Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :
Il est interdit d’employer des moyens ou des méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus.
Lorsque des mines terrestres sont employées, des précautions particulières doivent être prises afin de réduire au minimum leurs effets indiscriminés.
Une partie au conflit qui emploie des mines terrestres doit, dans toute la mesure possible, enregistrer leur emplacement.
Après la cessation des hostilités actives, une partie au conflit qui a employé des mines terrestres doit les enlever ou les neutraliser d’une autre manière afin qu’elles ne puissent porter atteinte à des civils, ou faciliter leur enlèvement.
Résumé du cas d’étude
Après plusieurs conflits armés entre le gouvernement soudanais et des groupes armés non étatiques remontant aux années 1950, certaines régions du Soudan sont toujours fortement contaminées par les mines et les engins non explosés (UXO). La menace que représentent les accidents dus aux mines nuit à la liberté de mouvement, aux activités agricoles et aux opérations humanitaires et empêche les personnes déplacées lors des conflits passés de revenir chez elles.
Le gouvernement soudanais a ratifié la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (Convention d’Ottawa) en 2003 et conformément au traité, a détruit ses stocks de mines en 2008. Depuis 2015, il enlève les mines et les engins non explosés (UXO) sur de vastes étendues du territoire, avec le soutien du Service de lutte antimines des Nations Unies (UNMAS) et d’autres États.
En 2015, le Mouvement Populaire de libération du Soudan-Nord (SPLM-N) a commencé à neutraliser ses propres stocks de mines en coopération avec l’Appel de Genève, une organisation internationale qui travaille en faveur de la protection des populations civiles.
Respect du DIH : les points à retenir
- Après s’être engagé officiellement à interdire toutes les mines antipersonnel en 2013, le SPLM-N a neutralisé 211 stocks de mines antipersonnel avec l’aide technique de l’Appel de Genève. En coopération avec les chefs du SPLM-N, l’Appel de Genève a formé les commandants du SPLM-N dans des zones reculées, afin de s’assurer qu’ils prennent connaissance de l’interdiction de l’emploi de mines antipersonnel et la fasse respecter dans les rangs des forces armées du groupe.
- En 2015, le gouvernement soudanais a invité l’UNMAS à poursuivre sa mission au Soudan après quatre ans d’interruption, pour soutenir les mesures nationales visant à lutter contre les mines. En se focalisant sur les États de l’est du pays, le Centre national de lutte contre les mines et l’UNMAS ont commencé à déminer des millions de km2 de terres contaminées. En parallèle, ils ont mené des activités de sensibilisation aux risques liés aux mines et pris des mesures pour renforcer les capacités nationales en matière de lutte antimines. Bénéficiant du soutien financier de l’Italie, ils ont décontaminé 19 km2 de terres rien que sur une année. En 2018, ils étaient parvenus à décontaminer la totalité des terres dans l’État de la Mer Rouge et l’État de Gedaref.
Ce cas pratique a été élaboré par Pierpaolo Castiglioni, Yiota Constantinides et Fiammetta Ferioli, étudiants à la Clinique de DIH de l’université de Rome III, sous la supervision de Giulio Bartolini (professeur) et Tommaso Natoli (doctorant).
A. SOUDAN : SERVICE DE LUTTE ANTIMINES DES NATIONS UNIES ET GOUVERNEMENT SOUDANAIS, 19 MILLIONS DE METRES CARRES DEMINES AU SOUDAN
[Source : Sudan Tribune, « Sudan: UN says cleared 19 million square meters from mines in Sudan », 22 janvier 2016, [traduction CICR] disponible sur : http://www.sudantribune.com/spip.php?article57768]
Habibulhaq Javed, directeur du Service de lutte antimines des Nations Unies (UNMAS), a annoncé que son organisation est parvenue, en coordination avec le gouvernement soudanais, à dépolluer 19 millions de mètres carrés de terres où se trouvaient des mines et des restes explosifs de guerre dans ce pays d’Afrique de l’est.
Il a déclaré que l’Italie avait apporté son soutien au Plan d’action contre les mines au Soudan en apportant une contribution de 250 000 euros, un geste qu’il décrit comme un bon début et un exemple que les autres donateurs internationaux sont invités à suivre.
Jeudi à Khartoum, lors d’une conférence de presse conjointe avec Fabrizio Lobasso, ambassadeur de l’Italie au Soudan, M. Javed a déclaré que les mines représentaient toujours une menace.
