Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :
Il est interdit d’employer des moyens ou des méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus.
Lorsque des mines terrestres sont employées, des précautions particulières doivent être prises afin de réduire au minimum leurs effets indiscriminés.
Une partie au conflit qui emploie des mines terrestres doit, dans toute la mesure possible, enregistrer leur emplacement.
Après la cessation des hostilités actives, une partie au conflit qui a employé des mines terrestres doit les enlever ou les neutraliser d’une autre manière afin qu’elles ne puissent porter atteinte à des civils, ou faciliter leur enlèvement.
Résumé du cas d’étude
À la suite du conflit armé de 2011 et des conflits précédents, la Libye a été contaminée par les mines et les restes explosifs de guerre (REG). En mai 2011, sur une initiative de volontaires, le centre libyen de lutte antimines (LMAC) a été fondé. Sa mission était d’enlever les mines et les REG dans les régions où la sécurité avait été restaurée. Pendant le conflit de 2011, en raison de l’absence de maintien de l’ordre et d’une prolifération de groupes armés non étatiques, les armes non sécurisées ont abondé dans le pays, exposant la population libyenne à une menace permanente.
Depuis 2011, le ministère de la Défense libyen a coopéré avec le LMAC et le Service de lutte antimines des Nations Unies (UNMAS) pour accroitre les activités de déminage, renforcer la lutte antimines dans le pays conformément aux normes internationales et construire des stocks sécurisés pour les armes et les munitions non sécurisées.
Respect du DIH : les points à retenir
- Dès mars 2011, les militaires libyens ont travaillé avec l’UNMAS pour faire face à la menace que représentaient les mines, les REG et d’autres armes, en encourageant les formations et les conseils pour améliorer la gestion des munitions et renforcer les activités de prospection, de déminage et de sensibilisation.
- En décembre 2011, le ministre de la Défense libyen a rattaché le LMAC sous sa direction et lui a conféré le mandat suivant :
- conduire toutes les opérations relatives à la lutte antimines en Libye, en coopération avec les acteurs internationaux de l’action contre les mines
- mettre en place un programme pour sécuriser les zones où sont stockées les munitions partout dans le pays, avec l’appui d’autres États.
- En 2012, le ministère de la Défense et le LMAC ont publié des standards relatifs à l’action contre les mines en Libye pour renforcer la sécurité, l’efficacité et la cohérence de la lutte antimines en Libye et assurer, lorsque nécessaire, que les normes internationales soient respectées.
- En juillet 2013, la Libye a inauguré son premier site temporaire de stockage de munitions pour garantir un stockage sécurisé de plus de 400 tonnes de matériel explosif. Le site a été pensé et construit en respectant les normes internationales, sous la supervision du gouvernement libyen et d’UNMAS. Il a été financé par la Suisse.
Ce cas pratique a été élaboré par Clara Delarue, Claudia Langianese, Giovanni Medici Tornaquinci et Eleanor Umeyor, étudiants en de droit (LL.M.) à l’université de Rome III, sous la supervision de Giulio Bartolini (professeur de DIH), Tommaso Natoli et Alice Riccardi (assistants de recherche) de la Clinique de DIH de l’université de Rome III.
A. MISE EN LIEU SÛR DES MUNITIONS EN LIBYE, UNE ÉTAPE VERS L’AMÉLIORATION DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
[Source : MANUL, Securing ammunition in Libya, 15 juillet 2013, [traduction CICR] disponible sur : https://unsmil.unmissions.org/securing-ammunition-libya-step-towards-improving-public-safety]
Misrata – La construction d’un site de stockage de munitions ne fait sans doute pas figure de priorité pour de nombreux Libyens, qui doivent faire face, suite à la révolution, à une période de transition agitée, marquée par des divisions politiques, des affrontements armés, ainsi que des perturbations dans le secteur de la production pétrolière, principale source de revenus du pays.
Mais pour les villes et villages dans lesquels les quartiers résidentiels abritent encore des planques d’armes et de munitions, dans des conditions peu sûres et une sécurité limitée, la mise en place d’un site sûr de stockage des munitions par les Nations Unies et le gouvernement suisse est primordial, même s’il ne s’agit que d’une solution temporaire à un problème profond, dans un pays truffé d’armes et de munitions non neutralisées datant du conflit de 2011.
