Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :
Les personnes privées de liberté doivent se voir fournir de la nourriture, de l’eau et des vêtements en suffisance, ainsi qu’un logement et des soins médicaux convenables.
Dans les conflits armés internationaux, le CICR doit se voir accorder un accès régulier à toutes les personnes privées de liberté afin de vérifier leurs conditions de détention et de rétablir le contact entre ces personnes et leur famille.
Les prisonniers de guerre doivent être libérés et rapatriés sans délai après la fin des hostilités actives.
Les internés civils doivent être libérés dès que les causes qui ont motivé leur internement cessent d’exister, mais en tout cas dans les plus brefs délais possibles après la fin des hostilités actives.
Résumé du cas d’étude
En janvier 1995, en raison d’un différend frontalier, un conflit armé a éclaté entre l’Équateur et le Pérou et a entrainé des arrestations dans les deux camps. En février, les parties ont officiellement déclaré qu’elles avaient convenu de faire cesser les hostilités pour renforcer leur engagement à un cessez-le-feu et à la recherche d’une paix durable.
Le processus de paix qui s’en est suivi prévoyait notamment que l’Équateur et le Pérou échangent des prisonniers de guerre (PG) à deux reprises. Plusieurs acteurs internationaux ont facilité ces échanges et ont fourni une assistance.
Respect du DIH : les points à retenir
- En coopération avec les autorités compétentes, des délégués du CICR ont visité des internés civils détenus par l’Équateur et le Pérou en raison du conflit et ont pu s’entretenir avec eux en privé.
- Le 1er mars 1995, en coopération avec le CICR, le Pérou a remis deux PG Équatoriens aux autorités équatoriennes, en échange de sept PG Péruviens qui avaient été internés en Équateur.
- Un deuxième échange a eu lieu le 30 juin 1995, lors duquel quatre civils équatoriens et onze civils péruviens ont été libérés et rapatriés en Équateur et au Pérou grâce à l’aide du CICR. Dans un communiqué de presse publié au moment de l’échange, le gouvernement équatorien a reconnu que cet échange contribuait à un processus de paix plus global et rappelé son engagement à respecter les dispositions de l’article 118 de la Troisième Convention de Genève relatives au traitement des prisonniers de guerre.
Ce cas d’étude a été élaboré par Emma Persson, James Patrick Sexton et Shaya Javadinia, avec le concours de Maria Querol Guillen et d’Eliza Walsh, étudiantes en droit (LL.M.) à l’université de Leiden, sous la supervision du professeur Robert Heinsch, ainsi que d’Alla Ershova (chercheuse principale) et d’Ashley Peltier (chercheuse), du Kalshoven-Gieskes Forum de l’université de Leiden.
A. DES ACCORDS DE PAIX PRÉPARENT LA VOIE AUX PREMIERS ÉCHANGES DE PRISONNIERS
[Source : « Declaración de Paz de Itamaraty entre Ecuador y Peru », 17 février 1995, p. 1, disponible sur : https://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/EC%20PE_950217_Declaracion%20Itamaraty.pdf]
En la reunión de alto nivel diplomático de los países garantes del protocolo de Río de Janeiro [Argentina, Chile, Brazil, United States], los Vicecancilleres del Ecuador y del Peru, Embajador Marcelo Fernández de Córdoba, y Embajador Eduardo Ponce Vivanco, en representación de sus Gobiernos, confirman el cese de hostilidades entre el Ecuador y el Peru, conforme a los comunicados oficiales divulgados por los dos Gobiernos, a partir de las 12 (doce) horas – hora de Quito y Lima – del 14 de febrero.[1]
Para consolidar el acuerdo de cese del fuego, y a fin de evitar nuevas confrontaciones que alteren las relaciones de paz, amistad y buena vecindad entre Peru y Ecuador.
[...]
[Source : « Communiqué de presse publié par le Ministère équatorien des relations extérieures le 28 février 1995 », 28 février 1995, en annexe de la « Lettre datée du 2 mars 1995, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de l’Équateur auprès de l’Organisation des Nations Unies », p. 2, disponible sur : https://peacemaker.un.org/eduador-peru-montevideo-declaration95]
[...] Le Ministère équatorien des relations extérieures fait savoir qu’à la suite d’une longue réunion qui s’est tenue ce jour, le 28 février, à Montevideo, les Ministres des relations extérieures des pays garants du Protocole de Rio de Janeiro ont signé, avec les Ministres équatorien et péruvien des relations extérieures, la Déclaration de Montevideo, dans laquelle ils soulignent leur volonté politique de promouvoir le processus de paix et la cessation des hostilités dans le cadre du conflit opposant les deux pays, conformément à la Déclaration d’Itamaraty signée le 17 février 1995.
