Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :
Chaque partie au conflit doit respecter et faire respecter le DIH par ses forces armées ainsi que par les autres personnes ou groupes agissant en fait sur ses instructions ou ses directives ou sous son contrôle.
Les États et les parties au conflit doivent dispenser une instruction en DIH à leurs forces armées.
Résumé du cas d’étude
Depuis 2012, le Mali est en proie à un conflit armé opposant les forces armées maliennes à de nombreux groupes armés non étatiques, principalement situés dans le nord du pays. Le CICR dialogue avec toutes les parties au conflit pour renforcer le respect du DIH.
Dans cet objectif, le CICR a organisé des sessions de formation grâce auxquelles le personnel militaire malien et les membres de groupes armés ont accru leurs connaissances sur le DIH. On retrouve les principes du DIH dans la Constitution actuelle du Mali et dans sa doctrine militaire. Ces derniers prennent racine dans la charte de Kouroukan Fouga, datant du 13ème siècle, qui consacrait des droits sociaux et des responsabilités sous l’Empire du Mali et incarne aujourd’hui encore les valeurs de la société malienne.
Respect du DIH : les points à retenir
- En 2014, plus de 200 combattants issus de trois groupes armés basés dans le nord du Mali ont participé à une formation dispensée par le CICR, afin de générer le respect du DIH. La formation portait en particulier sur l’obligation des participants de protéger la population civile, les détenus et les personnes qui ne participent plus aux hostilités.
- Lors d’un entretien avec le CICR réalisé en 2015, le chef de l’État-major général des armées du Mali a souligné la responsabilité de ses forces de promouvoir le droit et la justice et de respecter les droits de la population civile. Il a rappelé que :
- le personnel militaire avait été sensibilisé au DIH lors de sessions de formation militaire et sur le terrain
- les règles du droit interne et la doctrine militaire prenaient en compte les principes du DIH et prévoyaient des sanctions en cas de violation, soulignant la responsabilité du commandement de garantir le respect du DIH dans les rangs de l’armée
- les forces armées ont élaboré un dispositif de correspondances militaires pour garantir le respect du DIH, lequel prévoit qu’une police militaire indépendante surveille le comportement du personnel des unités sur le terrain et signale aux autorités judiciaires compétentes toute infraction sur la chaine du commandement.
- Avec le soutien du CICR, les forces armées ont élaboré un manuel sur le DIH adapté au contexte malien afin de le distribuer à tous les commandants d’unités, ainsi qu’un petit manuel illustré de DIH destiné aux membres des forces armées, pour diffuser les règles du DIH de manière claire aux soldats du premier échelon.
Ce cas pratique a été élaboré par Laura Di Gianfrancesco, Reine Pfister et Thilo Tesing, étudiants en droit (LL.M.) à l’université de Rome III et sous la supervision de Giulio Bartolini (professeur) et de Tommaso Natoli (assistant de recherche) de la clinique de DIH de l’université Rome III, avec le concours de Jemma Arman et Isabelle Gallino, étudiantes en droit (LL.M.) à l’Académie de Genève.
A. MALI : FORMATION DE GROUPES ARMES AU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE
[Source : « Mali : formation de groupes armés au droit international humanitaire », 30 septembre 2014, communiqué de presse, CICR, disponible sur : https://www.icrc.org/fr/document/mali-formation-de-groupes-armes-au-droit-international-humanitaire]
Des membres du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) participent à une formation au droit international humanitaire (DIH), organisée par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le 1er octobre 2014, à Kidal.
Les participants sont sensibilisés notamment à la protection des populations civiles et des personnes hors de combat, au traitement des personnes capturées et au respect des principes humanitaires.
« Cette formation s’inscrit dans le cadre d’une série de formations entamées il y a quelques semaines, et qui nous ont permis à ce jour de sensibiliser au DIH plus de 200 combattants du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) et du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), notamment à Ménaka, Ber et Kidal », explique Christoph Luedi, chef de la délégation du CICR au Mali. « Il s’agit à terme de rendre ces groupes armés conscients de leurs responsabilités en matière de respect du DIH et de leur faire mieux connaître les règles de comportement applicables dans les situations de conflit ».
Le droit international humanitaire est un ensemble de règles qui visent à limiter les effets des conflits armés. Il protège les personnes qui ne participent pas ou plus aux combats et restreint les moyens et méthodes de guerre.
