AMISOM – Mettre fin à l’utilisation militaire des établissements d’enseignement en Somalie : 2017

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Dispositions du DIH

Règles fondamentales du droit international humanitaire (DIH) applicables dans cette situation :


Les parties au conflit doivent en tout temps faire la distinction entre civils et combattants, et entre des biens de caractère civil et des objectifs militaires. Les attaques ne peuvent être dirigées que contre des combattants ou des objectifs militaires (principe de distinction) 

Les opérations militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population civile, les personnes civiles et les biens de caractère civil. Toutes les précautions pratiquement possibles doivent être prises, y compris quant au choix des moyens et méthodes de guerre, en vue d’éviter et, en tout cas, de réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile, les blessures aux personnes civiles et les dommages aux biens de caractère civil qui pourraient être causés incidemment (principe de précautions dans l’attaque)

Les parties au conflit doivent prendre toutes les précautions pratiquement possibles pour protéger contre les effets des attaques la population civile et les biens de caractère civil soumis à leur autorité (principe de précautions contre les effets des attaques)

 

Toute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle de semblables établissements, de monuments historiques, d'oeuvres d'art et de science, est interdite.

Résumé du cas d’étude

La Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) a été crée par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine en 2007. Il s’agit d’une mission de maintien de la paix dont l’objectif est de soutenir les initiatives en faveur de la réconciliation nationale en Somalie. En 2017, l’AMISOM a officiellement permis au gouvernement somalien de reprendre le contrôle de plusieurs établissements d’enseignemen, y compris l’université nationale somalienne. Les locaux de l’université nationale somalienne étaient occupés depuis 2007 et servaient de base militaire pour coordonner les opérations contre le groupe armé al-Shabab.

Respect du DIH : les points à retenir

  1. Dans l’objectif de limiter les effets des attaques sur les étudiants, les établissements d’enseignement et la pratique de l’enseignement, l’AMISOM a réhabilité un certain nombre de bâtiments scolaires et les a remis aux autorités somaliennes ; l’AMISOM a également travaillé avec des partenaires pour s’assurer que tous les restes explosifs enfouis dans le sol avaient été éliminés. Cette remise s’inscrit dans le cadre mesures prises par l’AMISOM pour respecter la « Déclaration sur la sécurité dans les écoles », un engagement politique que les États ont été invités à approuver dès 2015 et qui énonce une série d’engagements pour renforcer la protection de l’éducation et à assurer la continuité de celle-ci en période de conflit armé. Le premier engagement consiste à mettre en œuvre les Lignes directrices pour la protection des écoles et des universités contre l’utilisation militaire durant les conflits armés (les Lignes directrices) Les Lignes directrices visent également à ouvrir la voie à un changement des comportements pour limiter l’utilisation des écoles et des universités à des fins militaires. Sur le plan juridique, les lignes directrices n’ont pas force obligatoire et leur préambule souligne que « l’utilisation des écoles à des fins militaires n’est pas nécessairement contraire au droit international humanitaire (DIH) ». Il n’existe pas de traité ou de règle de DIH coutumier interdisant spécifiquement l’utilisation d’écoles ou d’autres établissements d’enseignement à des fins militaires, ce qui ne veut pas dire que celle-ci n’est pas réglementée. L’utilisation militaire d’une école doit être examinée au titre des obligations des parties au conflit, telles qu’applicables, en particulier l’obligation de prendre toutes les précautions pratiquement possibles pour que la population civile et les biens de caractère civil soumis à l’autorité d’une partie soient protégés contre les effets des attaques de la partie ennemie. À cet égard, les Lignes directrices  fournissent des recommandations utiles et concrètes. Il est crucial d’éviter que les établissements d’enseignement ne deviennent des objectifs militaires et qu’ils puissent ainsi être attaqués, pour assurer la sécurité de la population civile – les étudiants et le personnel éducatif, préserver le caractère civil des écoles et garantir toutes les protections contre les attaques qui découlent de ce statut, afin que l’activité des établissements d’enseignement puisse être assurée en toute sécurité pendant un conflit armé.
  2. En juillet 2017, l’AMISOM a rendu les locaux de l’université nationale somalienne au gouvernement fédéral de Somalie. La cérémonie de remise a marqué la transition, de baraquements militaires à une institution d’études supérieures, contribuant ainsi à la protection et la continuité de l’éducation en période de conflit armé.