Le 2 juillet, le premier site provisoire de stockage de munitions de ce type dans la Libye post-révolutionnaire a été inauguré à Misrata.
[…]
« Nous collaborons avec l’équipe du Service de la lutte antimines de l’ONU depuis mars 2011. Nous sommes parvenus à réduire la menace posée par les mines et les restes explosifs de guerre pour la population civile », a déclaré le colonel Youssef Abdel Jawad, représentant du chef d’état-major général de l’armée libyenne.
« Le problème est de taille ; il faut poursuivre sans relâche les efforts afin de faire disparaître la menace des mines et des restes explosifs de guerre, ainsi que des munitions et armes non neutralisées. Nous sommes particulièrement reconnaissants aux Nations Unies pour leur appui à cet égard », a-t-il ajouté.
« Cette cérémonie a beau être d’apparence modeste, sa portée est d'une grande importance et elle envoie un message fort aux responsables de la reconstruction de la Libye sur l’importance de préserver son avenir », a affirmé le colonel Mohamed Terjuman, membre du corps des ingénieurs de l’Armée libyenne et chargé des opérations de déminage à Misrata.
Le bien-être de la population civile étant une priorité, les Nations Unies ont entrepris de porter assistance à la Libye pour la gestion des munitions et se sont aussi engagées à dispenser des formations et des conseils dans d’autres domaines relatifs à la sécurité mais aussi en matière de politiques, de droits de l’homme, d’état de droit, de justice transitionnelle et d’information du public.
« Notre priorité est la sécurité publique », a déclaré Paul Heslop, responsable des opérations et de la planification des programmes au Service de la lutte antimines de l’ONU à New York, à l'occasion de l’inauguration du site provisoire de stockage de munitions à Misrata.
[…]
L’installation inaugurée à Misrata, dont le coût s’élève à 200 000 dollars, a été bâtie à partir d’un modèle conçu et construit selon les normes internationales, sous la supervision de la Libye et des Nations Unies, et financée par le gouvernement suisse. Répartie sur deux sites, chacun capable de stocker 200 tonnes de matériel explosif, la nouvelle installation est équipée de toitures en béton armé et est encerclée par un mur de sable. Une autre installation est en cours de construction, sous la supervision du chef d’état-major général de l’armée.
[…]
B. LE CENTRE LIBYEN DE LUTTE ANTIMINES (LMAC)
[Source : Ministère libyen de la Défense, Centre libyen de lutte antimines, [traduction CICR] lien non disponible]
Le Centre libyen de lutte antimines (LMAC) a été créé en mai 2011 par des combattants de la liberté volontaires. Sa mission immédiate a consisté en la destruction des mines et des restes explosifs de guerre dans les zones libérées. Des bénévoles dévoués ont œuvré dans l'objectif de réduire le risque, négocier le règlement des différends et favoriser la paix.
Dans toute la Libye, les habitants se sont organisés, fièrement et dignement, s’employant à instaurer une Libye libre et paisible.
[…]
En décembre 2011, le Ministre de la Défense a nommé un conseil d’administration pour le LMAC et l'a chargé, par l'intermédiaire de sa première directive, de gérer la totalité des actions de déminage en Libye, ainsi que de mettre en place un accord technique avec les gouvernements étrangers pour assurer la sécurité des sites de stockage de munitions (Ammunition Storage Areas, ASAs) dans tout le pays.
Depuis, le LMAC a activement soutenu les efforts de la Libye en ce sens, notamment les progrès importants de l’armée libyenne. Le LMAC a également apporté sa contribution au programme des sites de stockage de munitions (ASAs) et au travail des ONG internationales s’occupant de déminage en Libye, chaque fois que cela était possible.
