nombre d’enfants déplacés a baissé de 40%, selon un rapport de l’UNICEF.
Néanmoins, selon ce rapport, L’Enfance en Temps de Guerre : Les enfants de Colombie connaîtront-ils enfin la paix ?, 1000 enfants auraient employés ou recrutés dans des groupes paramilitaires et plus de 230 000 enfants auraient été déplacés.
[…]
B. DÉBUT DE LA DÉMOBILISATION DES ENFANTS SOLDATS RECRUTÉS PAR LES FARC
[Source : AFP, « Colombie : début de la démobilisation des mineurs combattants pour les FARC », Le Point, 11 septembre 2016, disponible sur : https://www.lepoint.fr/monde/colombie-debut-de-la-demobilisation-des-mineurs-combattant-pour-les-farc-11-09-2016-2067516_24.php]
Colombie : début du processus de démobilisation des mineurs des FARC
Treize mineurs ont quitté samedi les camps des Farc, marquant le début de la démobilisation des enfants et adolescents de la guérilla marxiste, conformément aux accords de paix négociés avec le gouvernement colombien. « Cet après-midi, un deuxième groupe de cinq mineurs a été reçu par une mission du Comité international de la Croix-Rouge et deux délégués d'organisations sociales », selon un communiqué de cet organisme, qui ne précise pas l'endroit où cela a eu lieu. Dans la matinée, un premier groupe de huit enfants avait déjà été recueilli par le CICR. Le CICR doit procéder à leur sortie à une évaluation de la santé physique et mentale de ces mineurs, et vérifier leurs identités ainsi que leurs informations personnelles.
C. DÉMOBILISATION DE MINEURS EN COORDINATION AVEC L’UNICEF ET LE CICR
[Source : « Termino con exito primera salida de menores de las Fare en Antioquia », (La remise des mineurs des FARC s’est effectuée avec succès à Antioquia), El Tiempo, 4 mars 2017, [traduction CICR] disponible en espagnol sur : http://www.eltiempo.com/politica/proceso-de-paz/farc-entregan-menores-de-edad-en-antioquia-64144]
Succès de la remise des premiers mineurs libérés des rangs des FARC à Antioquia
Les FARC ont commencé à libérer les premiers mineurs de leurs rangs samedi, à Antioquia. La guérilla les a remis au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) dans le district de Carrizal, de la municipalité de Remedios, au nord-est d’Antioquia. Cette libération est la première d’une série de dix remises qui doivent avoir lieu dans les prochaines semaines, dans différentes régions du pays.
Les mineurs remis au CICR par le groupe rebelle provenaient de l’une des zones du nord-est d’Antioquia désignées pour assurer la transition des FARC vers la vie civile. Jaime Fajardo Landaeta, conseiller pour la paix auprès du gouvernement d’Antioquia, a déclaré que son gouvernement se préparait à mettre en œuvre les accords visant à restaurer les droits de ces mineurs et à les aider à réintégrer la vie civile.
« Nous pouvons désormais dire à la population que le processus de libération des mineurs des rangs des FARC a repris, à la suite de l’accord final conclu le 24 novembre » a déclaré Paula Gaviria, conseillère présidentielle pour les droits de l’homme. Mme Gaviria a confirmé que cette première remise avait été un succès et serait la première d’une série d’opérations visant à libérer les mineurs dans les « Zonas Veredales Transitorias de Normalizacion » (Zones cantonales transitoires de normalisation).
Ces derniers jours, dans cette zone d’Antioquia, les FARC ont donné des listes avec les informations personnelles des mineurs. Avant leur transfert, les adolescents ont fait l’objet d’examens médicaux par le personnel du CICR intégré à l’équipe intervenant dans cette opération, afin de s’assurer qu’ils étaient aptes à être envoyés au centre de réception.
Comme l’a précisé Christoph Harnisch, chef de la délégation du CICR en Colombie, « Conformément à l’accord conclu entre les parties, les mineurs ont été remis à une équipe de l’UNICEF dans le centre de réception transitoire (…). Le CICR va faciliter d’autres opérations de ce type dans les prochaines semaines. »
Lors des négociations de paix qui se sont tenus à la Havane, les FARC se sont engagés à ce que tous les mineurs de moins de 15 ans soient libérés de leurs camps. L’accord trouvé entre le gouvernement et les FARC prévoit un programme de réception transitoire pour assurer la démobilisation des mineurs. Ces derniers doivent subir un examen médical préliminaire et leur identité doit être confirmée par le CICR avant qu’ils ne soient remis à une équipe de réception de l’UNICEF.
Une fois cet examen médical effectué, priorité serait alors donnée au retour de ces enfants dans leurs familles. En attendant, ils seront temporairement logés par l’Institut colombien du bien-être familial et bénéficieront d’un soutien psychologique.