Cette étude de cas a été élaborée par Benedetta Panagia, Maria Chiara Giaquinto, Nour Taki et Karina Mele, étudiantes en droit (LL.M.) à l'université de Rome III, sous la supervision du professeur Giulio Bartolini (professeur de DIH) et Laura Di Gianfrancesco (assistante de recherche), de la Clinique juridique de DIH de l'université de Rome III. 

 

A. L’IMPACT PRATIQUE DE LA DÉCLARATION SUR LA SÉCURITÉ DANS LES ÉCOLES

 

[Source : Coalition mondiale pour la protection de l’éducation dans les attaques, Impact pratique de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, janvier 2022, pp. 1-2, disponible sur : https://protectingeducation.org/wp-content/uploads/SSD-Fact-Sheet-French.pdf ; voir aussi Human Rights Watch, Protecting Schools from Military Use: Law, Policy, and Military Doctrine, 2019, [traduction CICR] disponible sur : https://www.hrw.org/report/2019/05/27/protecting-schools-military-use/law-policy-and-military-doctrine]

 

Tendances à la baisse des incidents d'utilisation militaire des écoles  

La Coalition mondiale pour la protection de l’éducation contre les attaques (GCPEA) a constaté que le nombre global d’incidents signalés d’utilisation militaire des écoles et des universités a diminué de plus de moitié entre 2015 et 2020 dans les 13 pays qui ont approuvé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles en 2015 et 2016, et qui ont connu au moins un incident d’utilisation militaire signalé au cours de la même période (Afghanistan, Irak, Kenya, Liban, Mozambique, Niger, Nigeria, Palestine, République centrafricaine (RCA), République démocratique du Congo (RDC), Somalie, Soudan et Sud Soudan). […]

 

Protection accrue des écoles contre l'utilisation militaire dans la politique et la pratique nationales […] 

 

En Somalie, en 2017, dans le cadre de la mise en œuvre de la Déclaration, la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) a restitué un certain nombre d’établissements d’enseignement aux autorités, en les réhabilitant d’abord, et en travaillant avec des partenaires pour s’assurer que les terrains étaient dégagés de restes explosifs. […] 

 

B. L’AMISOM REMET LES LOCAUX DE L’UNIVERSITÉ NATIONALE SOMALIENNE AU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL DE LA SOMALIE

 

[Source :  AMISOM, L’AMISOM remet les locaux d’une université au gouvernement fédéral de la Somalie, 11 juillet 2017, disponible sur : https://amisom-au.org/fr/2017/07/amisom-hands-over-premier-university-to-the-federal-government-of-somalia/]

 

Mogadiscio, le 11 juillet 2017 La Mission de l’Union Africaine en Somalie (AMISOM) a officiellement remis les locaux de l’Université Nationale Somalienne aux autorités du Gouvernement fédéral, abandonnant le contrôle de l’institution qu’elle occupait depuis 10 ans.

 

Les troupes burundaises de l’UA ont occupé l’université en 2007, en commençant comme une petite base opérationnelle avancée, puis elle a évolué pour devenir l’Etat-major du Contingent, utilisé pour coordonner les opérations contre Al-Shabaab ; des opérations qui ont réussi à expulser les militants de Mogadiscio grâce aux efforts combinés avec d’autres troupes de l’UA. La remise d’aujourd’hui ouvre la voie à la réouverture de l’établissement d’enseignement supérieur.

 

« L’AMISOM, avec cet événement, montre clairement que nous avons commencé la remise de certaines responsabilités et infrastructures aux Somaliens. Nous sommes en train de changer l’Université de la Somalie d’une caserne militaire, en une institution d’enseignement supérieur et de la remettre aux mains des Somaliens « , a déclaré l’Ambassadeur Francisco Caetano Madeira, Représentant Spécial de l’UA pour la Somalie lors de la cérémonie de remise, dirigée par le Ministre de l’Enseignement Supérieur, M. Abdirahman Dahir Osman.