Le programme de l’UNMAS au Soudan a toujours besoin de 12,4 millions d’euros pour mettre en œuvre le Plan d’action antimine pour le Soudan, a-t-il précisé.
« Ce montant permettrait à l’UNMAS de déminer et de remettre à disposition 900 000 mètres carrés de terres dans la région de Talkok, dans la province de Kassala et d'éduquer 5 000 personnes au risque des mines », a-t-il ajouté.
Il a également expliqué que cette contribution permettrait aussi à l’UNMAS de renforcer les capacités du centre national de lutte contre les mines (NMAC) en matière d’assurance qualité et de gestion de projets, afin que le Soudan s’empare de cette question au niveau national.
Le États de l’est du Soudan, en particulier l’État de Kassala, qui a subi des affrontements prolongés entre le gouvernement et les forces de l’opposition jusqu’en 2006, sont considérés comme constituant l’une des zones les plus polluées par les mines terrestres. En 2006, le Soudan a signé un traité de paix avec les rebelles du front oriental, à Asmara, la capitale de l’Erythrée.
[...]
En vertu de la Convention sur l’interdiction des mines anti-personnel, le Soudan aurait dû être déclaré comme une zone exempte de mines en avril 2014. Cependant, la reprise des combats dans les États du Nil Bleu et du Kordofan du Sud ont remis en question cet objectif et le délai a été prolongé jusqu’en 2019.
D’après M. Javed, les actions de déminage sont très onéreuses et demandent beaucoup de temps. Le Soudan a besoin de 90 millions de dollars pour éliminer les mines et les explosifs qui polluent ses sols, a-t-il précisé.
M. Javed a salué la coopération et l’engagement du gouvernement soudanais à détruire ses stocks de munitions afin de se conformer aux dispositions de la Convention sur l’interdiction mines anti-personnel.
[…]
Le représentant de l’ONU a appelé les organisations internationales de lutte contre les mines à revenir au Soudan, en indiquant que le gouvernement soudanais s’était engagé à faciliter leur action.
Selon lui, le Soudan a répondu à ses objectifs et s’est engagé à respecter la Convention sur l’interdiction des mines anti-personnel (Convention d’Ottawa), en détruisant l’intégralité de ses stocks de munitions en 2008.
M. Lobasso, ambassadeur de l’Italie, a quant à lui déclaré que son pays s’était engagé à donner un coup d’accélérateur aux plans internationaux de lutte contre les mines et a fait part de ses vives inquiétudes face aux menaces que présentent les mines terrestres et les autres engins explosifs au Soudan.
Il a ensuite expliqué en quoi consistait le nouveau rôle du gouvernement italien, qui est à la tête de l’équipe en charge de la lutte antimines, en exhortant les autres donateurs à apporter leur soutien aux mesures visant à éliminer les mines au Soudan.
En tant que chef du groupe en charge de la lutte antimines, l’Italie incite vivement les autres donateurs à se joindre à elle pour apporter un soutien financier à ce programme ainsi qu’à d’autres programmes mis en place à l’échelle internationale pour lutter contre les mines, a-t-il déclaré.
B. SOUDAN : L’ENGAGEMENT À POURSUIVRE LES ACTIVITÉS DE DÉMINAGE DANS LE PAYS
[Source : Bureau de la coordination des affaires humanitaires, Bulletin Humanitaire : Soudan, du 26 février au 18 mars 2018, [traduction CICR] disponible sur https://www.unocha.org/sites/unocha/files/dms/OCHA_Sudan_Humanitarian_Bulletin_Issue_05_%2826_February_-_18_March_2018%29.pdf]
[…]
Au moins 105,7 km² de zones dangereuses et 37 898 km de routes au Soudan ont été dépolluées en désamorçant divers types de mines terrestres et munitions non explosées, restaurant la libre circulation et permettant à des centaines de milliers de personnes qui vivaient jusque-là dans la peur des accidents liés aux mines de retrouver la liberté de cultiver les terres et de laisser paître le bétail. La présence de mines terrestres empêche également le retour des personnes déplacées internes (PDI) ou des réfugiés dans leurs région d’origine et peut remettre en question la scolarisation des enfants, qui ne vont plus à l’école car les risques sont trop grands. L’aide humanitaire et l’accès des personnes aux services de base (eau, hygiène, santé et éducation) dans les zones polluées sont aussi entravés, car les organisations ne sont pas en mesure d’accéder en toute sécurité aux personnes vulnérables.