Comme l’a indiqué la conseillère pour les droits de l’homme, Paula Gaviria, « Dès que les mineurs arriveront dans les centres de réception, le travail avec diverses organisations pour restaurer leurs droits et entamer le processus de réintégration familiale dans les communautés dans lesquelles ils souhaitent construire leur vie, pourra commencer ». […]
« Il n’est pas seulement question de garantir leur libération, mais également de garantir qu’ils reçoivent les soins appropriés, de déterminer s’ils pourront ou non rentrer chez eux ou étudier, ou encore s’ils doivent séjourner d’abord dans une institution publique le temps de leur réadaptation », a expliqué Jaime Fajardo, conseiller régional pour la paix. [...]
« Sur le plan humain, c’est un triste processus car ces garçons et ces filles qui vont quitter les camps vont laisser derrière eux leurs espoirs et leurs compagnons. Ce départ est un véritable coup au cœur et au moral pour tous ces enfants qui ont traversé ces épreuves ensemble » a déclaré Quintero, le commandant de l’unité Magdalena Medio des FARC.
Le directeur de l’Agence colombienne pour la réintégration (ACR), Joshua Mitrotti, a confirmé que les institutions publiques auraient beaucoup à faire pour permettre à ces jeunes gens de réintégrer la société, de s’adapter à l’économie et de pouvoir pleinement exercer leurs droits et leurs devoirs.
Ces 15 dernières années, l’Institut colombien pour le bien-être familial a pris en charge près de 6000 enfants anciennement associés à des groupes armés. Parmi eux, 65% avaient été recrutés par les FARC.
Discussion
I. Qualification de la situation et droit applicable
1. Comment qualifieriez-vous la situation en Colombie entre le gouvernement et les FARC, à l’époque ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? Les parties ont-elles un niveau d’organisation suffisant pour pouvoir qualifier la situation de conflit armé non international ? (CG l-IV, art. 3 ; PA II, art. 1)
2. Le conflit armé a-t-il pris fin ? Quand un conflit armé non international prend-il fin ?
II. Obligations de la Colombie et des FARC relatives aux enfants
3. Outre la protection accordée à la population civile en général, de quelles protections spécifiques les enfants bénéficient-ils dans des conflits armés non internationaux ? Cette protection diffère-t-elle de celle accordée aux enfants dans une situation de conflit armé international ? Les groupes armés non étatiques tels que les FARC ont-ils l’obligation de s’abstenir de recruter des enfants ? (PA II, art. 4, par. 3 et art. 6, par. 4 ; DIHC, règles 135-137).
4. A quel âge une personne peut-elle être recrutée par les forces armées d’un État ? En tant que combattant d’un groupe armé ? À cet égard, existe-t-il une différence entre les forces armées d’un État et les forces de groupes armés non étatiques ? Si oui, laquelle ? En s’appuyant sur le droit applicable dans cette situation, à quel âge les enfants concernés pourraient-ils être recrutés ? (PA I, art. 77, par. 2 ; PA II, art. 4, par. 3, c) ; DIHC, règles 136-137 ; Convention de 1989 relative aux droits de l’enfant, art. 38, par. 2 ; Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, art. 1-4)
5. Les accords conclus entre le gouvernement colombien et les FARC traitent en particulier de la réintégration d’anciens enfants soldats dans la société. Le DIH contient-il des dispositions spécifiques en matière de réintégration, notamment des dispositions qui, si elles sont respectées, obligeraient les parties à démobiliser les enfants soldats et à les réintégrer dans la société ? Lesquelles ? De quelle manière ? (PA II, art 4, par. 3, a) ; DIHC, règle 135)
III. Éléments contribuant au respect du droit international humanitaire
6. (Document A) Quelles répercussions positives la démobilisation des enfants peut-elle avoir en Colombie ? Notamment, pour le processus de paix colombien en général ?
7. Qu’est-ce qui aurait pu inciter les FARC à démobiliser les enfants soldats ? Quelle a pu être l’influence d’organisations telles que l’UNICEF et le CICR à cet égard ? Comment la communauté internationale a-t-elle perçu cette démobilisation ? Qu’en est-il de la population locale ? Et vous ?
8. Le Document A mentionne la cérémonie publique durant laquelle l’accord a été signé et qui s’est déroulée le 15 mai 2016. À votre avis, pourquoi la signature d’un tel accord a-t-elle été rendue publique ? Cela a-t-il pu avoir un impact au niveau international ? Et au niveau national ?
9. Selon vous, quels avantages présente l’intervention d’UNICEF et du CICR dans la démobilisation des enfants soldats ? D’après le Document C, comment leur participation a-t-elle aidé les enfants en question ?