 

Les troupes qui avaient mis leur base à l’université ont été transférées au siège du Secteur 5 de l’AMISOM, à Jowhar, dans le cadre d’un processus qui a débuté en avril 2016. Le Représentant Spécial de l’UA a déclaré que renoncer au contrôle de l’université constituait le » démarrage du processus progressif de remise des responsabilités de sécurité aux forces de sécurité nationales somaliennes « , ajoutant que cela démontre que les Somaliens sont à la tête des efforts visant à reconstruire leur pays. […] 

 

Créée en 1954, l’Université Nationale Somalienne a fermé ses portes à la suite de l’éclatement de la guerre civile en 1991. 


« Nous sommes ici pour une sorte de triple célébration. Premièrement, il s’agit de reconnaître le rôle de l’AMISOM et, dans ce cas précis, celui du contingent burundais, en partenariat avec les forces de sécurité somaliennes pour sécuriser cet endroit et une grande partie de la Somalie au cours des difficiles 10 dernières années et je rends hommage pour cela  » a dit Monsieur Michael Keating, Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour la Somalie, dans son discours.

 

M. Abdirahman Dahir Osman, Ministre Fédéral de l’Enseignement Supérieur, a décrit la remise comme un symbole de la renaissance de la Somalie. 
 

« Au niveau du gouvernement, nous accordons la priorité à la sécurité, au développement économique et surtout à l’éducation. Nous pensons que l’éducation est le fondement du développement durable », a dit le Ministre.
 

Ses sentiments ont été repris par M. Mohamed Ahmed Jimale, Recteur de l’université, qui a déclaré que remettre les locaux au Gouvernement fédéral « marquait le retour de la paix, de la sécurité et de la stabilité » en Somalie.
 

Le premier lot d’admission d’étudiants à l’université la plus ancienne de la Somalie pourrait commencer en septembre 2017, une fois que le gouvernement aura donné le feu vert à l’institution.

 

[Source : UNICEF, Expanding opportunities for Somalia’s youth as the Somali National University gets back its main campus, 12 juillet 2017, [traduction CICR] disponible sur : https://reliefweb.int/report/somalia/expanding-opportunities-somalia-s-youth-somali-national-university-gets-back-its-main]

 

Mogadiscio, le 12 juillet 2017 – l’UNICEF a salué la remise du principal campus de l’université nationale somalienne au gouvernement fédéral, en déclarant qu’une étape importante avait été franchie pour donner davantage d’opportunités à la jeunesse en Somalie.

 

[…]  « Il s’agit d’une avancée très positive, qui envoie un message fort sur l’importance de s’assurer que tous les jeunes somaliens qualifiés peuvent continuer leurs études après le primaire et le secondaire et devenir les décideurs de demain », a affirmé Vincent Lelei, le coordinateur humanitaire adjoint, qui a assisté à la cérémonie de remise.

 

[…]
 

La réouverture de l’université nationale somalienne avait pour objectif de garantir un enseignement de qualité et financièrement abordable, pour améliorer l’accès aux études supérieures pour les étudiants qui n’avaient pas les moyens de se payer une des nombreuses universités privées qui ont proliféré partout dans le pays.
 

[…]

 

La cérémonie de remise, à laquelle ont assisté des hauts fonctionnaires du gouvernement et des représentants de l’AMISOM et des Nations Unies, a été présidée par le ministre fédéral de l’Enseignement supérieur, Abdirahman Dahir Osman, qui a déclaré que l’éducation était le fondement du développement durable. Le rapporteur spécial du Secrétariat général des Nations Unies pour la Somalie, Michael Keating, a souligné l’importance de l’éducation, qui constitue le fondement de la reconstruction du pays.