Lors d’une réunion entre la communauté des donateurs et le coordonnateur résident des Nations Unies et coordonnateur des opérations humanitaires, le Service de lutte anti-mines des Nations Unies (UNMAS) a déclaré, de concert avec le centre national de lutte contre les mines (NMAC) du Soudan que 20% des zones polluées identifiées restent à traiter, en particulier dans les États du Kordofan du Sud et du Nil Bleu. Depuis que l’UNMAS a été invité à revenir au Soudan après quatre ans d’absence en 2015, le pays a pu reconnaitre les États de la Mer Rouge et Gedaref exempts de mines terrestres.
La réunion a permis d’officialiser la demande du Soudan pour que soit prolongé le délai dont le pays dispose pour s’acquitter de son obligation d’éliminer les mines terrestres et les engins non explosés sur la totalité de son territoire, qui était initialement prévu pour fin 2018. Ce délai a été fixé en vertu des dispositions de l’article 5 de la Convention sur l’interdiction des mines anti-personnel (la « Convention d’Ottawa »). La réunion a également officialisé la passation de l’Italie aux États-Unis pour diriger l’action contre les mines au Soudan, les deux pays étant les chefs de file de la lutte internationale en faveur de l’interdiction permanente des mines terrestres et des restes explosifs de guerre (REG).
Même si la situation s’est améliorée, d’après l’UNMAS, neuf États soudanais sur 18 sont toujours pollués par des mines terrestres et des restes explosifs de guerre. Enfouis avant la fin de la guerre d’indépendance au Soudan en 1956, 10 275 mines antipersonnel, 3 237 mines antivéhicules et 83 774 engins non explosés ont été découverts et détruits, grâce à l’action du centre national de lutte contre les mines et avec l’aide de l’UNMAS, permettant la reprise des activités agricoles et la libre circulation des personnes et des marchandises.
L’UNMAS a annoncé que l’État de Kassala serait le prochain État à être déclaré exempt de mines terrestres identifiées. En matière d’engins non explosés, la situation est des plus incertaine au Darfour, où l’on considère que les mines antipersonnel traditionnelles ont été éliminées, mais qui reste pollué par des milliers d’engins non explosés. La question de la destruction des armes que les forces de sécurité du Soudan sont en train de récupérer dans le cadre d’opérations de désarmement des acteurs non étatiques représente un problème tout aussi important.
[…]
C. LE MOUVEMENT POPULAIRE DE LIBÉRATION DU SOUDAN - NORD NEUTRALISE LES MINES TERRESTRES ANTIPERSONNEL
[Source : Appel de Genève, « Sudan : The Sudan People’s Liberation Movement–North neutralizes 211 stockpiled anti-personnel mines », 15 décembre 2015, [traduction CICR] disponible sur http://genevacall.org/sudan-sudan-peoples-liberation-movement-north-neutralizes-211-stockpiled-anti-personnel-mines/]
Au mois de novembre, le Mouvement populaire de libération du Soudan - Nord (MPLS-N) a neutralisé 211 mines anti-personnel stockées, avec l’aide d’un expert technique sollicité par l’Appel de Genève. Cette première étape vers la destruction complète de ses stocks fait suite à la signature, en 2013, de l’Acte d’engagement de l’Appel de Genève visant l’interdiction des mines antipersonnel par le MPLS-N. Dans une région extrêmement polluée par les restes explosifs de guerre, la neutralisation de ces engins à haut risque est essentielle pour éviter d’autres pertes civiles.
En 2013, au moment de la signature de l’Acte, les dirigeants du MPLS-N ont affirmé s’être emparés d’un stock de mines antipersonnel et, conformément à l’Acte d’engagement, se sont engagés à le détruire. Depuis, l’Appel de Genève a cherché à faciliter cette destruction. Après une première évaluation en juin 2015, une équipe composée de Fred Meylan (responsable des programmes pour l’Afrique à l’Appel de Genève) et d’un expert scientifique, ont pu avoir accès à certains de ces engins pour faciliter leur neutralisation en toute sécurité par le MPLS-N.
