Traitement et libération des détenus

Traitement humain et libération des détenus au Niger : 2007–2009

Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Les personnes civiles et les personnes hors de combat doivent être traitées avec humanité.

Les personnes privées de liberté doivent se voir fournir de la nourriture, de l’eau et des vêtements en suffisance, ainsi qu’un logement et des soins médicaux convenables.

Dans les conflits armés internationaux, le CICR doit se voir accorder un accès régulier à toutes les personnes privées de liberté afin de vérifier leurs conditions de détention et de rétablir le contact entre ces personnes et leur famille.

Les personnes privées de liberté doivent être autorisées à entretenir une correspondance avec leur famille.

Les personnes privées de liberté doivent être autorisés, dans la mesure du possible, à recevoir des visites.

Les personnes privées de leur liberté en relation avec un conflit armé non international doivent être libérées dès que les causes qui ont motivé leur privation de liberté cessent d’exister. La privation de liberté de ces personnes peut se poursuivre si des procédures pénales sont en cours à leur encontre ou si elles purgent une peine qui a été prononcée dans le respect de la loi.

Résumé du cas d’étude

Entre 2007 et 2009, les forces armées du Niger (FAN) ont conduit des opérations contre le Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ), un groupe armé non étatique. Les membres des FAN, dont certains avaient été blessés en raison des combats, ont été capturés et retenus dans une base arrière du MNJ située dans le désert

Le MNJ a autorisé le CICR à visiter les soldats qui avaient été faits prisonniers et à leur fournir une aide médicale et humanitaire. À ce titre, certains prisonniers ont été libérés pour raison médicale. Par la suite, le MNJ a libéré tous les soldats détenus.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. En juin 2007, le MNJ a permis aux délégués du CICR de visiter 72 membres des FAN capturés et de leur apporter l’assistance médicale dont ils avaient besoin.
  2. Par la suite, à la demande du MNJ et des FAN, le CICR a organisé l’évacuation vers un hôpital de 30 membres des FAN blessés, afin qu’ils soient soignés par l’équipe de chirurgiens du CICR avant d’être remis aux autorités nigériennes.
  3. Entre août et septembre 2007, le MNJ a libéré, visiblement de bonne foi, 20 membres des forces armées. 
  4. Au début de l’année 2008, le MNJ a autorisé le CICR à visiter 33 détenus et à s’entretenir avec eux en privé pour s’assurer qu’ils étaient bien traités. Le CICR a fourni une assistance médicale à ces prisonniers, ainsi que des vêtements et des produits d’hygiène. Il leur a également permis de contacter leurs familles. En coopération avec le CICR, le MNJ a libéré deux prisonniers dont l’état de santé nécessitait des soins d’urgence.
  5. Il semblerait que les membres du MNJ aient agi conformément au code de conduite du MNJ (qui a certains points communs avec le DIH), en vertu duquel les recrues du MNJ ont juré de ne pas porter préjudice aux civils.

Ce cas pratique a été élaboré par Percy Carter, Natasha Divina Renzetti et Britta Sandmann, étudiants en droit (LL.M) à l’université de Rome III, sous la supervision de Giulio Bartolini (professeur de DIH) et Laura Di Gianfrancesco (doctorante), de la clinique de DIH de l’université de Rome III

 

A. ASSISTANCE HUMANITAIRE APPORTÉE AUX DÉTENUS 

[Source : BBC, « Aid for captured Niger soldiers », 26 juin 2007, [traduction CICR] disponible sur : http://news.bbc.co.uk/2/hi/africa/6240846.stm]

 

Des travailleurs humanitaires se sont rendus dans une base rebelle isolée, dans laquelle 72 soldats sont détenus, afin d’apporter des médicaments et une assistance humanitaire. Certains d'entre eux avaient été blessés par l'attaque des rebelles touaregs dirigée contre leur base militaire, vendredi dernier. 