[...]
B. PREMIER ÉCHANGE DE PRISONNIERS DE GUERRE LE 1ER MARS 1995
[Source : CICR, « Pérou/Equateur : séquelles du conflit frontalier », 22 mars 1995, disponible à la p. 28, https://library.icrc.org/library/docs/DOC/DOC_00383.pdf]
[...] Le 1er mars, les autorités des deux pays ont libéré respectivement deux prisonniers de guerre équatoriens internés au Pérou et sept prisonniers de guerre péruviens internés en Equateur. Ces prisonniers ont été visités sans témoin par les délégués, conformément aux critères de l'institution et leur rapatriement a été organisé sous les auspices du CICR. A ce jour les délégués ont pu visiter sans témoin une trentaine d'internés civils de part et d'autre. Tous n'ont pas été libérés.
[...]
Un accord de cessez-le-feu, signé à Montevideo le 28 février, sous l'égide des quatre pays garants du Protocole de Rio, a mis fin aux hostilités.
[...]
C. DEUXIÈME ÉCHANGE DE PRISONNIERS DE GUERRE LE 30 JUIN 1995
[Source : « Lettre datée du 3 juillet 1995, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de l’Équateur [Guillermo G. Camacho] auprès de l’Organisation des Nations Unies », A/49/939, S/1995/545, 3 juillet 1995, pp. 1-2, disponible sur : https://digitallibrary.un.org/record/198670?ln=fr]
Lettre datée du 3 juillet 1995, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de l’Équateur auprès de l’Organisation des Nations Unies
J’ai l’honneur de vous faire tenir ci-joint le texte d’un communiqué de presse du Ministère des relations extérieures de l’Équateur, en date du 30 juin 1995, qui contient des informations sur le rapatriement simultané de quatre ressortissants équatoriens et de 11 ressortissants péruviens, qui étaient détenus respectivement au Pérou et en Équateur à la suite du conflit armé survenu cette année entre les deux pays.
Je vous serais très reconnaissant de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente note et de son annexe comme document de l’Assemblée générale, au titre du point 74 de l’ordre du jour, et du Conseil de sécurité.
Annexe
Communiqué de presse du Ministère des relations extérieures de l’Équateur, en date du 30 juin 1995
Le Ministère des relations extérieures a fait savoir qu’à l’issue des entretiens tenus à Brasilia la semaine dernière entre les vice-ministres des relations extérieures de l’Équateur et du Pérou, les citoyens équatoriens et péruviens qui étaient détenus dans ces deux pays à la suite du conflit armé seraient rapatriés simultanément.
La décision de procéder à ce rapatriement répond aux vœux du Gouvernement national, qui souhaitait que les quatre compatriotes détenus au Pérou rentrent dès que possible au pays et puissent reprendre leur vie normale. De surcroît, le Ministère des relations extérieures, qui a pu compter sur l’appui et la collaboration des autorités militaires et de police compétentes, a estimé que ce processus de rapatriement contribuait réellement et efficacement à améliorer les relations entre l’Équateur et le Pérou.
[...]
L’Équateur, qui a donné constamment des preuves de ce qu’il respectait et observait scrupuleusement le droit humanitaire, s’est acquitté des dispositions énoncées à l’article 118 de la troisième Convention de Genève relative aux prisonniers de guerre.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a collaboré étroitement avec les autorités équatoriennes afin que puissent être menées à bien les démarches entreprises depuis plusieurs mois par le Ministère des relations extérieures dans le but de rapatrier simultanément les prisonniers. The ICRC representative, and a doctor from that organization, Dr. Daniel Koch, visited the prisoners this morning. Dr. Koch certified that the Peruvian citizens are in good physical and mental health and will accompany them back to Lima.