L’appel de Genève poursuivra ses efforts de dialogue avec le MPLS-N afin de parvenir à la destruction complète de toutes ses mines anti-personnel. « La neutralisation de 211 mines anti-personnel pourrait sauver 211 vies. Cependant, les stocks devraient être entièrement détruit dès aujourd’hui pour veiller au plein respect de l’Acte d’engagement », a ajouté Fred Meylan.
L’appel de Genève a profité de cette occasion pour organiser plusieurs sessions de sensibilisation destinées aux organisations issues de la société civile et à des commandants du MPLS-N dans une zone particulièrement isolée du conflit, l’État du Nil Bleu. Ces sessions étaient axées sur les obligations contenues dans l’Acte d’engagement, signé plus tôt cette année par le MPLS-N, relatives notamment à l’interdiction des mines anti-personnel et à la protection des enfants dans les situations de conflits armés
Le MPLS-N est militairement actif dans les provinces du Kordofan du Sud et du Nil Bleu, le long de la frontière avec le Soudan du Sud. Toutes deux ont été lourdement touchées par le conflit armé qui a éclaté en 2011 entre le MPLS-N et les forces armées soudanaises. Par conséquent, des dizaines de milliers de personnes ont cherché refuge dans les camps de réfugiés au Soudan du Sud et des milliers d’autres ont été déplacées dans le pays.
Discussion
I. Qualification de la situation et droit applicable
1. Comment qualifieriez-vous la situation au Soudan ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? (CG I-IV, art. 3 ; PA II, art. 1) Le Protocole additionnel II serait-il applicable dans cette situation ? Pourquoi ?
2. Un « Acte d’engagement » peut-il être qualifié d’« accord spécial » en vertu de l’article 3 commun aux CG ?
3. La qualification du conflit a-t-elle une importance pour déterminer si le droit international humanitaire a été respecté dans cette situation ? Pourquoi ?
II. Activités de déminage
4. L’État a-t-il l’obligation d’éliminer les mines antipersonnel du territoire si elles sont déjà enfouies dans le sol ? Quelles informations l’État doit-il prendre en compte pour déterminer son action de lutte contre les mines ? Quel est le cadre temporel des obligations relatives à l’élimination des mines ? Quelles sont les autres obligations qui incombent à l’État concernant les mines ? (CAC, art. 1 ; Protocole (II) de la CAC tel que modifié, art. 1, par. 2, art. 10 ; Annexe technique au Protocole (II) tel que modifié, 1, 2 ; Convention d’Ottawa, art. 5 ; DIHC, règles 81, 82, 83)
5. Les groupes armés non étatiques qui sont parties au conflit ont-ils des obligations de déminage en vertu du DIH ? Quel est le fondement juridique des obligations qui incombent au MPLS-N concernant le déminage ? (DIHC, règle 83 ; Protocole (II) à la CAC tel que modifié, art. 10)
6. Quel rôle jouent des États tiers et les organisations internationales et régionales dans le processus de déminage ? Les États tiers ont-ils l’obligation de coopérer ? Selon vous, le fait qu’un large éventail d’acteurs soient impliqués a-t-il encouragé le Soudan à respecter ses obligations relatives au déminage, en vertu du DIH ? (Protocole (II) à la CAC tel que modifié, art. 9)
III. Éléments contribuant au respect du droit international humanitaire
7. (Document C) Selon vous, qu’est-ce qui peut inciter un groupe armé non étatique comme le MPLS-N à signer des actes d’engagement et à s’engager en faveur de la destruction des mines anti-personnel ?
8. Les organisations telles que l’Appel de Genève jouent-elles un rôle important pour améliorer le respect du droit international humanitaire ? Pourquoi et comment ?
9. (Document A) Pourquoi est-il important, d’après l’UNMAS, que le processus de déminage soit pris en charge au niveau national ?
10. (Documents A et B) D’après vous, toute considération humanitaire mise à part, pourquoi des États tiers et des organisations internationales apportent-elles un appui aux efforts entrepris par les parties au conflit pour éliminer les mines ? Pensez-vous que le déminage contribue à la paix et à la stabilité dans le pays et dans la région ?
11. (Document B) Pourquoi la destruction des mines est-elle importante après la fin des hostilités le retour à la paix ? Quels enseignements peuvent être tirés de la situation au Soudan pour encourager les parties à un conflit à ne pas avoir recours aux mines dans la conduite des hostilités ?