 

L’équipe du Comité international de la Croix-Rouge s’est rendue à Tizerzet, dans le désert du Sahara, à environ 400 km au nord du village le plus proche, Agadez. Un journaliste de la BBC a indiqué que les autochtones étaient surpris par le nombre de soldats capturés par les rebelles. Idy Baraou, reporter de la BBC, a dit avoir vu quatre cargaisons destinées à l’assistance humanitaire, bien que d’après les délégués du CICR, le nombre de cargaisons mobilisées était plus élevé. […]

 

Notre reporter a également déclaré qu’il s’agissait de la plus grosse attaque rebelle au Niger depuis le début de la rébellion, en 1991. L'insurrection avait pris fin en 1995 avec un accord de paix, mais plus tôt cette année, le MNJ (Mouvement des Nigériens pour la Justice) a repris les armes, en déclarant que les termes de l’accord n’avaient pas été mis en œuvre. 

 

En avril, les rebelles, qui estiment que les Touaregs sont exclus par le gouvernement, ont attaqué une mine d’uranium au nord du Niger. Le nord du Niger est riche en uranium et le pays est l’un des cinq plus gros producteurs d’uranium au monde.

 

 

B. TRAITEMENT ET LIBÉRATION D’AUTRES DÉTENUS BLESSÉS

[Source : CICR, « Niger : Le CICR évacue 30 blessés à la suite d’affrontements armés au nord du Niger », 2 juillet 2007, disponible sur : https://www.icrc.org/fr/doc/resources/documents/news-release/2009-and-earlier/niger-news-020707.htm

 

Genève (CICR) – Ce lundi, 2 juillet 2007, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a achevé l’évacuation de 30 soldats des Forces Armées du Niger (FAN), blessés lors d’affrontements armés dans le nord du pays.

 

Le CICR est intervenu en sa qualité d’intermédiaire neutre, à la demande du Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ) et des FAN. Tous les blessés évacués ont pu atteindre l’Hôpital de référence d’Arlit, à environ 2 000 km au nord-est de la capitale. Une équipe chirurgicale du CICR a été envoyée à Arlit pour prodiguer des soins à ces blessés.

 

[…]

 

Le 22 juin, le CICR a été informé que des accrochages entre les FAN et le MNJ dans l’extrême nord-est du Niger avaient entraîné la capture de 72 militaires des FAN, dont beaucoup étaient blessés et avaient besoin d’une aide médicale et chirurgicale. Aujourd’hui 30 d’entre eux ont pu être évacués et ont reçu des soins médicaux, puis ont été remis aux autorités locales à Arlit. [C]e dénouement est heureux pour les 30 blessés qui vont bientôt retrouver les leurs […].

 

Le CICR a pu mener à bien cette opération grâce au soutien matériel, logistique et en personnel de la Croix-Rouge du Niger, de la Croix-Rouge française, de la Croix-Rouge irlandaise, de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ainsi que de Médecins sans Frontières Suisse et France.  

 

C. DE NOUVELLES LIBÉRATIONS DE SOLDATS PRIVÉS DE LEUR LIBERTÉ PAR LE MNJ EN 2007

[Source : International Crisis Group, « Tracking conflict worldwide », juillet — septembre 2007, [traduction CICR] disponible sur :
https://www.crisisgroup.org/crisiswatch/database?page=1&location%5B0%5D=27&%3Bdate_range=last_12_months&%3Bfrom_month=01&%3Bfrom_year=2016&%3Bto_month=01&%3Bto_year=2016]

 

 […]

 

Août 2007

 

[…] Le MNJ a libéré 6 nouveaux soldats détenus depuis le mois de juin. 

 

[…]

 

Septembre 2007

 

[…] Le 17 septembre, les rebelles touaregs ont remis 14 soldats du gouvernement aux autorités libyennes, un geste en faveur de la paix qui est visiblement lié au début du Ramadan […].

 

D. AIDE HUMANITAIRE SUPPLÉMENTAIRE ET LIBÉRATIONS PENDANT LE CONFLIT TOUAREG

[Source : CICR, « Niger : deux détenus libérés sous les auspices du CICR », 4 février 2008, disponible à la p. 21 : https://library.icrc.org/library/docs/DOC/CDP_2008_FRE.pdf]

 

Dakar/Genève (CICR) – Dans le cadre de ses activités humanitaires en République du Niger, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a effectué une mission dans l’Aïr du 26 janvier au 1er février.