Le représentant du CICR, M. Jean-Pierre Givel, et un médecin appartenant à cet organisme international, le docteur Daniel Kock, ont rendu visite ce matin aux détenus susmentionnés. Le docteur Kock a attesté leur bon état de santé, tant physique que psychologique, et il accompagnera à Lima les ressortissants péruviens susmentionnés.
Discussion
I. Qualification de la situation et droit applicable
1. Comment qualifieriez-vous la situation entre l’Équateur et le Pérou en janvier/février 1995, avant la cessation des hostilités ? (CG I-V, art. 2, art. 3 ; PA I, art. 1 ; PA II, art. 1)
2. À partir de quand les obligations relatives aux PG et aux internés civils s’appliquent-elles ? Un accord de cessez-le-feu est-il nécessaire pour déclencher ces obligations ? (CG III, art. 110, art. 118 ; CG IV, art. 134).
II. Échange de prisonniers de guerre
3. Dans quels délais les parties doivent-elles libérer et rapatrier les PG en vertu du DIH ? Quelles difficultés peuvent-elles rencontrer pour remplir l’obligation d’échanger les PG « sans délai après la fin des hostilités actives » ? (CG III, art. 118 ; DIHC, Règle 128).
4. De quelle façon les membres des forces armées obtiennent-ils le statut de PG ? Ce statut peut-il leur être refusé ? Les civils peuvent-ils bénéficier du statut de PG ? En quoi les garanties accordées aux internés civils diffèrent-elles de celles accordées aux PG ? (CG I, art. 3 ; CG III, art. 4, art. 118, art. 119 ; CG IV, art. 4 ; PA II, art. 4, par. 1 ; art. 5 ; DIHC, Règle 128)
5. Quelles obligations incombent aux États s’agissant de la libération des PG ? Dans ce cas d’étude, l’Équateur et le Pérou ont échangé des PG simultanément. Cette réciprocité est-elle exigée par le DIH, ou les parties peuvent-elles aussi libérer des PG de façon unilatérale ? (CG III, art. 118, art. 119 ; DIHC, Règle 128).
6. Les parties au conflit ont-elles l’obligation d’autoriser l’accès humanitaire aux PG ? (CG III, art. 126 ; CG IV, art. 76 ; DIHC, Règle 124).
III. Éléments contribuant au respect du DIH
7. (Document C) Dans sa lettre adressée au Secrétaire général des Nations Unies, l’Équateur mentionne en particulier son respect de l’article 118 de la Troisième Convention de Genève (1949). En quoi le fait de rappeler qu’ils se conforment aux DIH est-il un atout pour les États ? Selon vous, la question de la réputation internationale des parties pourrait-elle les encourager à respecter le DIH ?
8. (Document A, source 2) Quelle a été l’influence des pays garants du Protocole de Rio de Janeiro (Argentine, Brésil, Chili et États-Unis) sur les échanges de PG entre l’Équateur et le Pérou ? Pensez-vous que ces échanges auraient été possibles sans leur intermédiaire ? Qu’est-ce qui a pu motiver les pays garants à encourager les échanges de PG ?
9. (Document C) Selon la déclaration de l’Équateur, « le processus de rapatriement contribu[e] réellement et efficacement à améliorer les relations entre l’Équateur et le Pérou ». Dans quelle mesure pensez-vous que ces échanges mutuels de PG peuvent contribuer au processus de paix entre l’Équateur et le Pérou ?
10. (Documents B et C) Selon vous, quels sont les avantages à bénéficier des services des organisations humanitaires pour faciliter et soutenir les échanges de PG ? Pensez-vous que la participation d’organisations humanitaires à ce processus a une influence sur la manière dont les détenus sont traités avant leur rapatriement ?
[1] Traduction CICR Paris : « Lors d’une réunion à haut-niveau entre les pays garants du Protocole de Rio de Janeiro, les vice-ministres de l’Équateur et du Pérou, l’Ambassadeur Marcelo Fernandez de Cordoba et l’Ambassadeur Eduardo Ponce Vivanco, en qualité de représentants de leur gouvernement, ont confirmé la cessation des hostilités entre l’Équateur et le Pérou, suite aux déclarations officielles publiées par les deux gouvernements, et ce à partir de midi – heure de Lima et Quito – le 14 février, afin de consolider l’accord de cessez-le-feu et d’éviter tout nouveau désaccord qui pourrait altérer les relations de paix, l’amitié et la bonne entente entre le Pérou et l’Équateur ».