C. ENSEMBLE POUR UNE LIBYE EXEMPTE DE MINES ET DE RESTES EXPLOSIFS DE GUERRE
[Source : MANUL, Communiqué de presse conjoint du UNMAS et de la MANUL lors de la journée de la lutte antimines, 4 avril 2016, [traduction CICR] disponible sur : https://unsmil.unmissions.org/joint-statement-unsmil-and-unmas-mine-act…]
[…]
Lance Malin, chef du Service de la lutte antimines de l’ONU en Libye, a déclaré : « Nous avons eu le privilège de travailler en étroite collaboration avec le LMAC et d’autres partenaires d’exécution au cours des dernières années pour aider la Libye à répondre aux conséquences meurtrières des mines et des restes explosifs de guerre. Nous poursuivons le travail, à distance depuis la Tunisie, en œuvrant sans relâche en faveur du peuple libyen dans les missions prioritaires que sont les relevés de champs de mines et leur destruction, la sensibilisation aux risques liés aux restes explosifs de guerre et aux armes légères et de petit calibre (ALPC) et l’appui aux victimes blessées et à leurs familles. Nous espérons pouvoir retourner bientôt en Libye pour pouvoir travailler directement auprès de nos partenaires et les autres parties prenantes, pour que l'avenir de la Libye soit plus sûr, sans engins explosifs dangereux. »
D. STANDARDS RELATIFS A LA LUTTE CONTRE LES MINES EN LIBYE DU LMAS
[Source : ministère libyen de la Défense, Centre libyen de lutte antimines, janvier 2012, [traduction CICR] lien non disponible]
[…]
4. Objectif des LMAS
Les standards relatifs à la lutte contre les mines en Libye ont été élaborés en vue d’améliorer la sécurité, l’efficacité et l’efficience des opérations de déminage et de promouvoir une approche commune et cohérente de la conduite des opérations de déminage en Libye. Ces standards fournissent des orientations, établissent des principes et, dans certains cas, définissent des prescriptions et indications strictes. Elles fournissent un cadre de référence qui encourage les partenaires et les responsables des programmes et projets de déminage à atteindre et à faire preuve d’un niveau suffisamment élevé en termes d’efficacité et de sécurité. Elles établissent également des règles qui permettent l’échange, en temps utile, d’informations importantes.
5. Principes directeurs
L’élaboration et l’application des LMAS sont guidées par quatre principes :
1. le droit du gouvernement national libyen d’appliquer les standards nationaux à ses programmes nationaux ;
2. les LMAS devraient protéger les personnes les plus exposées au risque ;
3. les LMAS devraient être partie intégrante d’un mécanisme national à même de maintenir et d’appliquer les standards appropriées aux opérations de déminage ; et
4. les LMAS devraient, chaque fois que cela est jugé opportun, être conformes aux autres normes internationales.
6. Responsabilités nationales
La responsabilité première de la lutte antimines en Libye revient au gouvernement libyen. Cette responsabilité incombe au Centre libyen de lutte antimines (LMAC), qui est une composante du Ministère de la Défense et est chargé de l’élaboration de politiques de déminage et du contrôle de leur mise en œuvre. Le LMAC est responsable de la réglementation, de la gestion et de la coordination du programme national de déminage, ainsi que de la mise en place aux niveaux national et local de conditions qui permettent la gestion efficace de la lutte antimines.
7. Impératif humanitaire
Les mines terrestres et les restes explosifs de guerre constituent une grave préoccupation humanitaire, qu’il convient d’aborder dans cette perspective. Ces standards respectent les principes humanitaires fondamentaux d’impartialité et d’humanité. La lutte antimines humanitaire devrait avant tout aider les plus vulnérables, et doit être menée de façon à ne pas exposer le personnel à des risques qui pourraient être évités.
E. LIBYE : POLITIQUE D’INTERDICTION DES MINES
[Source : Observatoire des mines et des armes à sous-munitions, 19 octobre 2015, [traduction CICR] disponible sur : http://www.the-monitor.org/en-gb/reports/2015/libya/mine-ban-policy.aspx]
L’État libyen n’a pas adhéré à la Convention d’Ottawa sur les mines antipersonnel. Les responsables gouvernementaux n’ont formulé aucune déclaration, ni en 2014, ni au premier semestre de 2015, sur la question d’une éventuelle adhésion de la Libye.
Auparavant, en octobre 2011, deux fonctionnaires du Ministère des Affaires étrangères ont informé la Campagne internationale pour l’interdiction des mines terrestres (ICBL) que l’idée d’adhérer à la Convention d’Ottawa bénéficiait d’un appui conséquent, mais que la question ne pourrait être traitée qu’après la mise en place du nouveau gouvernement et l’examen de la question de l’adhésion par l’organe législatif. Le fait que la Libye ait signé, le 9 juillet 2013, le Traité sur le commerce des armes, peut laisser penser que le gouvernement envisage de devenir partie aux traités internationaux.