 

« Il est important que les établissements d’enseignement et les infrastructures de santé restent libres et dissociées de toute utilisation militaire, pour que la population ait un accès sans entrave aux services essentiels, en particulier en cette période de sécheresse prolongée », a déclaré Jeremy Hopkins, le représentant de l’UNICEF en Somalie. Et lui d’ajouter : « nous devons également penser à l’avenir. En Somalie, les jeunes représentent la majorité de la population et l’université publique leur offre une occasion unique dans leur vie ».

 

Discussion

 

I. Qualification de la situation et droit applicable

1. Comment qualifieriez-vous la situation en Somalie ? S’agissait-il d’un conflit armé et si oui, quelles étaient les parties au conflit ? De quelles informations supplémentaires auriez-vous besoin pour procéder à une telle qualification ? L’AMISOM est-elle tenue de respecter le DIH ? (CG I-IV, art. 3 commun ; PA II)

 

II. Protection des écoles dans les conflits armés

2. Comment le DIH protège-t-il la population civile contre les effets des hostilités ? Comment interpréter les principes de distinction, de proportionnalité et de précautions au regard du DIH ? (PA I, art. 48, 50, 51, 52, 58 ; PA II, art. 13 ; DIH coutumier, Règles 1, 7, 11, 14, 15, 17)

 

3. Le DIH autorise-t-il les parties à un conflit à prendre pour cible des infrastructures civiles, en particulier les écoles et les universités ? Quelles sont les conséquences de l’occupation d’une école par des forces militaires ? L’école en question doit-elle être considérée comme un objectif militaire ou comme un bien de caractère civil ? ( PA I, art. 48, 50, 52, 57 ; DIH coutumier, Règles 1, 7, 22, 23, 24)

 

4. (Document B) Le DIH interdit-il aux parties à un conflit d’utiliser des infrastructures civiles, en particulier les écoles et les universités, comme infrastructures militaires ? Concernant leur protection, y-a-t-il une différence entre l’utilisation militaire d’une école abandonnée ou évacuée et un bâtiment en activité ? L’utilisation militaire des écoles comporte-elle d’autres risques au regard du respect des principes du DIH ? (PA I, art. 51, 57, 58, DIH coutumier, Règles 11, 14, 15)

 

5. Quelle protection est accordée aux étudiants et aux enseignants ? Peut-on considérer les écoles et les universités comme des biens indispensables à la survie de la population civile ? (PA I, art. 48, 50, 51, 52, 54 ; DIH coutumier, Règle 54)

 

III. Éléments contribuant au respect du DIH

 

6. (Documents A et B) Selon vous, quelle est la raison qui a conduit l’AMISOM à rendre les locaux de l’université nationale somalienne et d’autres établissements d’enseignement aux autorités somaliennes ? La transition politique, le rôle de l’éducation et le développement durable potentiel du pays sont-ils des facteurs importants pour garantir le respect du DIH ?  

 

7. (Document B) Quelle est la valeur juridique de la Déclaration sur la sécurité des écoles ? Quelle importance accorder aux engagements politiques pour renforcer le respect du DIH ? La Déclaration sur la sécurité dans les écoles va-t-elle au-delà des obligations prévues par le DIH et si oui, de quelle manière ? En quoi cette déclaration a-t-elle influencé la décision de l’AMISOM de remettre les locaux de plusieurs établissements d’enseignement ? L’AMISOM a-t-elle adopté la Déclaration sur la sécurité dans les écoles ?

 

8. Quelle est l’influence des résolutions 1998 (2011) et 2143 (2014) du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la mise en œuvre du DIH ? Ces résolutions sont-elles contraignantes ? Selon vous, quelle a été leur influence sur l’élaboration de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles ?

 

9. Quelle ligne directrice mettriez-vous en œuvre pour justifier le fait de libérer les locaux de l’université ? Selon vous, pourquoi les Lignes directrices précisent que « toute trace ou indication de militarisation ou de fortification devrait être complètement éliminée après le retrait de forces combattantes, et tous les efforts devraient être faits pour réparer au plus vite tous dommages causés à l'infrastructure de l'institution » ?