« Cette formation est possible grâce à la qualité des relations que nous entretenons avec les responsables de ces différents groupes armés depuis plusieurs années », indique M. Luedi. « Conformément à son mandat, le CICR dialogue avec toutes les parties au conflit et leur apporte le soutien nécessaire dans le domaine du DIH ».
En sa qualité d’organisation humanitaire neutre et impartiale, le CICR est en contact avec tous les acteurs du conflit au Mali. À ce titre, l’institution s'est engagée depuis plusieurs années aux côtés de toutes les forces armées, afin de les aider à mieux comprendre et respecter le DIH.
B. MALI : L’ARMEE MISE SUR LA FORMATION ET LES SANCTIONS POUR MIEUX FAIRE RESPECTER LE DROIT
[Source : « Mali : l’armée mise sur la formation et les sanctions pour mieux faire respecter le droit », 12 mars 2015, article du CICR, disponible sur : https://www.icrc.org/fr/document/mali-larmee-mise-sur-la-formation-et-l…]
Au Mali, le CICR contribue à promouvoir le droit international humanitaire (DIH) auprès des forces armées maliennes (FAMa), des forces armées internationales présentes dans le pays, et d'autres porteurs d'armes. Le général de division Mahamane Touré, chef de l'état-major général des armées, revient sur l'importance du DIH.
« L'armée malienne est présente sur une grande partie du territoire où très souvent l'État et la justice sont absents. Nous y représentons donc en quelque sorte l'État et l'État malien doit être vu, perçu et compris comme juste et protecteur du citoyen. Il est donc très important que le militaire, partout où il se trouve, promeuve le droit et la justice ».
Diriez-vous que le DIH est bien connu et respecté par les FAMa ?
Le DIH est enseigné dans toutes les écoles militaires. Des actions de sensibilisation sont menées dans le cadre de toutes les formations et sur le terrain. Mais il faut du temps pour qu'il soit assimilé et intégré dans les habitudes.
La charte de « Kouroukan Fouka », qui précède la Déclaration universelle des droits de l'homme, démontre que le respect du citoyen, du droit et de l'ordre sont ancrés dans notre histoire. Aujourd'hui, nous devons montrer que nous sommes en phase avec notre histoire.
Le respect strict du DIH par tous nos hommes est encore un objectif à atteindre, mais je suis convaincu que la plupart des militaires ont compris son importance et s'efforcent de l'appliquer. Ce qui est très important, c'est que le militaire respecte les droits du citoyen et que le citoyen le respecte et vive avec lui en toute confiance. C'est à cette condition que le soldat peut correctement accomplir sa mission. Nous devons donc mériter et gagner ce respect et cette confiance.
Et la responsabilité du commandement ?
La responsabilité du commandement, c'est d'abord de s'assurer d'une bonne sélection des militaires, de leur encadrement et leur formation. Cela requiert des cadres de qualité, compétents, et conscients de leurs responsabilités vis-à-vis des jeunes militaires sous leur conduite.
La responsabilité du commandement, c'est aussi de sanctionner quand la loi n'est pas respectée. Nous sommes en train de bâtir une armée dont les responsables, sont conscients de leurs responsabilités.
Avez-vous des mécanismes internes de sanction des violations du DIH ?
Les sanctions existent ! Elles sont mentionnées dans la Constitution et dans le règlement du service dans l'armée. À titre d'exemple, l'article 3 de la Constitution de la République stipule que « tout individu, tout agent de l'État qui se rendrait coupable (...) de mauvais traitements, de sévices, de traitements inhumains, cruels, dégradants ou humiliants, soit de sa propre initiative, soit sur instruction, sera puni conformément à la loi ».
Nous avons également mis en place un dispositif d'accompagnement de toutes les unités militaires sur le terrain par des prévôts autonomes habilités à en évaluer les actions et à en référer à leur hiérarchie, voire au ministre de la Défense et des anciens combattants. Ces correspondances militaires sont transmises de droit à l'autorité judiciaire. Notons en outre l'effectivité de la Direction de la justice militaire et de son tribunal.
Nous avons donc toute une panoplie de sanctions, qui s'appliquent à tous.
Comment appréciez-vous le soutien du CICR aux FAMa ?
L'accompagnement du CICR nous aide à nous assurer que nous agissons dans le respect du droit. Il nous permet également de rattraper d'éventuels retards en la matière. Grâce à la participation de nos cadres à des formations, le CICR nous donne l'occasion de nous frotter aux autres, d'apprendre de leurs expériences et de nous développer.