Le 2 décembre 2014, la Libye a voté en faveur de la Résolution 69/34 de l’Assemblée générale des Nations Unies, soutenant l’universalisation et l’application de la Convention d’Ottawa. C’était ainsi la deuxième année consécutive que la Libye votait en faveur de la résolution sur la Convention d’Ottawa, après s’être constamment abstenue sur la résolution annuelle depuis 1998. Les choses ont ainsi évolué suite à la sensibilisation effectuée par la Campagne internationale contre les mines terrestres (ICBL), incluant notamment Human Rights Watch.
Avant d’être destitué en 2011, le gouvernement de Mouammar Kadhafi avait montré un intérêt pour la Convention d'Ottawa, mais sans ambition d’y adhérer ; les représentants libyens formulaient d'ailleurs souvent des critiques à l’égard de la Convention et appelaient à sa révision. Le 28 avril 2011, le Conseil national de transition, qui était alors un pouvoir d’opposition en Libye, avait émis une déclaration en s’engageant formellement à ce qu’« aucune force sous le commandement ou le contrôle du Conseil national de transition ne [fasse] usage de mines terrestres antipersonnel ou anti-véhicule ». La déclaration indiquait également que « tout gouvernement libyen à venir devrait renoncer aux mines terrestres et adhérer à la Convention de 1997 ».
Si elle n’a pas adhéré à la Convention d'Ottawa, la Libye a toutefois participé en tant qu’observateur à de nombreuses réunions des États Parties, ainsi qu’à la première et à la troisième Conférences d’examen. La Libye n’a fait aucune déclaration à la treizième réunion des États Parties tenue à Genève en décembre 2013, ni à la troisième Conférence d’examen en juin 2014. Elle a également participé régulièrement aux réunions intersessions du Comité permanent de la Convention à Genève, y compris en juin 2015.
[…]
Discussion
I. Qualification de la situation et droit applicable
1. Comment qualifieriez-vous la situation en Libye en mai 2011 et par la suite ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG I-IV, art. 2 et 3 ; PA II, art. 1)
2. La qualification de la situation importe-t-elle pour déterminer si le DIH a été respecté dans ce cas précis ?
II. Déminage
3. Un État a-t-il l’obligation de détruire les mines terrestres antipersonnel lorsque ces dernières sont déjà dispersées dans le sol ? Sur quelles informations l’État doit-il s’appuyer pour son action de déminage ? Quelles sont les autres obligations qui incombent aux États concernant les mines terrestres ? (CAC, art. 1 ; Protocole II de la CAC révisé, art. 1, par. 2) et art. 10 ; Annexe technique au Protocole II modifié, 1 et 2 ; Convention d’Ottawa, art. 5 ; DIHC, règles 81-83)
4. La Libye a-t-elle ratifié les traités relatifs aux mines et aux restes explosifs de guerre ? Certaines des mesures décrites ci-dessus sont-elles également prévues par le droit coutumier ? (DIHC, règles 81-83)
5. (Document D) Comment évalueriez-vous la décision du gouvernement libyen d’appuyer la création d’un Centre libyen de lutte antimines ? Quel est le rôle de ce Centre ? Entend-il travailler en coopération avec d’autres acteurs ? Les États tiers sont-ils tenus de fournir un appui technique ou financier pour l’enlèvement des mines ? Est-ce également le cas pour les restes explosifs de guerre ? Les organisations non gouvernementales ont-elles également un rôle dans ce processus ? Quel est ce rôle ? Leur mandat est-il reconnu par les traités dont il est question ? (Convention d’Ottawa, 1997, art. 6 ; Protocole II de la CAC révisé, art. 11 ; Protocole V relatif aux restes explosifs de guerre, art. 7 et 8)
III. Éléments contribuant au respect du DIH
6. (Document A) Pourquoi la cérémonie est-elle « d'une grande importance » et envoie-t-elle « un message fort aux responsables de la reconstruction de la Libye sur l’importance de préserver son avenir », pour reprendre les paroles du colonel Mohamed Terjuman ? Dans quelle mesure un meilleur respect de l’interdiction des mines peut-il faciliter le retour à la paix dans le pays ?
7. Les institutions telles que le Service de la lutte antimines de l’ONU et la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) peuvent-elles jouer un rôle constructif dans la mise en œuvre des programmes de déminage ? De quelle manière ?
8. (Document E) À votre avis, l’influence d’États tiers et d’organisations internationales et régionales peut-elle avoir un impact positif sur la décision d’un État de devenir partie aux traités de DIH ?