 

Au cours de cette mission, il a pu visiter 33 personnes, pour la plupart membre des Forces armées nigériennes, détenues par le Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ).

 

Sous les auspices du CICR, deux détenus dont l’état nécessitait des soins médicaux urgents ont été libérés et transférés à Arlit, où ils ont été remis aux autorités.

 

Durant la visite, les délégués du CICR se sont entretenus avec les personnes détenues et leur ont fourni une assistance médicale ainsi que des couvertures, des habits, des articles d’hygiène, du thé et du sucre. Les détenus ont également pu contacter leurs proches au moyen d’un téléphone satellite mis à disposition par le CICR et ont eu la possibilité de leur écrire des messages Croix-Rouge. 

 

Cette mission du CICR fait suite à celles qui ont eu lieu en juin et juillet 2007, au cours desquelles le CICR avait déjà eu accès aux personnes détenues par le MNJ et avait pu faciliter la libération de 34 d’entre elles […].

 

F. LES MEMBRES DU MNJ JURENT SUR LE CORAN DE NE PAS NUIRE

[Source : Revue Migration Forcées, « Établir un dialogue avec les groupes armés », mars 2011, disponible sur : https://www.fmreview.org/fr/non-etatiques/bangerter.htm]

 

L’approche la plus commune pour prévenir les violations est de demander que tous les combattants respectent un code de conduite fixant les règles que le commandement considère comme essentielles. 

 

[…]

 

Le Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ) en est un autre exemple. Au cours du conflit au Niger de 2007-2009, toFutes les recrues du MNJ devaient prêter serment sur le Coran selon lequel elles s’engageaient à ne pas maltraiter les civils ou endommager leurs biens. Les humanitaires disposent de réelles opportunités pour avoir un impact positif sur de telles mesures en persuadant les groupes armés d’adopter des politiques compatibles avec les normes internationales reconnues. 

 

Discussion

 

I. Qualification de la situation et droit applicable

1. Comment qualifieriez-vous la situation au Niger en 2007 ? S’agissait-il d’un conflit armé ? Si oui, quelles étaient les parties au conflit ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG I-IV, art. 3; PA II, art. 1)

2. Quelles règles du DIH s’appliquent à la situation impliquant le Niger et le groupe armé non étatique touareg ? Les groupes armés non étatiques sont-ils tenus de respecter le DIH ? (CG I-IV, art. 3; PA II, art. 2)

 

II. Assistance humanitaire et libération des détenus

3. Qu'énonce le DIH au sujet du traitement des personnes détenues dans une situation de conflit armé non international ? (CG I-IV, art. 3PA II, art. 5DIHC, règle 87)

4. Les parties à un conflit armé non international devraient-elles autoriser le CICR à rendre visite aux personnes détenues ? À fournir des soins médicaux aux blessés ? À rétablir les liens entre les détenus et leur famille ?   (CG I-IV, art. 3PA II, art 518DIHC, règles 124-126

5. Quand les personnes détenues dans le cadre d’un conflit armé non international doivent-elles être libérées ? (DIHC, règle 128)

 

III. Éléments contribuant au respect du droit international humanitaire

6. L’intervention d’un intermédiaire neutre tel que le CICR peut-elle contribuer à renforcer le respect du DIH par les belligérants ? Dans quelle mesure avoir un tel intermédiaire peut-il être utile pour libérer les détenus ?  

7. Les groupes armés non étatiques peuvent-ils trouver un intérêt militaire à ce que leurs membres aient un code de conduite et soient tenus de le respecter ? La discipline peut-elle améliorer l’efficacité et les capacités militaires d’une partie au conflit ?

8. (Document F) Pourquoi le fait que les membres du MNJ aient juré sur le Coran de respecter les règles applicables aux conflits armés est-il intéressant ? Quel rôle peuvent jouer la religion et les valeurs éthiques pour renforcer le respect du DIH ? 

9. (Document C) La volonté de trouver une solution pacifique à un conflit peut-elle encourager le respect du droit ? Ces « gestes en faveur de la paix » peuvent-ils renforcer le soutien politique que la population locale apporte à une partie au conflit ? Qu’en est-il du soutien de la communauté internationale ?