Le soutien de proximité que le CICR nous offre en allant régulièrement au contact de nos militaires sur le terrain pour les former et leur rappeler leurs obligations vis-à-vis des populations est très important. Il en va de même du « Manuel de base du DIH » sur lequel nous travaillons ensemble depuis quelques mois. Nous allons ainsi disposer d'un outil didactique propre à l'armée malienne, qui tiendra compte de nos réalités et sera remis à tous les commandants d'unités.
J'aimerais aussi évoquer les visites que vous rendez aux prisonniers, notamment aux prisonniers de guerre, pour les écouter, leur apporter du soutien, leur transmettre les messages de leur famille et tout cela en toute discrétion. Sans oublier la confidentialité avec laquelle vous traitez certains sujets.
En quoi les outils développés avec le CICR vous sont-ils utiles ?
Ces outils pédagogiques sont excellents. Le petit manuel de DIH destiné aux soldats, qui est très simple et bien illustré, me semble particulièrement efficace. Comme on le dit souvent, la valeur pédagogique d'une image vaut bien plus que celle de centaines de mots. J'apprécie l'effort qui est fourni pour simplifier les messages, afin qu'ils puissent rentrer dans l'inconscient du soldat ; ce qui, le moment venu, peut l'aider à avoir le bon réflexe et à agir correctement.
Si vous deviez en quelques mots transmettre un message sur le DIH à vos hommes, que leur diriez-vous ?
Je voudrais rappeler à tous les militaires maliens qu'il est de leur responsabilité de se respecter d'abord. La première des règles, c'est de savoir qui nous sommes, quelles valeurs nous transmettons et surtout que nous sommes Maliens. Le droit humanitaire international édicte un certain nombre de règles qui se retrouvent dans nos corpus doctrinaux, dans la Constitution de la République, dans les règlements et dans les codes de conduite de l'armée. Tous ces instruments tournent autour du respect cardinal de nos concitoyens.
Je compte sur chacune et chacun de vous, qui représentez l'État partout où vous vous trouvez, pour respecter ces règles, car elles constituent le fondement de notre société et des armées. C'est selon ces règles et à travers elles que nous serons jugés.
Discussion
I. Qualification de la situation et droit applicable
1. Comment qualifierez-vous la situation au Mali ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? Sous quels termes le Protocole additionnel II serait-il applicable dans ce contexte ? (CG I à IV, art. 2 et 3 ; PA II, art. 1).
II. Mise en œuvre du DIH
2. Les Etats sont-ils obligés de former leurs forces armées au DIH ? En temps de conflit armé ? En temps de paix ? (CG I à IV, art. 1 ; CG I, art. 47 ; CG II, art. 48 ; CG III, art. 127 ; CG IV, art. 144 ; PA I, art. 83 ; PA II, art. 19 ; DIHC, règle 142). Les commandants des armées ont-ils une responsabilité juridique de s’assurer de la diffusion du DIH ? (PA I, art. 87 ; DIHC, règle 153).
3. Les obligations des Etats de diffuser le DIH s’appliquent-elles également aux groupes armés non étatiques présents sur leur territoire ? Comment un Etat peut-il mettre en œuvre ses obligations en ce sens ?
III. Eléments contribuant au respect du DIH
4. Les racines du principe d’humanité, tel qu'il est consacré par le DIH, sont-elles universelles ? (CG I, art. 63 ; CG II, art. 62 ; CG III, art. 142 ; CG IV, art. 158 ; PA I, art. 1, par. 2 ; PA II, Préambule). Sur quelles racines s'appuie ce principe d'humanité dans le cas du Mali ? Pourquoi le fait de comprendre l'importance du principe d’humanité au Mali peut-il aider à la diffusion et au respect du DIH ? Quels en sont les risques ?
5. Faut-il l’aide d’un conseiller juridique pour comprendre les Conventions de Genève ? Selon vous, quelles sont les règles qui sont les plus aisées à comprendre et à transmettre ? Les règles qui pourraient être les plus difficile à expliquer ? Quels outils pédagogiques peuvent être utilisés pour faciliter la diffusion du DIH ?
6. (Document B) Pourquoi est-ce important que les soldats « assimilent et intègrent » le DIH dans leurs habitudes ?
7. Pour le CICR, quels sont les avantages à développer des relations à long-terme avec les parties au conflit ? Quels en sont les risques, pour sa neutralité telle qu'elle peut être perçue ? Comment peut-on atténuer ces risques ?